Accéder au crédit immobilier est devenu compliqué ces derniers mois par l’effet conjugué de la hausse des taux et de la problématique de l’usure. Il faut y ajouter les conditions d’octroi, toujours restrictives, qui limitent le taux d’endettement et la durée de remboursement, ce qui renforce l’exigence bancaire d’apport personnel. Certaines banques sont encore plus pointilleuses et réclament une épargne résiduelle après projet pour accorder le financement. Explications.
Blocage de l’accès au crédit immobilier en 2022
Les chiffres de la production de crédits immobiliers pour le mois de janvier 2023 sont médiocres, totalisant 14,4 milliards d’euros contre 23,7 milliards un an plus tôt. Cette baisse de forme s’explique par le renchérissement du loyer de l’argent pour les banques. Celles-ci empruntent auprès de la Banque Centrale Européenne au taux de refinancement de 3% (0% entre mars 2016 et juillet 2022) et sont par ailleurs confrontées à la hausse marquée de l’OAT 10 ans (indicateur de référence pour le marché du crédit) qui est passé graduellement de 0,64% en février 2022 à plus de 2,50% en février 2023.
Jusqu’au 1er février 2023, les banques ne pouvaient répercuter sur les barèmes de taux d’emprunt la dégradation des conditions monétaires auxquelles elles doivent faire face, en raison de la réglementation des taux d’usure. Résultat, incapables de dégager du profit sur les nouveaux crédits à l’habitat, les banques avaient fermé le robinet du crédit en décembre 2022 en attendant que la situation se normalise.
Durcissement des conditions d’octroi des prêts immobiliers
Alertée à maintes reprises par les courtiers sur le dysfonctionnement du dispositif des taux légaux, la Banque de France a décidé de lâcher du lest en mensualisant les taux d’usure pour une période provisoire de six mois. Le taux maximum sur 20 ans à 3,79% depuis le 1er février est censé desserrer la tension, mais les taux du crédit immobilier continuent de grimper, ce qui oblige les banques à redoubler de vigilance dans l’analyse des dossiers.
Au-delà des critères de solvabilité habituels (emploi en CDI, situation financière saine sans découvert ni autres prêts en cours), les établissements prêteurs exigent d’abonder significativement le démarrage de l’acquisition. L’Observatoire Crédit Logement/CSA a remarqué une très forte hausse de l’apport personnel en 2022, qui représente désormais 18% en moyenne du montant de l’opération immobilière.
Contraintes par les normes d’octroi qui plafonnent le taux d’endettement à 35% des revenus nets (assurance emprunteur comprise) et la durée de remboursement à 25 ans, les banques cherchent à limiter le recours à l’emprunt en réclamant un engagement plus fort de la part des ménages. En plus d’un apport personnel conséquent, l’emprunteur doit pouvoir justifier d’une épargne résiduelle plus que substantielle pour pallier d'éventuels coups durs.
Épargne de précaution : jusqu’à 30% du coût du projet
Depuis plusieurs semaines, les courtiers constatent que certaines banques accordent la plus grande importance à l’épargne de précaution après projet. Cette épargne résiduelle rassure le prêteur quant à la capacité du ménage emprunteur à pouvoir faire face à la hausse permanente des dépenses du quotidien, en particulier de l’énergie. La banque prend davantage de précaution compte tenu de l’augmentation inévitable des charges liées à l’immobilier dans un contexte inflationniste (chauffage, électricité, gaz, mais aussi taxe foncière).
L’idéal est de détenir entre 20% et 30% du projet en épargne résiduelle. Si vous convoitez un logement d’une valeur de 200 000€, vous mettez sur la table au moins 10% d’apport personnel, soit 20 000€, tout en ayant de côté un pécule de 40 000€ à 60 000€ pour garantir l’avenir. En clair, l’épargne, entre la mise initiale et le matelas de sécurité, représente la moitié de votre projet.
Cette épargne de précaution doit pouvoir être mobilisable à tout moment ; le plus souvent elle est placée sur un livret réglementé comme le Livret A. Sans qu’elle soit une condition obligatoire pour toutes les banques, cette épargne d’après projet est devenue impérative chez certains établissements, où elle représente jusqu’à un an de mensualités de crédit.