Ces derniers mois, le taux d'usure est le sujet qui revient constamment quand il s'agit d'immobilier. Son relèvement prochain au 1er octobre sera-t-il suffisant pour éviter les refus à pelle que subissent les candidats à l'emprunt ? Le marché immobilier est bousculé, le neuf comme l'ancien, ce qui éloigne encore plus la perspective d'une France de propriétaires.
Taux d'usure à la traîne
Les taux d'usure au 1er octobre 2022 vont mécaniquement augmenter selon la méthode de calcul mise en place depuis mars 2016. Ils seront publiés au plus tard le 30 septembre. Définis chaque trimestre par la Banque de France (BdF) sur la base des TAEG moyens, ensuite majorés d'un tiers, les taux d'usure correspondent aux taux que les banques ne doivent pas dépasser sur la durée concernée lors de l'octroi d'un crédit immobilier.
Ce TAEG maximum intègre tous les frais exigés par le prêteur pour accorder le financement :
- les intérêts d'emprunt représentés par le taux nominal,
- la garantie (hypothèque, privilège du prêteur de deniers ou caution bancaire),
- les frais de dossier,
- l'assurance emprunteur dont le coût représente en moyenne 30% du coût global,
- les éventuelles commissions du courtier.
Vendredi 16 septembre, François Villeroy de Galhau, le gouverneur de la BdF, a indiqué qu'au 1er octobre, les fameux taux d'usure seraient révisés en "appliquant les règles existantes", en faveur d'un relèvement "bien proportionné". La méthodologie de calcul employée entraîne malheureusement un retard des taux d'usure par rapport aux taux d'intérêt qui ne cessent de progresser depuis mars 2022. Malgré les appels incessants des courtiers et des banques, les autorités financières restent sourdes à toute réforme de l'usure, même provisoirement.
La réglementation de l'usure autorise pourtant le ministère de l'Économie, sur proposition motivée du gouverneur de la BdF, à déroger à la règle de calcul et à mettre en place des mesures transitoires en cas de variation d'une ampleur exceptionnelle du coût des ressources des banques, et ce, pour une période ne pouvant excéder huit mois consécutifs (article L.314-8 du Code monétaire et financier). La manifestation des courtiers devant la BdF mardi 20 septembre a tout juste permis d'apaiser les tensions.
Crédit immobilier inaccessible
Les établissements de crédit se refinancent à des taux élevés en raison du contexte monétaire et de la politique des banques centrales. La hausse des taux de la BCE à deux reprises, les 27 juillet et 8 septembre derniers, a renchéri le loyer de l'argent, obligeant les banques à réviser leurs barèmes de taux en conséquence, et à fermer le robinet du crédit… ou à prêter à perte pour continuer de rendre possible l'accès à la propriété.
Résultat, près d'un dossier sur deux est recalé par ce mécanisme de l'usure. Même les ménages solvables sont empêchés, non pas à cause de la hausse des taux d'emprunt, mais du plafond de verre de l'usure qui ne laisse aucune latitude pour ajouter tous les frais relatifs à l'obtention du financement. Une situation ubuesque où le crédit immobilier reste bon marché, mais hors de portée.
Marchés du neuf et de l'ancien en pleine mutation
Ce blocage du crédit, davantage lié à l’impasse des taux d'usure qu'à la hausse des taux d'intérêt, est concomitant d'un autre frein pour les ménages : les prix de l'immobilier. Même si la hausse des valeurs connaît un ralentissement, la progression reste marquée dans l'ancien, à près de 7% sur un an au deuxième trimestre 2022 (indice Notaires-Insee). Les prix des maisons augmentent plus vite que ceux des appartements, à 8,4% sur un an contre 4,5%, un phénomène observé depuis le début de la crise sanitaire.
Le deuxième trimestre est loin désormais ; l'indice des Notaires, basé sur les transactions effectives, a plusieurs mois de retard sur les tendances du marché. Il ne rend pas pleinement compte des effets de la flambée des prix de l'énergie, de la dérive inflationniste et des restrictions d'accès au crédit.
Emprunter devient d'autant plus difficile qu'il faut s'endetter plus lourdement pour acheter son logement. Dans le neuf, le problème se creuse avec l'envolée des coûts de construction. Beaucoup de promoteurs stoppent leurs opérations pour des raisons économiques : entre le moment où ils ont évalué les coûts et celui des appels d'offre, les prix s'envolent. Hors région parisienne, les prix des logements neufs flambent (+6,8% sur un an), tandis que les réservations de logements sont en très nette baisse (-24,3%).
Dans l'ancien, la hausse des taux d'emprunt devrait entraîner un ajustement des prix à la baisse là où ils sont les plus élevés. Il est difficile à dire quand s'opérera cette évolution, étant donné l'inertie des vendeurs à vouloir céder en-deçà de leurs prétentions. Si les prix restent sur une dynamique haussière, bon nombre de ménages avec des intentions d'achat vont devoir rester locataires, ce qui va provoquer une faible mobilité sur le marché de la location et une baisse de l'offre de logements.
Il faut aussi compter avec le segment des passoires thermiques (DPE classé F ou G) dont le gel des loyers est en place depuis le 24 août 2022. Incapables financièrement de rénover leurs biens, de nombreux bailleurs vont préférer vendre, parfois à perte, ce qui va générer et génère déjà des opportunités d'achat.