Tout le secteur de l’immobilier souffre de la hausse des taux d’emprunt, mais aussi des règles d’octroi trop restrictives qui empêchent des foyers pourtant solvables de concrétiser leur désir d’acheter un logement. Les annonces promises par le gouvernement visant à endiguer cette crise du logement sont attendues début juin. Une seule mesure a pour l’heure été confirmée : le prêt à taux zéro ou PTZ est prolongé en 2024. De leur côté, les professionnels ont émis des solutions qui permettraient de débloquer quelque peu l’accès au crédit immobilier.
Normes d’octroi du crédit immobilier : davantage de souplesse
Le Haut Conseil de Stabilité Financière encadre la distribution des crédits immobiliers depuis janvier 2020. Ces règles sont devenues juridiquement opposables aux banques depuis janvier 2022 :
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Le taux d’endettement ou taux d’effort est plafonné à 35% des revenus nets avant impôt, assurance de prêt immobilier comprise.
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La durée de remboursement est limitée à 25 ans, voire 27 ans en cas d’achat dans le neuf (VEFA) ou dans l’ancien avec lourds travaux de rénovation (au moins 25% du montant de l’opération).
Les banques ont la possibilité de déroger aux règles du HCSF à hauteur de 20% de leur production trimestrielle de crédits immobiliers, cette flexibilité étant destinée pour un minimum de 80% à l’acquisition de la résidence principale, dont 30% de primo-accession.
Augmenter la marge de flexibilité
Selon les données de la Banque de France, les banques commerciales n’utilisent que 14,5% de cette souplesse. Un excès de prudence qui nuit aux primo-accédants, déjà bloqués par des critères renforcés en matière d’apport personnel et d’épargne de précaution. Le ministre du Logement Olivier Klein invite les établissements de crédit à utiliser toute l’étendue de la marge de manœuvre dont ils disposent et d’être souples sur certains dossiers sans mettre en péril l’équilibre financier du ménage.
Emprunter jusqu’à 30 ans pour l’achat de la résidence principale
Certains professionnels réclament de porter la durée maximale des prêts immobiliers à 30 ans pour les projets d’acquisition de la résidence principale, qui concernent en priorité les primo-accédants. L’usage de l’allongement des durées permettrait de contenir le taux d’endettement des ménages, la contrepartie étant toutefois l’augmentation du taux d’intérêts. Ces deux facteurs renchérissent le coût global du crédit.
Aujourd’hui, la primo-accession, en grande partie constituée de jeunes salariés ayant des revenus stables, peine à accéder au crédit et pèse sur le marché locatif.
Rappelons que les règles d’octroi du HCSF ont été mises en place pour éviter un endettement excessif des ménages. Jusqu’à fin 2019, il était possible de s’endetter sur 30 ans. Avant la norme, 2,1% des crédits immobiliers affichaient une durée de plus de 25 ans, contre 0,3% actuellement (données Observatoire Crédit Logement/CSA).
Mesurer le reste à vivre
Dans l’encadrement rigoureux du crédit immobilier, le régulateur occulte le reste à vivre, un indicateur pourtant essentiel pour les banques, qui mesure le niveau de ressources disponible pour payer les dépenses du quotidien, une fois que le ménage a remboursé ses mensualités de crédit.
Il est clair que la notion de reste à vivre doit être prise en compte, car un endettement à 35% n’est pas le même impact sur un profil au Smic ou à 10 000€ par mois. Un ménage disposant de revenus confortables pourrait très bien afficher un taux d’effort supérieur à la norme tout en conservant un niveau de vie parfaitement décent, sans trop pénaliser son budget.
Il serait judicieux de laisser les banques faire leur métier, qui consiste notamment à accorder des crédits immobiliers selon la prudence dont elles ont toujours fait preuve. En France, le défaut de paiement est minime, en grande partie parce que les prêts immobiliers sont octroyés à taux fixe dans le respect de la capacité d’endettement de l’emprunteur.
Changer le mode de calcul du taux d’endettement
L’investissement locatif est le grand perdant des normes d’octroi des crédits immobiliers. Depuis 2021, le HCSF interdit en effet aux banques de calculer le taux d’endettement selon la méthode différentielle qui permet de déduire les revenus locatifs de la mensualité de crédit, après pondération (généralement 30% de leur montant). Il impose désormais la méthode conventionnelle qui consiste à ajouter les loyers pondérés aux revenus du ménage, ce qui augmente mathématiquement le taux d’endettement.
Même en cas de reste à vivre suffisant, le plafond de verre des 35% d’endettement est dépassé, surtout si le ménage rembourse déjà un crédit sur la résidence principale.
Le gouvernement semble oublier que le marché du locatif est détenu à 60% par les investisseurs privés. En leur fermant l’accès au crédit par une vision dogmatique du calcul du taux d’effort, il est en partie responsable des fortes tensions que subit le marché de la location immobilière.
Sortir l’assurance emprunteur du TAEG
La révision trimestrielle des taux d’usure a montré ses limites avec la remontée rapide et brutale des taux d’intérêts depuis le printemps 2022. Décidée tardivement en janvier 2023, la mensualisation du taux d’usure a des effets réduits sur l’accès au crédit immobilier, sans compter qu’elle contribue à l’augmentation plus rapide des taux d’intérêts. Ces derniers restent toutefois inférieurs au niveau de l’inflation (5,9% sur un an à fin avril 2023). S’endetter aujourd’hui est donc une bonne opération comptable, nonobstant les dépenses du quotidien frappées de plein fouet par l'augmentation de l'indice des prix.
Pour éviter l’effet ciseau qui prend en tenailles les emprunteurs entre la remontée des taux d’emprunt et le niveau trop faible des taux d’usure, certains courtiers réclament depuis plusieurs années déjà de sortir l’assurance emprunteur du TAEG pour rester sous l’usure.
Deuxième dépense après celui des intérêts, le coût de l’assurance dépend de facteurs inhérents à l’emprunteur (âge, santé, profession, fumeur ou non-fumeur, pratique d’un sport à risques). Certaines banques dissocient les garanties obligatoires (décès et PTIA) des garanties facultatives (incapacité et invalidité), ce qui leur permet d’extraire du calcul du TAEG une bonne partie du coût total de l’assurance de prêt.
Cette pratique ne permet pas de comparer objectivement les offres de prêt et peut orienter les emprunteurs vers une proposition plus onéreuse. Elle contribue par ailleurs à abaisser artificiellement les TAEG moyens qui servent au calcul de l’usure, accélérant de fait le phénomène d’érosion des taux légaux et l’effet ciseau qui s’ensuit. Raison pour laquelle certains courtiers souhaitent que l’assurance de prêt soit officiellement évincée du TAEG.
En un an, les candidats à l’achat immobilier ont perdu 20% de capacité d’emprunt et surtout, bon nombre d’entre eux se voient refuser l’accès au crédit pour cause de critères devenus obsolètes et inadaptés au contexte actuel. La production de crédits immobiliers chute de 40% en avril 2023 sur un an. Les solutions avancées plus haut seront peut-être discutées lors de la prochaine réunion du HCSF courant juin, mais il semble prématuré de parier sur un assouplissement des critères d’octroi en 2023.