Assurance emprunteur et droit à l'oubli
Dans le cadre d'un emprunt immobilier, les banques exigent dans la majorité des cas que l'emprunteur souscrive à une assurance de prêt. Or, il est souvent difficile pour une personne atteinte d'une maladie d'avoir accès à cette assurance sans être soumise à une surprime, parfois exorbitante. Depuis 2015, les choses ont évolué avec l'adoption en commission du projet de Loi Santé, grâce auquel un emprunteur anciennement malade peut souscrire à cette assurance en faisant jouer le droit à l'oubli. Voici tout ce qu'il est important de savoir sur ce droit à l'oubli.
Qu'est-ce que le droit à l'oubli en assurance emprunteur ?
Assurance de prêt immobilier et cancer ne font pas bon ménage. Les assureurs considèrent en effet que les personnes ayant souffert d'une pathologie cancéreuse ou de toute autre maladie grave présentent des risques accrus de mortalité ou de rechute, qui entraînent généralement un refus d'assurance.
Le droit à l'oubli a été instauré par la Convention AERAS (s'Assurer et Emprunter avec un Risque Aggravé de Santé) pour permettre à ces personnes considérées "à risques aggravés de santé" d'accéder plus facilement à l'assurance et à l'emprunt.
Le droit à l'oubli, c'est donc la possibilité pour un emprunteur de faire supprimer de son dossier médical toutes les informations et éléments qui témoignent du fait qu'il a été atteint d'un cancer. Ainsi, le droit à l'oubli autorise toute personne ayant eu un cancer, mais étant aujourd'hui guérie, de ne pas le préciser à l'organisme bancaire au moment où elle fait une demande de crédit en vue d'acquérir une résidence principale.
Ne pas avoir à mentionner ces antécédents médicaux rend l'accès à l'assurance de prêt immobilier beaucoup plus facile. Ce droit à l'oubli est donc primordial pour un emprunteur se trouvant dans ce cas de figure. En effet, sans assurance de prêt, le crédit est systématiquement refusé par les banques, à moins de disposer d'autres garanties (nantissement d'une assurance vie, hypothèque sur un autre bien immobilier, caution d'un tiers).
Avant la Loi Santé votée au Sénat en septembre 2015, toute personne ayant eu un cancer était considérée comme un profil à risques par les organismes bancaires. Elle n'avait donc aucune chance de se voir octroyer un emprunt pour achat immobilier. Autre cas, la banque acceptait l'emprunt mais il était très compliqué de trouver une assurance emprunteur. Aujourd'hui, ni la banque, ni l'assureur n'ont à connaître ce passé médical.
En résumé, l'objectif du droit à l'oubli est de mettre un terme aux discriminations se matérialisant par :
- l'ajout d'une surprime au contrat d'assurance,
- les exclusions de garanties
- le refus d'assurer
Quelles sont les pathologies concernées par le droit à l'oubli depuis 2016 ?
Le droit à l'oubli offre la possibilité aux nombreuses personnes ayant été atteintes d'un cancer de pouvoir jouir des mêmes droits que les autres emprunteurs. Un emprunteur ayant été malade d'un cancer a ainsi accès à l'assurance de prêt immobilier au même tarif qu'un autre emprunteur. L'assureur ne lui propose plus un contrat avec un tarif revu à la hausse, sans parler des majorations et des exclusions de garanties.
Une étude a démontré qu'avant la mise en place du droit à l'oubli, 14 % des emprunteurs ayant été atteints d'un cancer se voyaient refuser la souscription à une assurance de prêt immobilier, car ils sont considérés comme des personnes à risques.
Au moment de l'adoption en commission du projet de Loi Santé, le droit à l'oubli n'était accessible qu'aux personnes ayant été atteintes d'un cancer, et ce, quel que soit le cancer concerné. Depuis l’entrée en vigueur de la loi Lemoine le 1er juin 2022, les personnes guéries d’une hépatite virale C sont également éligibles au droit à l’oubli.
À l’avenir, d’autres pathologies pourraient intégrer le dispositif en fonction des avancées médicales et des données épidémiologiques disponibles.
Peut-on emprunter avec un cancer ?
Avoir souffert d'un cancer n'est plus un obstacle au crédit immobilier et à l'assurance de prêt. Avant l'entrée en vigueur du droit à l'oubli, les personnes touchées par un cancer étaient frappées d'une double peine : celle d'avoir été gravement malade et de ne pas pouvoir réaliser un achat immobilier, souvent celui d'une vie.
Depuis mars 2022, la convention Aeras a été modifiée par la loi Lemoine. Cela vous permet d'obtenir une assurance emprunteur sans avoir à révéler votre ancienne maladie à l'assureur ou à la banque. Cette exemption est valable si vous avez terminé votre traitement et n'avez pas rechuté pendant au moins 5 ans.
Quelles sont les conditions pour bénéficier du droit à l'oubli ?
