La décision du Haut de Conseil de Stabilité Financière (HCSF) quant aux normes d’octroi encadrant la distribution des crédits immobiliers était vivement attendue des professionnels, pour le moins inquiets d’une chute de la production de crédits de l’ordre de 40%. Leurs espoirs seront déçus, la montagne accouche d’une souris. Dans ses recommandations rendues publiques hier, le régulateur lâche un très léger lest sur la marge de flexibilité, ce qui pourrait permettre aux banques d’accorder davantage de financements aux investisseurs immobiliers. Pour le reste, taux d’endettement et durée de remboursement, rien ne bouge. Les vannes du crédit immobilier vont demeurer momentanément bloquées.
Dérogation aux normes : petit effort pour les investisseurs immobiliers
Présidé par le ministre de l’Économie Bruno Le Maire, le HCSF a très mollement assoupli les règles qui prévalent en matière de crédit immobilier. Instaurées en janvier 2020 dans le but d’éviter un endettement excessif des ménages et de maintenir la stabilité des banques, les règles d’octroi du HCSF sont devenues des normes imposées aux banques depuis janvier 2022.
Elles limitent le taux d’endettement ou le taux d’effort à 35% des revenus nets, assurance de prêt immobilier incluse, et la durée de remboursement à 25 ans (jusqu’à 27 ans en cas d’achat dans le neuf ou dans l’ancien avec lourds travaux de rénovation). Les banques bénéficient toutefois d’une marge de flexibilité pour s’affranchir des règles à hauteur de 20% de leur production trimestrielle de crédit immobilier. Et au sein de cette marge, elles doivent en réserver 80% au financement de la résidence principale, dont au moins 30% pour les primo-accédants.
Sur les 20% restants, les établissements de crédit peuvent donc prêter à qui ils veulent, aux conditions qui leur sont propres. Le HCSF a décidé de rehausser cette proportion à 30%, ce qui réduit de fait la part dédiée à l’accession à la propriété à 70%. Cette décision n’affecte en rien les primo-accédants dont la part est maintenue à 30%.
Les dossiers d’investisseurs pourront donc profiter de ce léger assouplissement, même si le régulateur se défend de favoriser l’investissement locatif. Ce petit geste intervient alors que l’exécutif a acté la suppression du Pinel fin 2024. Selon les données de la Banque de France (BdF), la production de crédits immobiliers hors normes est de 13,8% au premier trimestre 2023, bien en-deçà de la marge maximale autorisée.
Le deuxième ajustement technique concerne lui aussi la marge de flexibilité. En cas de dépassement sur un trimestre, l’ACPR (Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution), organe chargé de contrôler et de sanctionner les banques en cas de manquement à leurs obligations, attendra les deux trimestres suivants pour évaluer la politique de distribution de crédit.
Taux d’endettement et durée d’emprunt : aucun changement
Dans son communiqué de presse du mardi 13 juin, le HCSF rappelle que les normes d’octroi visent à rendre le crédit plus sûr dans un contexte de normalisation des taux d’intérêts. Il admet toutefois les difficultés opérationnelles rencontrées par les banques dans la mise en place des règles, raison pour laquelle il introduit les deux ajustements techniques cités plus haut.
Hors de question de toucher au taux d’endettement, dit taux d’effort, ni même à la durée de remboursement, qui sont maintenus aux plafonds édictés il y a deux ans, soit 35% des revenus nets et 25 ans sauf exception. Courant mai, les banques s’étaient dites prêtes à assouplir les critères d’octroi pour mieux affronter la crise de l’immobilier. Elles ont été partiellement entendues, elles qui avaient proposé d’utiliser librement les 20% de dérogations possibles aux règles.
Selon le courtier Finance Conseil, il faudra attendre plus d’un an avant de pouvoir estimer les bénéfices de ces mesures, autant dire que la production de crédits immobiliers pour l’année 2023 risque d’être sinistrée. Pour le courtier Vousfinancer, ces évolutions à la marge seront « sans effet sur la production ». Pour Meilleurtaux, ces ajustements permettraient de distribuer environ 13 600 crédits supplémentaires par an.
Mensualisation du taux d’usure jusqu’à fin 2023
Pour la BdF, le marché est en phase de normalisation après deux années exceptionnelles. Le taux de croissance annuelle des crédits à l’habitat était de 4,1% en avril 2023, contre 4,5% en mars, ce qui reste, toujours selon la BdF, « un niveau nettement supérieur à celui qui avait prévalu avant la période de taux exceptionnellement bas ». Mais si l’on compare avril 2022 et avril 2023, la production de crédits immobiliers chute de 40%.
On attendait beaucoup de la mensualisation du taux d’usure depuis le 1er février 2023, mais elle n’a qu’un très faible impact sur la production de crédits. Elle permet toutefois aux banques de mieux répondre aux contraintes du contexte monétaire, en évitant trop rapidement l’effet ciseau. La semaine dernière, suivant les préconisations du Conseil National de Refondation pour le logement, la première ministre Élisabeth Borne a annoncé que la révision mensuelle de l’usure est prolongée jusqu’au 1er janvier 2024. Il faudrait une baisse des prix de l’immobilier de 20% en 2023 pour relancer efficacement l’activité et compenser en partie la hausse des taux d’intérêts.