C’est le marronnier de l’année 2023 : la remontée des taux d’intérêts, qui pénalise l’accès au crédit immobilier et serait responsable de la crise du logement. Certes, les taux grimpent en flèche, mais leur imputer l'entièreté du phénomène revient à occulter une grande partie du problème. Une correction marquée des prix immobiliers est nécessaire, tout comme une réforme de l’usure, pour fluidifier l’accession à la propriété immobilière.
Baisse du pouvoir d’achat immobilier
Depuis la reprise de l’inflation, en lien avec le déclenchement de la guerre en Ukraine, les conditions d’emprunt se sont très nettement durcies. Sous l’effet du relèvement des taux directeurs de la Banque Centrale Européenne à sept reprises depuis juillet 2022, les taux des crédits immobiliers font le grand écart. En moyenne à 1% sur 20 ans en janvier 2022, le taux atteint 3,70% en juin 2023, et se dirige vers les 4% au cours de l’été (hors assurance de prêt immobilier et frais de garantie).
La BCE prévoit une nouvelle hausse des taux directeurs courant juillet 2023. Chaque ajustement oblige les banques à rehausser leurs barèmes de taux pour être en phase avec les conditions de refinancement auxquelles elles sont confrontées. Certains courtiers pronostiquent des taux autour de 5% début 2024.
Qui trinque ? L’emprunteur, dont le pouvoir d’achat immobilier fond comme neige au soleil. Une étude récente du courtier Meilleurtaux a montré que les ménages ont perdu en moyenne 25 mètres carrés depuis janvier 2020 (sur la base d’une mensualité de 1 000€).
La capacité d’emprunt diminue au fil de l’augmentation des taux. Avec 4 000€ de revenus nets par mois, vous pouviez emprunter 285 776€ sur 20 ans en janvier 2022 (taux nominal à 1% et assurance bancaire à 0,36%), contre 225 701€ en juin 2023 (taux nominal à 3,70% et assurance bancaire à 0,36%). Le pouvoir d’achat immobilier a chuté de 21% en l’espace d’un an et demi.
Crédit immobilier strictement encadré
Le niveau bas des taux d’intérêt a permis de dynamiser le pouvoir d’achat immobilier des ménages jusqu’en 2017. Les taux ont continué de se contracter jusqu’à fin 2021, mais la hausse des prix des logements en parallèle aurait pu en oblitérer le bénéfice si les banques n’avaient pas allongé la durée de remboursement. La crainte d’un endettement excessif des ménages a alors poussé le Haut Conseil de Stabilité Financière à instaurer des règles d’octroi.
Dès janvier 2020, les banques sont soumises à l’encadrement du crédit immobilier :
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Le taux d’endettement est plafonné à 33%, puis 35% à partir de janvier 2021 (sur la base des revenus nets, assurance emprunteur comprise).
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La durée de remboursement est limitée à 25 ans, voire 27 ans en cas d’achat dans le neuf ou dans l’ancien avec travaux de rénovation importants.
En janvier 2022, les règles deviennent des normes juridiquement imposées. Finis les prêts sur 30 ans voire 35 ans comme cela était encore possible avant janvier 2020. Cette régulation a pour effet de renforcer les exigences des banques en matière d’apport personnel pour limiter le recours au crédit. On assiste à une explosion de l’apport personnel en 2023. Or, les plus dépendants du crédit sont les primo-accédants, peu dotés en apport personnel et en épargne de précaution, nouveau critère pour emprunter en 2023.
Ils sont les premières victimes de l’effet ciseau, pris en tenaille entre la remontée constante des taux et le niveau de l’usure. Malgré la mensualisation du taux d’usure depuis le 1er février 2023, l’accès au crédit immobilier est une gageure quand on écope des taux d’emprunt les moins performants et de la durée de remboursement la plus longue. Pour rappel, le taux d’usure est le même qu’on emprunte sur 20 ou 25 ans, une anomalie à laquelle le régulateur n’entend pas remédier.
Résistance des prix immobiliers
Les ménages emprunteurs sont par ailleurs confrontés à la forte résilience des prix. Contre toute attente, les prix faiblissent peu ou pas du tout. Une récente étude du réseau Century 21 montre que les prix continuent d’augmenter dans de nombreuses régions, alors qu’en principe la hausse des taux raréfie les acheteurs et contribue à faire baisser les prix.
Toutefois, la correction des prix est très souvent plus tardive que la progression des taux. Le tink tank Terra Nova estime qu’il faudrait une baisse des prix immobiliers de 20% en 2023 pour compenser la hausse des taux d’intérêts.
Chute du nombre de crédits immobilier en 2023
Une réelle crise de l’immobilier et du logement s’installe en France, au risque de d’évoluer une crise sociale. Le gouvernement en mesure-t-il l’ampleur ? Les solutions avancées par l’exécutif début juin semblent bien faibles au regard des difficultés qui frappent les ménages, même ceux qui sont parfaitement solvables :
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Léger assouplissement de la marge de flexibilité accordée aux banques pour octroyer des crédits hors normes : il devrait être un peu plus facile d’emprunter au second semestre 2023 pour un investissement locatif.
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Prolongation de la révision mensuelle du taux d’usure jusqu’au 1er janvier 2024
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Prolongation du PTZ (Prêt à Taux Zéro réservé à la primo-accession de la résidence principale) jusqu’en 2027.
Selon les dernières données de l’Observatoire Crédit Logement/CSA, à fin mai en glissement annuel, la production de crédits immobiliers a plongé de 35,5% en termes de montant et de 35,1% en nombre de prêts.