Les conditions liées au crédit immobilier
Pour pouvoir faire jouer le droit à l'oubli dans le cadre d'une souscription à une assurance de prêt immobilier après avoir été atteint d'une des maladies citées plus haut, l'emprunteur doit remplir certaines conditions.
Le dispositif du droit à l’oubli s’applique lorsque les 2 conditions suivantes liées au prêt bancaire sont réunies :
- Le contrat d’assurance peut couvrir les prêts à la consommation (affectés ou dédiés), les prêts professionnels pour l’acquisition de locaux et/ou de matériels, les crédits immobiliers;
- L’échéance du contrat d’assurance doit intervenir avant le 71ᵉ anniversaire de l’emprunteur.
Les conditions médicales
Pour pouvoir bénéficier du droit à l’oubli, deux paramètres sont pris en compte, la nature de la maladie (ainsi que son stade) et le délai après la fin du protocole thérapeutique sans rechute. Le protocole thérapeutique sous-entend les traitements actifs contre le cancer, tels que la chirurgie, la chimiothérapie, les traitements thérapeutiques type hormonothérapie ou immunothérapie, ou la radiothérapie réalisée dans une structure agréée.
Un emprunteur peut bénéficier du droit à l'oubli :
- Si le cancer ou autre maladie maligne a été diagnostiqué avant ses 18 ans et que la date de fin du protocole thérapeutique remonte à au moins 5 ans, à condition qu'il n'y ait eu aucune rechute.
- Si la maladie a été diagnostiquée après les 18 ans de l'emprunteur et la date de fin du protocole thérapeutique est d'au moins 15 ans, et qu'aucune rechute n'a été constatée.
- Une fois ces délais passés, l'assureur n'a pas le droit d'imposer d'exclusions de garanties ou de surprimes au contrat d'assurance de prêt de l'emprunteur du fait de cette ancienne maladie.
- La date de fin du protocole thérapeutique est la date à laquelle le traitement actif de la maladie a pris fin (en l’absence de rechute), que ce traitement ait été chirurgical, radiothérapique ou chimiothérapique. En résumé, c'est la date à partir de laquelle plus aucun traitement n'est nécessaire à l'emprunteur car les médecins le considèrent comme guéri.
Depuis août 2020, les jeunes adultes guéris d'un cancer ont droit à l'oubli plus rapidement, puisque le délai pour en bénéficier est étendu aux cancers déclarés avant 21 ans et non plus 18 ans. L'application du droit à l'oubli permet aux personnes concernées de se voir appliquer un tarif normal, similaire à celui proposé à un emprunteur sans passif de santé.
Quelle est la durée du droit à l'oubli ?
Depuis le 2 mars 2022, le délai minimum pour bénéficier du droit à l’oubli est réduit à 5 ans selon les dispositions de la loi Lemoine, et ce, quelle que soit la date à laquelle a été diagnostiquée la maladie. Il n'y a plus aucune distinction entre les cancers juvéniles et ceux diagnostiqués à l'âge adulte.
Toutes les personnes touchées par un cancer ou l’hépatite C ont accès à l’assurance sans faire mention de leur ancienne maladie dans le questionnaire de santé, dès lors que le protocole thérapeutique a pris fin depuis au moins 5 ans au lieu de 10, et en l'absence de rechute.
Attention : les conséquences de la maladie relevant du droit à l’oubli et celles des traitements (effets secondaires) ne sont pas couvertes par le droit à l’oubli et doivent être déclarées dans le questionnaire de santé. Il en est de même pour les autres pathologies ou facteurs de risque, les situations actuelles d’incapacité, d’invalidité ou d’inaptitude au travail, qu’ils aient ou non un lien avec la maladie relevant du droit à l’oubli. Ces éléments font l’objet d’une réponse adaptée ou d’une tarification spécifique.
Quelles banques ne demandent pas de questionnaire de santé ?
La question ne se pose pas en ces termes, car toutes les banques comme tous les assureurs de prêt immobilier sont soumis à la loi Lemoine 2022 qui leur interdit de rechercher toute donnée de santé sous certaines conditions bien spécifiques.
Depuis le 1er juin 2022, la nouvelle réglementation met fin au questionnaire de santé assurance de prêt pour les crédits immobiliers inférieurs à 200 000€ si l'échéance de remboursement intervient avant le 60ème anniversaire de l’emprunteur. En cas d'emprunt à deux, la somme assurée doit être inférieure à 400 000€ si la quotité assurance de prêt est de 50 % sur chaque tête.
Qui peut bénéficier de la loi Lemoine ?
La loi Lemoine introduit 3 mesures :
- la possibilité de changer d'assurance de prêt immobilier à tout moment et sans frais, sans attendre une quelconque date d'échéance
- la fin de la sélection médicale selon les conditions énoncées plus haut
- le droit à l'oubli réduit à 5 ans pour les personnes en rémission d'une pathologie cancéreuse et celles guéries d'une hépatite virale C : cette mesure était attendue de longue date par les associations de malades.
