Le 16 mars dernier, la Banque Centrale Européenne a de nouveau rehaussé ses taux directeurs, afin de juguler l’inflation en zone euro. Le durcissement de la politique monétaire a une incidence sur les finances des foyers français : le crédit devient plus cher, notamment l’emprunt immobilier dont le marché est en crise depuis plusieurs mois.
Nouvelle hausse des taux de la BCE
Sans surprise, la Banque Centrale Européenne (BCE) a procédé jeudi 16 mars à un nouveau relèvement de ses taux directeurs, le sixième depuis fin juillet 2022. Le taux de refinancement augmente de 50 points de base et passe de 3% à 3,50%. Cela signifie que les banques commerciales empruntent auprès de la BCE à 3,50%, contre 0% avant fin juillet 2022.
L’objectif de cette nouvelle hausse des taux de la BCE est d’assurer au plus tôt un retour de l’inflation à 2%. L’institution poursuit sur la voie sur laquelle elle s’est engagée depuis juillet 2022, celle du durcissement monétaire pour lutter contre l’inflation galopante et prévenir le danger d’un spirale prix-salaires, l’augmentation des premiers alimentant celle des seconds et réciproquement.
Selon la BCE, la hausse de prix devrait s’établir en moyenne à 5,3% en 2023, 2,9% en 2024 et à 2,1% en 2025. L’inflation annuelle en zone euro a reculé quelque peu et atteint 8,5% en février 2023. En France, l’inflation est plus faible, s’établissant à 5,4% à fin février. La Banque de France prévoit un indice de prix à 2,4% en 2024 et à 1,9% en 2025. La moyenne française était de 5,9% en 2022.
La tâche est d’autant plus ardue pour la BCE qu’elle est confrontée à une très forte hétérogénéité des contextes inflationnistes en zone euro : les taux d’inflation oscillent entre 5,4% en France à plus de 21% en Lettonie et Lituanie.
Rendre le crédit plus cher
Les banques de détail se refinancent principalement auprès de la BCE. En augmentant le loyer de l’argent, l’institution cherche à freiner le recours au crédit des ménages : moins de crédits distribués, et c’est toute la chaîne de la consommation qui se grippe. La demande de biens et des services ralentit, ce qui réduit la tentation des fabricants et producteurs d’augmenter leurs prix. Le risque, à plus ou moins court terme, est d’entraver la croissance économique.
Le crédit à la consommation est particulièrement touché par la politique de resserrement monétaire. Les ménages ont plus de mal à acheter des équipements pour la maison ou une voiture. L’augmentation des taux de la BCE impacte directement le pouvoir d’achat des ménages en les privant de crédit pour s’équiper.
Crédit immobilier toujours moins accessible
L’emprunt immobilier est lui aussi directement frappé par les décisions de la BCE. Le marché du neuf et de l’ancien est en crise, pénalisé par l’incessante remontée des taux d’intérêts en lien avec la politique communautaire. La chute de la production de crédits immobiliers en mars 2023 est imputable, en partie, à l’envolée des taux d’emprunt depuis le printemps 2022. On s’endette actuellement à plus de 3% sur 20 ans (hors assurance prêt immobilier et coût des sûretés), contre 1% début 2022.
L’accès au crédit immobilier est difficile pour les primo-accédants, voire inaccessible quand l’apport personnel et l’épargne post-crédit font défaut. Cette conséquence est creusée par la rigidité de la réglementation de l’usure dans le système français.
Le taux d’usure mensuel depuis le 1er février 2023 relâche un peu la tension sur le marché du crédit immobilier, mais les effets de cette mensualisation ne seront pas visibles avant trois mois en vertu du décalage entre l’offre de prêt et la signature de l’acte notarié.
La demande immobilière recule partout, notamment à l’Ouest et en Île-de-France en raison de la difficulté à obtenir des crédits immobiliers. Cela alimente la baisse des prix, encore timide mais observée dans toutes les régions. Va-t-on vers un retournement du marché immobilier en 2023 ? Il est trop tôt pour l’affirmer, mais sans décision forte des pouvoirs publics, c’est tout l’écosystème immobilier qui est en péril.
Le marché est dans une impasse, entre le taux d’usure en hausse tous les mois et des taux d’emprunt qui n'en finissent pas d'augmenter. Certains courtiers réclament que l’assurance emprunteur ne soit pas intégrée dans le calcul du TAEG (Taux Annuel Effectif Global). Cela faciliterait l’accès au prêt immobilier aux emprunteurs de plus de 45 ans et à ceux qui ont des problèmes de santé, exclus du crédit en raison de la cherté de l’assurance de prêt.