Le marché immobilier est en plein marasme, avec une production de crédits qui chute dangereusement et des ventes en berne. La faute aux taux d’intérêts qui ne cessent d’augmenter depuis plus d’un an et demi. Pas seulement. L’inaction du gouvernement et le Haut Conseil de Stabilité Financière totalement psychorigide quant aux normes d’octroi sont aussi responsables de cette situation dramatique pour toute une filière.
Difficile accès au crédit immobilier
Les faits sont têtus. Pour la première fois depuis mars 2016, la production de crédits immobiliers d’août 2023 est tombée sous la barre des 10 milliards d’euros, soit une chute de 50% par rapport à la même période l’an dernier. Le nombre de ventes dégringole lui aussi et repasse sous le seuil du million de transactions dans l’ancien sur un an, soit un repli de 20%. La hausse des taux d’emprunt qui rogne la solvabilité des ménages et tire vers le bas leur pouvoir d’achat immobilier n’est pas la seule fautive de cette plongée de l’activité.
Normes obsolètes
L’instauration des règles d’octroi du HCSF (Haut Conseil de Stabilité Financière) fin 2019 s’est faite en plein boom du marché immobilier. Le régulateur plafonne alors le taux d’endettement à 33% des revenus nets (assurance emprunteur comprise), puis 35% un an plus tard, et limite la durée de remboursement à 25 ans (sauf exception dans le neuf à 27 ans).
L’activité dynamique d’alors était portée par des taux historiquement bas. Souvenez-vous, il était possible de s’endetter autour de 1% (hors assurance de prêt immobilier et autres frais de garantie), quand aujourd’hui le taux moyen sur 20 ans excède les 4%. L’objectif était de réguler la distribution du crédit immobilier pour prévenir une surchauffe du marché et d’éventuelles dérives, à savoir un endettement excessif des ménages et le déséquilibre financier des banques. Bizarrement ou à dessein, pas d’encadrement du crédit à la consommation, pourtant davantage incriminé en matière de malendettement et de surendettement.
On peut s’interroger sur la pertinence de normes édictées il y a trois ans alors que le contexte actuel est tout autre. La norme est aujourd’hui facteur d’exclusion de ménages pourtant solvables, parce qu’au-delà d’être appliquée avec un comble de rigidité, elle n’intègre pas une notion pourtant centrale en matière de crédit immobilier : le reste à vivre. Des emprunteurs dotés de revenus confortables peuvent afficher un endettement supérieur à la norme tout en vivant décemment. Taux d’endettement et reste à vivre sont deux notions complémentaires, comme l’a rappelé dernièrement la Cour de cassation, mais le HCSF demeure inflexible.
Première concession accordée : un léger assouplissement des conditions d’octroi pour les investisseurs. Depuis juin dernier, au sein de la marge de flexibilité de 20% qui permet aux banques de s’affranchir des règles, 30% sont désormais affectés en totale liberté, contre 20% auparavant. Un pouième de la distribution de crédits immobiliers.
Deuxième souplesse : le prêt à taux bonifié, une idée du ministre de l’Économie Bruno Le Maire pour calmer le jeu après le refus catégorique du HCSF de revoir le taux d’endettement. Une option intéressante pour ouvrir l’accès au crédit immobilier, mais qui ne verra pas le jour avant... 2025.
Taux d’usure inadapté
Autre frein à l’accès au crédit immobilier, le dysfonctionnement de l’usure qui s’est révélé au grand jour avec la remontée brutale des taux d’intérêts. L’effet ciseau intervient très vite après la révision du taux d’usure, calculé tous les trimestres… jusqu’à ce que la Banque de France décide de mensualiser le taux maximum légal à partir de février 2023.
La mesure va dans le bon sens, mais cette réforme a minima du taux d’usure ne résout pas tout, car la base de calcul reste la même, à savoir les taux effectifs moyens octroyés durant les trois derniers mois. On peut difficilement parler d’actualisation dans un marché où les taux prennent jusqu’à 50 points par trimestre.
Que fait le gouvernement pour répondre à la crise immobilière ?
Le marché n’a pas besoin de mesures cosmétiques mais d’une politique volontariste qui relance le crédit tout en laissant les banques faire leur métier, qui est d’accorder des financements en bonne intelligence comme elles l’ont toujours pratiqué. La France peut s’enorgueillir d’avoir un taux de défaut de paiement très faible, 1,24% en 2019 selon les chiffres de la Banque de France, et cela, grâce notamment au système vertueux des taux fixes qui protège les ménages contre la hausse des taux, les banques jouant le rôle d’amortisseur.
Pourtant, on est loin d’une France de propriétaires. Pour la première fois depuis 40 ans, la part des personnes propriétaires de leur logement a diminué, passant de 57,6% à 57,3% en une décennie (donnée Insee). Parallèlement, le nombre de locataires a augmenté de 39,5% à 40,2%. Au difficile accès au crédit, les ménages sont aussi confrontés à une réglementation restrictive qui vise l’éradication des passoires thermiques.
La loi Climat d’août 2020 raréfie un peu plus l’offre locative en sortant progressivement du marché les biens mal classés sur l’échelle du DPE. Certes, la mesure est saine pour rénover le parc locatif, mais elle est assortie d’un calendrier beaucoup trop serré qui prend à la gorge les bailleurs n’ayant pas les moyens financiers de rendre leur bien moins énergivore. Le parc locatif privé assure le logement de 7,5 millions de ménages, soit près de 25% d’entre eux, devant les logements sociaux (5,3 millions de ménages). Et 97% de ce parc est détenu par des personnes physiques, dont environ un tiers de petits bailleurs qui louent pour améliorer l’ordinaire. Ceux-là ont-ils la capacité de financer une rénovation complète, d’autant que MaPrimRénov reste peu accessible en copropriété ?
La loi Climat cherche également à réduire l’artificialisation des sols, ce qui se traduit notamment par le centrage du PTZ 2024 qui exclut les maisons individuelles.
Ajoutons que la suppression du Pinel est actée pour la fin 2024, et que le dispositif de défiscalisation immobilière conditionne désormais l’avantage fiscal à des conditions environnementales beaucoup plus élevées.
Vive tension sur le marché locatif, baisse trop timide des prix immobiliers, entrave au crédit par des règles inadaptées et immobilisme des autorités, tout est réuni pour entraîner la crise de l’immobilier vers une crise sociale. Il n'est pire aveugle que celui qui ne veut pas voir.