La production de crédits immobiliers a chuté de près de 20% en 2022. Du jamais depuis la fameuse crise financière de l’automne 2008. Le contexte est pourtant bien différent : la dégradation des conditions monétaires entraîne une progression marquée des taux d’intérêts, qui viennent se heurter à une usure trop peu mobile. Cela a pour conséquence le resserrement de l’accès au crédit, doublé de l’envolée de l’apport personnel exigé par les banques.
La production de crédits immobiliers s’effondre en 2022
Selon les données de l’Observatoire Crédit immobilier/CSA, la production des crédits immobiliers a chuté de près de 20% en 2022, de 19,9% pour être précis. Le recul s’est accentué au cours du 4ème trimestre en raison des hausses successives du taux de refinancement de la Banque Centrale Européenne depuis juillet dernier. Actuellement, les banques de détail empruntent auprès de la BCE au taux de 2,50%, contre 0% entre mars 2016 et juillet 2022.
Le nombre de prêts accordés connaît un recul de même ampleur, à -20,5% par rapport à l’année 2021 où il avait progressé de 3,8% sur une base annuelle. Un tel plongeon n’avait pas été constaté depuis l’automne 2008 et la crise financière internationale venue des USA. Il est même plus marqué que celui observé durant le premier confinement du printemps 2020.
Taux moyen à 2,52% en janvier 2023
Au quatrième trimestre 2022, le taux moyen toutes durées confondues s’est établi à 2,22% (hors assurance emprunteur et coût des sûretés), contre 1,79% au trimestre précédent. Une progression inédite de 43 points additionnels ! Le renchérissement du crédit est brutal, enclenché au printemps dernier dans le sillage de la guerre en Ukraine qui a entraîné une dégradation des conditions de refinancement pour les banques de détail.
Le taux moyen s’affichait à 1,05% fin 2021 et à 1,17% fin 2020. Sur la durée classique de 20 ans, le taux moyen titrait 2,30% en décembre 2022, contre 0,99% en décembre 2021. En octobre 2022, il a franchi la barre des 2% pour la première fois en sept ans. Les projections de l’Observatoire portent le taux moyen provisoire à 2,52% à la mi-janvier, après 2,34% en décembre 2022.
Apport personnel record en 2022
Face à la progression des taux d’emprunt, trop rapide pour permettre une révision des taux d’usure adaptée à la réalité du terrain, les banques renforcent leur exigence d’apport personnel. Toujours selon l’Observatoire, il est constaté une très forte hausse de l’apport personnel en 2022, en augmentation de 12,3% l’an dernier par rapport à 2021 où l’évolution était encore plus marquée (+13,2% par rapport à 2020).
En exigeant davantage d’apport personnel, ce qui permet de réduire le recours au financement bancaire (montant emprunté plus faible, durée de prêt plus courte et taux plus faible), les banques cherchent à limiter les effets néfastes de l’usure.
La faute à l’usure
La chute de la production de crédits immobiliers est imputable à la détérioration des conditions d’emprunt, mais aussi et surtout à la revalorisation insuffisante des taux d’usure. Révisé chaque trimestre, le taux légal ne bouge pas en rythme avec l’évolution des taux d’intérêts, en constante augmentation depuis mars 2022.
La prise en compte de tous les frais liés à l’obtention du crédit (assurance emprunteur, garantie obligatoire et frais de dossier) contraint le niveau nominal des taux d’emprunt : les banques ne peuvent rehausser les taux en conséquence du contexte monétaire à cause du plafonnement obsolète imposé par le système de l’usure. Bon nombre d’entre elles avaient fermé le robinet du crédit immobilier en décembre 2022, en attendant de renouer avec une relative profitabilité sur les nouveaux prêts.
Devenu un outil de rationnement du crédit, au point d’inquiéter le ministère de l’Économie et des Finances, le dispositif des taux légaux va subir prochainement une mue salutaire. La semaine dernière, en concertation avec les banques commerciales et les représentants des courtiers, la Banque de France a décidé la mensualisation des taux d’usure.
Des travaux sont toujours en cours. La révision mensuelle de l’usure des prêts immobiliers sera provisoire, elle est attendue au plus tard le 1er mars 2023.