Tous les emprunteurs, quelle que soit l'antériorité de leur contrat d'assurance de prêt immobilier, peuvent changer de formule quand ils le souhaitent depuis le 1er septembre 2022. La suppression du questionnaire de santé sous certaines conditions est applicable depuis le 1er juin 2022. Avant cela, en mars 2022, était élargi le droit à l'oubli pour les personnes éligibles.
N'hésitez pas à faire appel à un courtier en assurance de prêt immobilier pour vous accompagner dans le choix de l'assurance adaptée à votre situation, que vous soyez malade ou ancien malade, comme bien portant.
Le point important loi Lemoine/questionnaire de santé
La loi Lemoine promulguée le 28 février 2022 et entrée en vigueur le 1er juin 2022 a instauré le changement d'assurance de prêt immobilier. Elle instaure aussi une mesure inclusive pour les personnes stigmatisées par la maladie : la fin de la sélection médicale pour les prêts de moins de 200 000€ dont le terme arrive avant le 60ᵉ anniversaire de l'emprunteur.
Dans le texte, la loi Lemoine stipule qu'"aucune information relative à l'état de santé ni aucun examen médical de l'assuré ne peut être sollicité par l'assureur, sous réserve du respect de l'ensemble des conditions suivantes :
- La part assurée sur l'encours cumulé des contrats de crédit n'excède pas 200 000 euros par assuré;
- L'échéance de remboursement du crédit contracté est antérieure au soixantième anniversaire de l'assuré. "
Cette mesure ne supprime pas le questionnaire de souscription à l'assurance de prêt dans lequel l'emprunteur indique son âge, s'il est fumeur ou non-fumeur, sa profession et s'il pratique éventuellement un sport à risques.
La grille de référence du droit à l'oubli
Les compagnies d'assurance et autres organismes assureurs ont l'obligation d'informer l'emprunteur de manière claire et précise sur le protocole du droit à l'oubli. En plus de cette information, ils disposent de la grille de référence établie par la convention AERAS. La convention Aeras instaure une grille de référence pour faciliter l'accès à l'assurance emprunteur. Cela concerne les personnes qui ne bénéficient pas du "droit à l'oubli" pour des maladies telles que le cancer. Cette grille s'applique à plusieurs pathologies énumérées dans la convention Aeras.
Ainsi tout emprunteur peut savoir, en fonction de la maladie qu'il a eue, quelles sont les conditions et les délais (notamment la date du protocole thérapeutique) à partir desquels il peut envisager une souscription à une assurance de prêt immobilier sans craindre de se voir appliquer une surprime ou des exclusions de garanties.
Cette grille des pathologies de la convention Aeras reprend toutes les maladies à déclarer obligatoirement lors de la souscription à l'assurance emprunteur. Après une période déterminée pour chacune de ces maladies, l'assureur pourra proposer un contrat d'assurance de prêt immobilier dans les mêmes conditions que pour tout autre emprunteur sans passif de santé.
Les délais peuvent aller de 24 semaines (hépatite virale C) à 4 ans (cancer du colon et du rectum) à compter de la fin du protocole thérapeutique et sans rechute. Par exemple, pour le cancer des testicules, le délai est de 3 ans. Les délais sont donc évalués en fonction des types d’affection et de la gravité de la pathologie. Il n’y aucun délai d’accès à l’assurance à compter du diagnostic pour l’adénocarcinome de la prostate sous certaines conditions (en fonction des stades de référence et des stades pré-thérapeutiques retenus par la convention).
Une deuxième grille liste les pathologies à déclarer lors du remplissage du questionnaire de santé assurance de prêt immobilier, permettant l'accès à l'assurance à des conditions proches de celles proposées aux profils standard (surprimes maximaux applicables), si elles répondent aux critères énoncés.
Il est important de préciser que les médecins-conseils des assureurs sont soumis au secret médical lors de la souscription à l'assurance de prêt immobilier.
Chaque personne ayant souscrit un crédit et relevant de la convention AERAS (s'Assurer et Emprunter avec un Risque Aggravé de Santé), devra se voir fournir cette grille de référence par son assureur ou sa banque. Il devra être informé de manière claire de l'existence du droit à l’oubli et du libre choix de l'assurance de prêt.
Le non-respect du droit à l'oubli
Ce dispositif est soumis au contrôle de l’ACPR (autorité de contrôle prudentiel et de résolution).
Un décret du 13 février 2017 précise donc les modalités selon lesquelles les emprunteurs doivent être mis au courant de la possibilité de bénéficier d'un droit à l'oubli par les assureurs.
Si cette obligation n'est pas observée par les organismes assureurs, ces derniers s'exposent à des sanctions. Les sanctions peuvent s'appliquer à un assureur ne respectant pas le droit à l'oubli comme à un assureur imposant une surprime alors que l'emprunteur ne présente plus de risque.
Un emprunteur a des droits, dont le droit à l'oubli, que tout assureur se doit de respecter. C'est pourquoi il est important de bien comprendre ce droit afin de pouvoir le faire jouer si vous en avez besoin.
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