Le débat sur les taux d'usure est loin d'être clos, tant que leur niveau ne permettra pas aux ménages d'accéder décemment à l'emprunt immobilier. Selon une information du journal Les Échos, les établissements de crédit et la Banque de France ont entamé des discussions pour modifier non pas le calcul de l'usure mais la nature des données employées, et ce, afin d'accélérer la progression des taux maximum légaux. Explications.
Augmenter plus rapidement les taux d'usure
La problématique de l'usure serait-elle en passe d'être résolue ? Selon le quotidien d'information économique et financière Les Échos, un groupe composé de la Fédération bancaire française et de la Banque de France travaillerait depuis peu à l'élaboration de solutions pour trouver une issue à l'impasse des taux d'usure. L'idée qui émerge est la suivante : ne plus baser le calcul des plafonds de l'usure sur les crédits signés mais sur les offres de crédit faites aux ménages.
Actualisés par la BdF tous les trois mois sur la base des TAEG moyens octroyés le trimestre précédent et augmentés d'un tiers, les taux d'usure ne reflètent pas la réalité du marché. Au-delà du décalage temporel préjudiciable à l'accès au crédit immobilier en période de remontée des taux d'intérêt, les données utilisées jusqu’à présent pour la révision de l’usure se fondent sur les prêts effectivement accordés, ce qui a pour conséquence de tirer les taux légaux vers le bas, et pour le moins, de retarder leur évolution saillante.
La prise en compte des offres de prêts proposées aux demandeurs permettrait de relever les TAEG moyens et d'accélérer ainsi la hausse des taux d'usure, ce qui ouvrirait davantage l'accès au prêt à l'habitat dans une période où les taux d'intérêt progressent rapidement. En revanche, pas question de modifier la méthode de calcul.
Changer la méthode de calcul de l'usure
Le taux d'usure correspond au taux maximum auquel un prêt peut être octroyé sur la durée concernée. Pour rappel, il renvoie au TAEG (Taux Annuel Effectif Global) que les banques ne doivent pas dépasser, sachant que le TAEG comprend l'ensemble des frais induits par le crédit :
- les intérêts d'emprunt exprimés par le taux débiteur ou nominal
- les frais de dossier
- le coût de la garantie (hypothèque, privilège du prêteur de deniers ou caution)
- les primes d'assurance emprunteur.
Le cas échéant, le TAEG est complété par la commission du courtier, le coût de l'expertise du bien immobilier, ainsi que les frais d'ouverture et de tenue de compte. Le taux débiteur n'est donc que la partie émergée du coût final.
La hausse des taux d'usure au 1er octobre 2022 avait été accueillie avec soulagement, un soulagement de courte durée, car les taux d’intérêt n’en finissent pas de grimper. Ils ont quasiment doublé en 10 mois. En quelques jours, la nouvelle augmentation des taux en octobre va annuler tout le bénéfice de l'ajustement de l'usure. Il est désormais impossible de s'endetter sous la barre des 2% (hors assurance emprunteur et coût des sûretés) et pour bon nombre de profils, le taux débiteur s'approche de 2,50% voire 3%. Avec un taux d'usure à 3,05% pour les crédits d'une durée de 20 ans ou plus, il faudrait un miracle pour compresser dans le TAEG tous les autres coûts liés au financement.
D'autres voies s'élèvent pour faire changer la méthodologie de calcul en faisant sortir l'assurance emprunteur du TAEG. Certains parlementaires souhaitent que soit engagée une réforme de l'usure en 2023 et proposent cette solution via un amendement au projet de loi de finances 2023 déposé la semaine dernière. En attendant, l'usure les a à l'usure, ces milliers de candidats à l'emprunt mis sur la touche pour non prise en compte d'une réalité objective.
Des refus de crédit aberrants
Soulignons que le crédit immobilier reste bon marché avec des taux d'intérêt toujours propices à l'acquisition. Des taux bruts à 2% voire 3% n'ont jamais freiné la production de crédit, surtout en période de forte inflation, ce qui conduit actuellement à des taux réels négatifs. Le problème vient de l'écart trop faible entre les taux d'intérêt à l'instant T et l'usure, stagnante pour trois mois. On assiste à une recrudescence des refus, environ 45% depuis juillet dernier selon les témoignages des courtiers.
La solvabilité des candidats n'est pas en cause, ni même leur taux d'endettement, parfaitement conforme à la limite réglementaire (35% des revenus nets avant impôt, assurance emprunteur incluse). Le crédit leur est inaccessible à cause du plafond de verre de l'usure.
Si elle a pour vocation de protéger les ménages contre d'éventuels abus bancaires, l'usure ne doit pas bloquer l'accès au crédit et à la propriété aux profils dont le dossier respecte tous les critères de solvabilité et les normes d'octroi imposés.
Le feuilleton de l'usure est loin d'être terminé.