Selon la dernière publication de la Banque de France, le volume de crédits immobiliers s’est effondré en avril 2023, accusant un repli de 40% par rapport au même mois de 2022. Des chiffres qui rejoignent ceux de l’Observatoire Crédit Logement. Le marché est en pleine crise. Accéder au crédit immobilier devient de plus en plus difficile, alors que sont attendues les propositions du Comité national de refondation sur le logement, censées fournir des solutions immédiates pour éviter la crise sociale qui se profile.
Crise immobilière en 2023
Alors que le printemps est traditionnellement un temps fort pour le marché immobilier, les chiffres indiquent non pas un ralentissement, mais un plongeon phénoménal qui confirme qu’une crise sévère s’installe. Selon les données de la Banque de France, les banques commerciales ont accordé 12 milliards d’euros de crédits immobiliers en avril dernier (hors renégociations de prêt), contre un peu plus de 20 milliards en 2022 à la même période. La baisse atteint les 40%.
Un tableau bien médiocre en phase avec les chiffres de l’Observatoire Crédit Logement/CSA. À fin avril 2023, la chute de la production de prêts à l’habitat est mesurée à -39,7% en niveau trimestriel (glissement annuel) et à -40,1% pour le nombre de crédits. La crise de l’immobilier 2023 n’est pas un fantasme, en témoignent les chiffres choc.
Pourquoi est-il si difficile d’emprunter en 2023 ?
N’en déplaise à la Banque de France, la demande est toujours au rendez-vous, mais les ménages peinent à accéder au crédit bancaire en raison de plusieurs facteurs conjugués.
La progression constante de taux d’intérêts
Le taux moyen s’affiche actuellement à 3,70% sur 20 ans et à 3,95% sur 25 ans (taux brut hors assurance de prêt immobilier et coût des sûretés). Des moyennes qui indiquent que pour bon nombre de dossiers, la barre des 4% est outrepassée. Les taux sont au plus haut depuis dix ans.
Le problème de l’usure
Bien que mensualisé depuis le 1er février 2023, le taux d’usure ne peut suivre l’évolution rapide des taux d’emprunt. La BdF estime pourtant avoir effectué un « bon réglage du taux de l’usure ». Les banques ont augmenté à nouveau leurs taux pour le mois de mai dans le sillage du taux d’usure supérieur à 4,50% sur 20 ans et plus en mai 2023.
Les normes d’octroi du HCSF
Imposées juridiquement aux banques depuis janvier 2022 par le Haut Conseil de Stabilité Financière, les règles d’octroi limitent le taux d’endettement à 35% des revenus nets (assurance emprunteur incluse) et la durée de remboursement à 25 ans (sauf exception dans le neuf jusqu’à 27 ans). La norme du taux d’effort est une aberration pour les ménages aisés qui peuvent dégager un reste à vivre suffisant au-delà des 35%.
Le niveau élevé des prix immobiliers
Les prix vont baisser en 2023 et 2024, mais le mouvement est encore peu significatif dans l’ancien et les prix du neuf continuent d’être tirés vers le haut en raison de l’inflation sur les coûts des matériaux.
La situation pourrait encore se dégrader dans les prochaines semaines. Le taux de refinancement de la Banque Centrale Européenne atteint désormais 3,75% suite au nouveau relèvement opéré hier 10 mai, le 7ème en moins d’un an. Les économistes s’attendent à ce que l’institution monétaire rehausse ses taux d’intérêts à l’occasion de ses deux réunions prévues avant l’été. Le coût des ressources augmentant, les banques de détail ont donc le choix entre remonter leurs barèmes ou fermer le robinet du crédit. Cette décision radicale a été prise en avril dernier par Axa Banque.
Comment faciliter l’accès au crédit immobilier ?
La fin de la hausse des taux n’est donc pas pour demain et au fil du temps, la capacité d’emprunt des ménages se réduit comme peau de chagrin. Avec une mensualité de 1 000€ et une durée de prêt de 20 ans, vous pouvez emprunter actuellement 161 600€ avec un taux nominal de 3,70% assorti d’une assurance emprunteur au taux de 0,34%. En décembre 2021, quand le taux moyen sur cette maturité stagnait à 1%, vous pouviez emprunter 204 800€. Vous avez perdu plus de 21% de pouvoir d’achat immobilier.
Le pire des scénarios est de ne pas accéder au crédit, la hausse rapide des taux étant uniquement symptomatique d’un système défaillant. Comment la BdF peut-elle justifier un taux d’usure identique qu’on emprunte sur 20 ou 25 ans ? Les candidats qui écopent des durées les plus longues, souvent les jeunes primo-accédants dotés d’un faible apport personnel et d’une épargne précaution trop faible, sont discriminés, puisque le TAEG (Taux Annuel Effectif Global) ne peut intégrer tous les frais liés à l’obtention du financement et rester sous l’usure.
Les professionnels du crédit plaident pour un assouplissement des règles d’octroi du HCSF. Au sein des 20% de marge de flexibilité accordée aux banques, 80% doivent être réservés à l’acquisition de la résidence principale, dont 30% pour la primo-accession. Les 20% restants peuvent concerner des dossiers de résidence secondaire ou d’investissement locatif. Or, les clients qui souhaitent réaliser ce type d’achat sont souvent plus aisés. Il suffirait de faire sauter la segmentation entre types d’achat immobilier pour gagner en flexibilité. Les normes d’octroi sont objectivement pertinentes pour éviter le surendettement, mais elles pourraient être décontractées pour certaines catégories de clientèle.
Pour le moment, la BdF s’oppose à toute révision des normes de protection, estimant que les modifier ne « changerait pas le cycle normal du crédit immobilier ». En désaccord avec Bercy qui admet un obstacle à l’accès au crédit, et donc à la propriété, de ménages pourtant solvables. À une crise de l’immobilier s’ajouteront dans peu de temps une crise du logement et une crise sociale, avec des ménages solvables obligés de rester locataires car empêchés d’acheter, ce qui alimente la tension sur le marché locatif.