De nombreux ménages ne peuvent concrétiser leur projet immobilier car l'accès au crédit leur est refusé. Non pas pour des raisons liées à leur capacité d'endettement mais à cause des taux d'usure, ces taux maximum au-delà desquels les banques ne peuvent plus prêter. Le phénomène s'installe malgré le relèvement de l'usure pour le dernier trimestre 2022. Des solutions existent pour contrer le problème.
Comprendre le TAEG
Rappelons en préambule que le taux d'usure renvoie au TAEG (Taux Annuel Effectif Global) maximum autorisé par la réglementation en matière de crédit immobilier. Cet indicateur du coût final du financement octroyé par la banque contient plusieurs éléments :
- les intérêts d'emprunt exprimés par le taux nominal ou taux débiteur : c'est la partie émergée d'un crédit immobilier, celle qui pèse le plus lourd.
- la garantie : l'hypothèque, le PPD (privilège du prêteur de deniers) ou la caution, à choisir en fonction de la nature du prêt, garantit le remboursement des sommes prêtées en cas de défaut de paiement.
- les frais de dossier : en pourcentage du montant du crédit ou forfaitaires.
- les primes d'assurance emprunteur : destinée à rembourser les mensualités (en partie ou en totalité) ou le capital restant dû en cas d'aléas empêchant l'emprunteur de rembourser sa dette (décès, invalidité et arrêt de travail), l'assurance coûte entre 30% et 40% du coût global d'un crédit immobilier.
Le TAEG ne doit pas dépasser le seuil de l'usure sur la durée d'emprunt concernée. Depuis le 1er octobre 2022, le taux d'usure pour les prêts de 20 ans ou plus est fixé à 3,05%, contre 2,57% le trimestre précédent. Une révision salutaire pour des milliers de dossiers mis sur la touche depuis juillet dernier, mais le répit a été de courte durée. L'usure bloque toujours le marché car inadaptée à la réalité du terrain dans un contexte marqué par la remontée brutale et continue des taux d'intérêt.
Les leviers pour rester sous l'usure
Les taux d'usure ont été mis en place pour protéger les consommateurs contre d'éventuels abus bancaires, mais cette supposée protection se retourne actuellement contre eux. Devenir propriétaire en 2022 est une gageure : les conditions d'emprunt sont toujours propices à l'achat immobilier mais l'usure, immuable pour trois longs mois, instaure un plafond de verre, quand bien même le taux d'endettement serait inférieur à la limite autorisée (35% des revenus nets avant impôt, assurance incluse).
Ne pas s'avouer vaincu si votre demande de prêt a été une première fois refusée à cause d'un TAEG outrepassant l'usure. Plusieurs leviers existent pour diminuer le TAEG et rester sous la barre légale.
Quels sont les éléments négociables dans le TAEG ?
- La garantie n'est pas négociable ou difficilement pour la caution bancaire, généralement souscrite auprès de l'organisme de caution créé par un groupement bancaire.
- En fonction de la qualité du dossier, il est possible d'obtenir une décote sur le taux d'intérêt. Les chances sont faibles étant donné que les banques ne peuvent ajuster leurs barèmes de taux en conséquence de l'évolution monétaire à cause de l'usure.
- Les frais de dossier représentent une somme comprise entre 500€ et 1 500€ ; les minimiser, même de 50%, génère un faible gain.
- Du fait de son poids, l'assurance est le principal levier d'économies.
Une assurance déléguée
La loi vous autorise à choisir librement le contrat d'assurance emprunteur et à préférer une offre alternative jusqu'à trois fois moins chère que l'assurance groupe du prêteur, à garanties équivalentes. Même si la loi Lemoine induit une hausse des tarifs d’assurance prêt immobilier, les formules proposées par les assureurs externes sont plus compétitives que celles des banques.
Exemple : vous empruntez 150 000€ au taux débiteur de 2,04% sur 20 ans, additionnés de 800€ de frais de dossier, de 1 700€ de frais de garantie et d'une assurance bancaire au taux de 0,54%. Votre TAEG atteint 3,20%, au-delà de l'usure. En utilisant un comparateur d'assurance prêt immobilier, vous obtenez un taux d'assurance de 0,28% et votre TAEG descend à 2,74%, pour un coût global de 41 200€. |
Un prêt gigogne
Peu connu, le prêt gigogne ou prêt à paliers est une solution intéressante pour alléger le poids d'un crédit immobilier. Il est constitué de différentes lignes de crédit de durées différentes, destinées à financer le même projet immobilier. Le montage permet d'établir une mensualité constante qui doit obligatoirement respecter le taux d'effort maximum (35%).
Reprenons l'exemple cité plus haut : ligne 1 : prêt de 100 000€ sur 20 ans au taux débiteur de 2,04%, couvert par une assurance déléguée au taux de 0,28% et complété par les frais de dossier (800€) et de garantie (1 300€). TAEG : 2,70%. Coût global : 27 467€. ligne 2 : prêt de 50 000€ sur 10 ans au taux débiteur de 1,75%, couvert par une assurance déléguée au taux de 0,28%, et complété par les frais de garantie (850€). On prend le parti que la banque ne facture pas deux fois des frais de dossier. TAEG : 2,66%. Coût global : 5 938€. Le coût du prêt gigogne est de 33 405€ au lieu de 41 200€, soit une économie de 7 895€. |
Un prêt à taux variable
Face à la hausse des taux en 2022, le prêt à taux variable peut être la clef pour contrer la problématique de l'usure. Inférieur au taux fixe sur une même durée, le taux variable peut augmenter ou baisser au gré de l'évolution monétaire, mais en capant le taux de +1% ou -1%, vous bénéficiez d'une relative sécurité. L'intérêt est de réduire le TAEG d'entrée de jeu pour décrocher le crédit.
Le prêt semi-fixe est un entre-deux : vous remboursez à taux fixe sur un tiers de la durée de remboursement, pour passer ensuite à un taux variable capé. Cette option est intéressante si vous envisagez de revendre à court terme.
Solliciter un courtier
Ces montages financiers sont complexes et nécessitent l'accompagnement d'un courtier, l'expert en crédit immobilier à même de négocier ferme avec les banques. Son rôle est d'optimiser votre dossier et de mettre les établissements en concurrence. Lui seul connaît le prestataire le plus ouvert à tel ou tel profil d'emprunteur.
La présence d'un courtier en octobre 2022 se justifie d'autant mieux que le robinet du crédit fait du goutte à goutte. Certaines banques ont décidé de ne plus distribuer de crédits immobiliers pour éviter de prêter à perte, puisque l’usure les empêche de définir leurs barèmes à la hauteur du contexte monétaire. D'aucuns craignent un arrêt complet de la production de crédits immobiliers d'ici la fin de l'année en raison d'une réglementation figée de l'usure, incapable de prendre en compte l'évolution rapide des taux d'intérêt. Pour accélérer la hausse de l’usure en 2023, les banques ont tout récemment présenté l’idée à la Banque de France de calculer l’usure sur les offres de crédit proposées et non sur les crédits octroyés.