Les taux d’usure des crédits immobiliers pour le mois d’avril 2023 ont été publiés au Journal Officiel du mardi 28 mars. Le plafond des 4% est largement dépassé pour les prêts de 20 ans et plus. Les effets bénéfiques de la mensualisation du taux d’usure commencent à être tangibles. Le revers de la médaille est que cette mesure provisoire contribue à l’augmentation des taux d’intérêts.
Taux d’usure en phase avec le marché du crédit immobilier
Fin janvier 2023, la Banque de France a décidé de mensualiser les taux d’usure à compter de février, et ce, pour une durée provisoire jusqu’au 1er juillet 2023. Face aux attaques répétées et justifiées des professionnels du crédit immobilier, à commencer par les courtiers, quant à l’inadéquation de l’usure à la réalité du marché, l’institution prend une mesure transitoire qui consiste à réviser chaque mois les taux d’usure plutôt que chaque trimestre, ce qui permet aux banques d’ajuster leurs barèmes plus régulièrement.
Jusqu’ici, la BdF calculait les taux d’usure trimestriels sur la base des taux effectifs globaux moyens accordés les trois mois précédents et leur appliquait une majoration d’un tiers. La base de calcul reste la même, mais la révision est mensuelle. Les taux d’usure augmentent donc à un rythme davantage corrélé à la remontée des taux d’intérêts.
Pour mémoire, le taux d’usure est le taux maximum que les banques ne peuvent dépasser lors de l’octroi d’un crédit. Dans le cadre d’un prêt immobilier, le taux d’usure est le TAEG plafond (Taux Annuel Effectif Global), qui contient obligatoirement tous les frais exigés par le prêteur pour accorder le financement :
- intérêts
- frais de dossier
- garantie (hypothèque, etc.)
- primes d’assurance de prêt immobilier
Le cas échéant, sont ajoutés les frais d’ouverture et de tenue de compte, les frais de courtage et les frais d’expertise du bien immobilier dès lors qu’ils sont nécessaires à l’obtention du crédit.
Voici l’évolution des taux d’usure des prêts immobiliers depuis janvier 2023 :
Durées |
Janvier 2023 |
Février 2023 |
Mars 2023 |
Avril 2023 |
Évolution sur un mois |
Prêts à taux fixe de moins de 10 ans |
3,41 % |
3,53 % |
3,67 % |
3,72 % |
5 points |
Prêts à taux fixe compris entre 10 ans et moins de 20 ans |
3,53 % |
3,71 % |
3,87 % |
4,09 % |
22 points |
Prêts à taux fixe de 20 ans et plus |
3,57 % |
3,79 % |
4 % |
4,24 % |
24 points |
Prêts à taux variable |
3,35 % |
3,63 % |
3,79 % |
4,03 % |
24 points |
Prêts relais |
3,76 % |
3,93 % |
4,11 % |
4,31 % |
20 points |
Bientôt des taux d’emprunt à plus de 4%
Le marché est suspendu à l’annonce de l’usure, ce couperet légal qui fut en 2022 facteur d’exclusion, car incapable de prendre en compte la remontée accélérée des taux d’emprunt dans un moment géopolitique très instable, marqué par une dérive inflationniste. Pour savoir si ce relèvement de l’usure est une bonne nouvelle pour les emprunteurs, il faut le mettre en perspective avec le niveau des taux d’intérêts des crédits immobiliers.
Selon les barèmes bancaires reçus par les courtiers, le taux brut oscille entre 2,75% et 3,20% sur 20 ans pour les bons dossiers. Sur 25 ans, qui est la durée maximale autorisée selon les normes d’octroi, la fourchette va de 2,96% à 3,30%, toujours pour les profils les plus attractifs aux yeux des banques, ceux qui, au-delà des habituels critères de solvabilité, sont bien dotés en apport personnel et en épargne de précaution.
Pour que le taux d’usure ne soit plus facteur de blocage, il faut qu’il soit entre 100 et 120 points de base supérieur au taux d’intérêt sur la durée concernée. On y est pour les emprunts sur 20 ans, à condition d’avoir un profil premium, c’est nettement moins évident sur 25 ans. On voit ici la limite de l’usure pour les prêts sur les maturités les plus longues.
Or, les durées les plus longues sont généralement attribuées aux primo-accédants, généralement des jeunes actifs faiblement dotés en apport personnel et en épargne post-emprunt, car tout juste arrivés dans la vie professionnelle. Avec des taux d’emprunt au-delà de 3,50%, la marge de manœuvre est réduite pour intégrer les autres frais liés au crédit.
Certes, les taux d’usure deviennent moins bloquants pour une partie de la clientèle, mais leur mensualisation a pour effet pervers d’alimenter la hausse des taux. Les courtiers anticipent des taux d’intérêts à 4% d’ici l’été, voire au-delà. S’endetter à 1% (hors assurance emprunteur et coût des sûretés) est bel et bien relégué aux oubliettes. Le coût du crédit reste toutefois propice à l’achat immobilier dans une période où l’inflation titre 6,3% sur un an à fin février 2023.