Sera-t-il plus facile d’emprunter en deuxième partie de l’année 2023 ? Face à l’immarcescible montée des taux d’intérêts, les banques commerciales se disent prêtes à revoir les règles en vigueur pour éviter un blocage total de l’accès au crédit immobilier, avec toutes les conséquences sur le légitime accès au logement et sur l'équilibre social. La balle est dans le camp des autorités financières.
Envolée des taux d’emprunt depuis mars 2022
Depuis la remontée graduelle et ininterrompue des taux d’intérêt, dans le sillage de l’inflation et de la dégradation des conditions monétaires amorcée début 2022, les candidats à la propriété peinent à accéder au crédit.
En avril, selon les données de l’Observatoire Crédit Logement/CSA, le taux moyen toutes durées confondues s’est établi à 3,15%, hors assurance de prêt immobilier et coût des sûretés. Des taux à 4% sont attendus pour l'été 2023. Le taux a été multiplié par 3 en un peu plus d’un an et cette progression rapide a des conséquences sur la distribution des prêts à l’habitat.
La production de crédits immobiliers chute de 40% en avril 2023 sur un an, un plongeon qui augure d’une crise plus profonde si rien n’est entrepris au niveau des pouvoirs publics. Pourquoi est-ce si difficile d’emprunter en 2023 ? La question mérite d’être posée car le niveau des taux d’intérêts n’est pas en soi un frein à l’accession. Au regard de l’inflation (5,9% sur un an à fin avril), on emprunte même à des taux négatifs.
Deux facteurs conjugués contribuent à entraver l’accès au prêt bancaire :
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les critères d’octroi instaurés par le Haut Conseil de Stabilité Financière (HCSF) depuis janvier 2020, juridiquement figés en janvier 2022, avec un sens du calendrier pour le moins contestable : le taux d’endettement ou taux d’effort est limité à 35% des revenus nets avant impôt, assurance emprunteur comprise, et la durée de remboursement est plafonnée à 25 ans, voire jusqu’à 27 ans pour un achat dans le neuf.
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le taux d’usure : la révision trimestrielle ne pouvait suivre le rythme de la progression des taux d’intérêts, raison pour laquelle la Banque de France, sous la pression des banques de détail et des courtiers, a décidé sa mensualisation depuis le 1er février et pour une durée provisoire de 6 mois.
Malgré un taux d’usure mensuel, l’accès au crédit reste une gageure pour un trop grand nombre de ménages, même les plus aisés, en raison de l'augmentation trop vive des taux du marché. D’aucuns se demandent s’il faut attendre fin 2023 pour emprunter, le temps que les autorités réagissent et que les conditions monétaires se stabilisent enfin.
Les banques en faveur d’un assouplissement des critères d’octroi
L’avenir pourrait leur donner raison. Face à un ralentissement notable de la production de crédits immobiliers depuis le début de l’année 2022, la directrice de la Fédération bancaire française, Maya Atig, a déclaré au journal Le Parisien que les banques étaient prêtes à discuter de possibles assouplissements réglementaires. Elles anticipent les prochains relévements des taux directeurs de la Banque Centrale Européenne d'ici l'été, qui vont davantage renchérir le coût des ressources.
La crise de l’immobilier 2023 oblige désormais les autorités financières à prendre des décisions fortes et immédiates pour ouvrir de nouveau des portes du crédit aux ménages solvables et empêcher une crise sociale imminente. La prise de paroles des banques est sans doute le signal d’une situation grave qui nécessite sans tarder une décontraction des normes d’octroi, aujourd’hui aveuglément strictes et facteurs d’exclusion selon un raisonnement qui frôle l'absurde.
Le taux d’effort de 35% s’applique quels que soient les revenus du ménage, indépendamment du reste à vivre. Or, un foyer avec des revenus confortables peut s’endetter au-delà de la norme sans mettre en péril son équilibre financier, contrairement à un ménage au Smic.
Les banques bénéficient d’une marge de flexibilité les autorisant à s’affranchir des règles à hauteur de 20% de leur production de crédits immobiliers à destination principalement de la résidence principale et de la primo-accession. Elles demandent une dérogation plus large pour certains dossiers qui auraient dû être refusés selon les critères initiaux.
En avril dernier, le ministre de l’Économie Bruno Le Maire s’était inquiété que la norme HCSF puisse devenir un « obstacle à l’accès au crédit, donc à la propriété, de ménages pourtant solvables ». Si des changements devaient être envisagés, ils seraient annoncés lors de la prochaine réunion du HCSF qui se tiendra en juin.