Le gouvernement souhaite éradiquer les passoires thermiques du parc locatif à l’horizon 2034, tout mettant en exergue MaPrimRénov, le dispositif phare d’aide à la rénovation énergétique dont le plafond vient d’être revu à la hausse. Encore une fois, la réglementation manque de clarté, ce qui risque d’aggraver la crise actuelle de l’immobilier.
Recul sur l’interdiction de louer des passoires thermiques ?
Un décret* paru en plein été le 20 août dernier vient encadrer l’interdiction progressive de louer en qualité de résidence principale les logements qualifiés d’indécents, autrement dit les passoires thermiques.
S’il confirme bien que sortent du marché locatif les logements de la classe G sur l’échelle du DPE (Diagnostic de Performance Énergétique) à compter du 1er janvier 2025, ceux classés F dès 2028 et ceux notés E en janvier 2034, le texte précise les niveaux de performance minimale (classe D à compter de 2034), mais aussi les critères relatifs aux contraintes architecturales ou patrimoniales qui font obstacle à l’atteinte de ce critère ou de ces niveaux dans la définition du logement décent, en clair, les biens qui ne peuvent bénéficier de travaux de rénovation énergétique leur permettant d’atteindre une performance minimale.
Voici les situations pour lesquelles le juge ne peut ordonner la réalisation de travaux visant un niveau minimal de performance énergétique :
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« Les travaux nécessaires feraient courir un risque de pathologie du bâti, affectant notamment les structures ou le clos et couvert des bâtiments, attesté par une note argumentée rédigée, sous sa responsabilité, par un homme de l’art ;
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Les travaux nécessaires, entraînant des modifications de l’état des parties extérieures, y compris du second œuvre, ou de l’état des éléments d’architecture et de décoration de la construction, ont fait l’objet, pour ce motif, d’un refus d’autorisation par l’autorité administrative compétente sur le fondement des dispositions législatives et réglementaires du livre VI du code du patrimoine, du titre IV du livre III du code de l’environnement ou du livre 1er du code de l’urbanisme.
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Le propriétaire produit aux débats les pièces justifiant de l’impossibilité de réaliser les travaux visant à atteindre un niveau de performance minimal. »
Sont donc concernés les biens soumis à des contraintes architecturales, se trouvant notamment en secteur classé, ainsi que les logements en copropriété quand l’assemblée générale refuse de voter les travaux nécessaires.
Doit-on comprendre que ces logements où les travaux leur permettant de changer de classe énergétique ne peuvent être effectués seront exemptés de l’interdiction de location ? Selon le service juridique de l’UFC-Que Choisir, le décret entretient le flou et ne précise pas de manière explicite si ces biens privés de travaux d’envergure seront maintenus dans le marché locatif ; ils vont rester de facto dans la catégorie des logements indécents, ce qui les prive légalement du droit de location.
MaPrimRénov version 2024
Mis en place en janvier 2020, le dispositif d’aide à la rénovation énergétique MaPrimRénov n’est pas jugé suffisant dans sa forme actuelle pour améliorer la performance des passoires énergétiques (logements des classes G et F) ni atteindre les objectifs climatiques d’ici 2034. Il va bénéficier de modifications à compter de janvier 2024.
Le gouvernement veut encourager les rénovations globales plutôt que les gestes uniques (changer fenêtres par exemple) qui ne permettent pas de monter en classe par manque d’isolation thermique efficace. Le budget de MaPrimRénov est donc revu à la hausse, ainsi que les aides financières, en particulier pour les ménages souhaitant rénover une passoire thermique.
Pour les foyers très modestes, le plafond de dépenses est doublé, et passe de 35 000€ à 70 000€ pour une rénovation permettant un gain de 4 classes sur le DPE. Dans ce cas, l’aide prend atteindre au plus 90% du montant des travaux, soit un reste à charge de 10%. Pour les ménages avec des revenus modestes, la prise en charge pourra atteindre 80%.
Le gouvernement met également l’accent sur les pompes à chaleur, subventionnées à hauteur de 2 000€ et non plus 1 000€ pour les ménages modestes et intermédiaires. L’objectif est la suppression quasi totale des chaudières au fioul et au gaz d’ici 2030.
Malheureusement et à raison, MaPrimRénov a bien mauvaise presse, victime de couacs répétés depuis son lancement : bug du site, prime promise mais non versée, ou trop tardivement, dossier disparu, délai de traitement excessif, etc. Il y a quelques mois, le Sénat et le Conseil d’État avaient même dénoncé un dispositif trop complexe, qui ne fonctionne pas. Une vraie usine à gaz comme les technocrates français savent si bien faire.
On est en effet loin des ambitions de 370 000 logements rénovés via MaPrimRénov ; selon les dernières statistiques, le dispositif accompagnerait un maximum de 100 000 projets par an.
Et pour clore le sujet, le ministre de l’Économie Bruno Le Maire vient d’annoncer qu’il souhaite modifier le DPE pour le rendre plus fiable, une réforme pourtant déjà entreprise avec le nouveau DPE de juillet 2021. Source de stress pour les vendeurs et les propriétaires bailleurs parce qu’il régit l’interdiction de louer les passoires thermiques à compter de janvier 2025, le DPE ne se base plus sur les factures d’énergie mais sur les caractéristiques du bâtiment.
*Décret n° 2023-796 du 18 août 2023 pris pour l'application de l'article 6 et de l'article 20-1 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 et adaptant les dispositions des contrats types de location de logement à usage de résidence principale