La ruée sur le crédit immobilier en 2019 a suscité des inquiétudes de la part du Haut Conseil de Sécurité Financière. L'instance redoute un surendettement des ménages et demande aux banques d'appliquer les bonnes pratiques dans la distribution des emprunts à l'habitat, en l'occurrence de limiter strictement le taux d'endettement à 33%. Cette notion intangible de taux d'endettement au tiers de revenus fait débat, les professionnels du crédit préférant que soit privilégié le "reste à vivre" pour avoir une vision plus réaliste de la capacité réelle de l'emprunteur.
Taux d'endettement à 33% : une règle d'usage à géométrie variable
Il est communément admis que le taux d'endettement en matière de crédit immobilier soit fixé à 33%, ce qui signifie que le tiers des revenus du ménage emprunteur est consacré au remboursement du ou des prêts. Cette pratique ne repose sur aucune réglementation, elle permet toutefois d'établir un seuil moyen au-delà duquel l'équilibre financier de l’emprunteur pourrait être compromis. La règle des 33% s'applique notamment lorsque vous faites une simulation de prêt en ligne : le rapport entre vos charges d'emprunt et vos revenus nets ne devra pas excéder ce seuil pour aller plus avant dans la faisabilité de votre demande. Si vous gagnez 3 000€ par mois, votre mensualité de crédit ne devra pas être supérieure à 1 000€. Le taux à 33% est désormais ancré dans l'imaginaire collectif, mais est-il appliqué de manière immuable ?
Le taux d'endettement à 33% est une règle de bon sens qui correspond, il est vrai, à la majorité des cas, mais libre à l'établissement bancaire de faire varier ce taux en fonction de la situation du client. Chaque dossier de financement est unique et requiert une analyse personnalisée. Raison pour laquelle les banques ajustent le taux d'endettement à la marge selon le niveau de revenus de l'emprunteur. Sans compter que les paramètres utilisés pour calculer le taux d'endettement diffèrent d'un établissement à l'autre. Aux salaires et revenus assimilés, sont toujours ajoutés les pensions diverses. Certains prêteurs intègrent également les revenus spécifiques (revenus fonciers, allocations familiales, allocations logement, primes, ...).
Pour un ménage avec des revenus confortables, la banque peut estimer qu'un taux d'endettement à plus de 40% reste raisonnable et ne met pas en péril l'équilibre budgétaire du foyer. À l'inverse, si l'emprunteur gagne un salaire équivalent au Smic, le seuil d'endettement au tiers sera clairement trop lourd à supporter, ce taux devra être ramené sous les 30%. Apparaît alors une notion plus pertinente pour évaluer l'effort de l'emprunteur : le reste à vivre, c'est-à-dire le montant des ressources qui subsiste après remboursement des dettes d'emprunt.
Le reste à vivre : une notion fondamentale pour évaluer la juste capacité d'endettement
Le recours massif au crédit immobilier durant l'année 2019 a été en grande partie motivé par le niveau historiquement bas des taux d'intérêt. Jamais emprunter pour financer l'achat d'un logement n'a coûté aussi peu. Cette situation a permis à un plus grand nombre de ménages à revenus moyens et modestes d'accéder au crédit. En allongeant la durée d'emprunt, ils ont pu acquérir leur logement tout en maîtrisant leur endettement mensuel. La part des prêts sur des maturités très longues (25 ans et plus) a d'ailleurs nettement augmenté depuis trois ans, passant de 21% en 2016 à plus de 40% en 2019. Dans le courant de décembre dernier, le Haut Conseil de Sécurité Financière (HSCF) s'est alarmé de la situation et a demandé aux banques de limiter l'octroi des prêts à 25 ans et plus. Elle réclame également de leur part un respect strict de la règle des 33% pour le taux d'endettement.
Selon l'Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR), près d'un quart des emprunteurs souscrivent un crédit immobilier avec un taux d'effort supérieur à 35% de leurs revenus. Faut-il pour autant interdire aux banques de prêter quand le taux d'endettement est supérieur à 33% ? Ce serait faire fi du sérieux avec lequel les établissements financiers accordent des crédits. Aucune largesse de leur côté, car la peur du risque, comprendre les défauts de paiement, demeure centrale. Si l'emprunteur peut s'endetter au-delà des 33%, cela signifie que la banque prêteuse évalue son reste à vivre suffisant.
Au contraire, présenter un dossier sous les 33% d'endettement n'offre nullement la garantie de décrocher le financement. L'analyse de solvabilité, le gros mot est lâché, ne se résume donc pas au seul taux d'endettement, mais sur une série de critères dont l'élément central est le reste à vivre. Plus les revenus sont élevés, moins la règle des 33% d'endettement s'avère pertinente, dès lors que l'emprunteur conserve un reste à vivre plus que décent.
Illustration avec ces deux exemples. Un couple sans enfant, occupant le logement financé à crédit, avec des revenus mensuels autour de 7 000€, pourra assumer une mensualité de 3 000€ (taux d'endettement à 42,85%). Un couple toujours locataire, avec un enfant et des revenus mensuels à 2 200€, aura du mal à finir le mois si l'on applique la règle des 33% (mensualité à 726€). Le reste à vivre du premier atteint 4 500€/mois, quand il reste au second moins de 1 500€ pour faire face aux dépenses vitales (loyer, nourriture, assurances, transport, ...).
Les spécialistes du crédit sont nombreux à souhaiter que la notion de reste à vivre soit mise en avant par rapport au taux d'endettement qui ne mesure pas concrètement l'effort financier de l'emprunteur. Le HCSF pourrait d’ailleurs faire preuve d’une certaine souplesse en acceptant qu’une part de la production de crédits (au plus 15%) s’affranchisse du strict respect des critères d’endettement, mais uniquement pour aider les primo-accédants à acquérir leur résidence principale.