Séisme dans le secteur bancaire. Axa Banque, filiale du groupe Axa, annonce cesser la distribution de crédits immobiliers à partir du vendredi 7 avril prochain. Produit d’appel pour les banques de détail, le crédit immobilier n’est plus rentable à cause de la forte hausse des coûts de refinancement, plus rapide que celle des taux d’usure. Cette décision peut-elle faire boule de neige et engendrer un blocage complet du marché immobilier ?
Arrêt de la production de crédits immobiliers chez Axa Banque
Dans une note interne envoyée aux agents le 3 avril dernier, Axa Banque a annoncé suspendre sa production de prêts à l’habitat à partir du 7 avril 2023. C’est une première dans le monde de la banque qu’un établissement renonce à ce produit d’appel qu’est le crédit immobilier. Cette décision coup de poing est provisoire. Le prêt immobilier ne sera de nouveau commercialisé par Axa Banque que si « les conditions de marché permettent de rétablir les marges de cette branche d’activité ».
La filiale du géant de l’assurance, présent notamment en assurance emprunteur avec son contrat Axa assurance prêt immobilier, explique cette mesure par « les hausses successives des taux directeurs, décidés par la Banque Centrale Européenne » qui ont entraîné « une hausse des coûts de refinancement plus rapide que la hausse du taux d’usure ».
Taux d’usure décorrélé des coûts de refinancement
Le taux d’usure supérieur à 4% en avril 2023 est pourtant une bonne nouvelle, mais la révision mensuelle de l’usure, décidée fin janvier par la Banque de France jusqu’au 1er juillet 2023, n’est pas un dispositif suffisamment efficient pour que les banques renouent avec une relative profitabilité sur les nouveaux crédits.
La hausse des taux de la BCE en mars 2023 est la sixième depuis fin juillet 2022. Le taux de refinancement des banques commerciales s’établit désormais à 3,50% contre 0% jusqu’en juillet dernier. Pour Axa Banque, l’équation économique lui est défavorable pour dégager une marge décente sur le crédit immobilier quand le taux d’intérêts sur toutes les durées excède les 3% (hors assurance prêt immobilier et coût des sûretés).
Le phénomène va s’enliser, puisque des taux à 4% sont attendus pour l’été 2023, même si l’usure va mathématiquement augmenter chaque mois.
Crédit immobilier difficilement accessible en 2023
S’il fallait un nouveau signal des difficultés actuelles du marché immobilier, celui-ci est de taille. L’année 2022 avait déjà été marquée par le blocage de l’accès au crédit lié au dysfonctionnement de l’usure. Les autorités financières ont quelque peu rectifié le tir en mensualisant l’usure, mais le marché du crédit immobilier serait-il en phase de retournement en 2023 ? L’accès au financement bancaire se rétrécit davantage et la demande est en berne.
L’année 2023 avait mal débuté après le plongeon de la production de crédits immobiliers en 2022. L’an passé, les banques avaient accordé près de 20% de prêts en moins comparativement à 2021. En janvier 2023, 15 milliards d’euros avaient été distribués contre plus 20 Md€ habituellement, soit une baisse de 40% sur un an (chiffres Banque de France).
Les professionnels observaient une explosion du nombre de refus de crédit immobilier en mars 2023 à cause d’un taux d’endettement trop élevé : 45% des demandes de financement étaient recalées en mars dernier, contre 30% en janvier 2021, en raison d’un taux d’endettement jugé excessif. Pour rappel, le taux d’endettement ne doit pas outrepasser 35% des revenus nets avant impôt, assurance emprunteur comprise.
Certains courtiers voudraient sortir l’assurance de prêt du TAEG pour rester sous l’usure, quand d’autres plaident pour une réforme en profondeur de l’usure, afin que les taux maximum légaux reflètent la réalité du contexte monétaire.
Fermer le robinet du crédit immobilier en 2023 ?
Les banques qui tirent leur épingle du jeu dans un contexte de remontée des taux sont les enseignes mutualistes. Particulièrement sensibles à la hausse des taux du fait de l’importance des livrets d’épargne réglementée au passif de leurs bilans, elles se félicitent de continuer à prêter en dépit de la faiblesse de leurs marges.
Les banques mutualistes considèrent le crédit immobilier comme essentiel dans l’approche de la relation globale avec le client. Quelle que soit la rentabilité, le crédit immobilier reste un produit d’appel et une porte d’entrée incontournable pour fidéliser le client. Si la rentabilité à court terme est oblitérée par le contexte des taux, ces enseignes souhaitent garder la confiance de leurs clients et les équiper sur le long terme.
En France, seuls 3% changent de banque sur une année, c’est peu, la moyenne européenne étant de 9%. Cela peut être le signe d’une mobilité bancaire souvent compliquée, d’une fidélité passive face à la peur du changement, mais aussi que les Français sont globalement satisfaits de leur banque. Contracter un crédit immobilier est bien le moyen de rester fidèle à sa banque pour de longues années.
En 2021, Axa Banque avait distribué 930 millions d’euros de prêts immobiliers pour un encours total de 6,9 Md€. Plus des trois quarts du marché du prêt immobilier en France sont détenus par les trois groupes mutualistes, à savoir dans l'ordre le Crédit Agricole, le groupe BPCE et le Crédit Mutuel. Le Crédit Agricole est la plus grosse banque sur ce segment et accapare environ 35% des crédits en cours de remboursement.