En l'espace de quelques mois, les taux d'intérêt des crédits immobiliers ont presque doublé. Le mois de septembre ajoute quelques points sur toutes les durées. Cela fait dix ans que les taux d'emprunt n'avaient pas connu une telle hausse. Alors que le budget des ménages est mis à mal par l'inflation, le coût du loyer de l'argent, conjugué au plafond de l'usure, pénalise les projets immobiliers des Français.
Près de 2% sur 20 ans
Pour un emprunt sur 20 ans, la durée classique d'un crédit immobilier, il faut aujourd'hui compter sur un taux fixe moyen de 1,9% (hors coût assurance prêt immobilier et coût des sûretés), alors qu'on s'endettait autour de 1% en janvier dernier. En un mois, les taux ont grossi de 5 points de base, ce qui est loin d'être anecdotique, car cette légère augmentation vient s'ajouter à toutes celles glanées ces derniers mois. Depuis décembre 2021, les taux ont bondi d'au moins 80 points de base, quelle que soit la durée d'octroi. Sur la durée la plus longue autorisée, 25 ans, le taux moyen excède désormais les 2%.
Augmentation marquée durant l'été
Pas un mois sans une remontée sensible. Le phénomène s'est accéléré avec le déclenchement de la guerre en Ukraine, qui a elle-même poussé le curseur de l'inflation et renforcé les tensions sur les marchés financiers.
Au cours de l'été, les banques ont mis une nouvelle pression afin de préserver leur profitabilité sur les nouveaux crédits, dans le sillage du relèvement du principal taux directeur de la Banque Centrale Européenne de 0% à 0,5% en juillet. Selon l'Observatoire Crédit Logement, le taux brut moyen sur 20 ans s'est établi à 1,85% au mois d'août dernier, contre 1,49% en juin.
Production en nette baisse
Impossible de compter sur l'allongement de la durée d'emprunt (20 ans et 3 mois en août 2022) pour compenser les conséquences de la hausse des taux et des prix immobiliers : la durée légale de remboursement est limitée à 25 ans. Résultat, l'activité plonge : le nombre de prêts recule de 12,8% en trimestre glissant et de 8,1% sur un an.
Si la remontée des taux est d'une ampleur sans précédent, force est de constater que les valeurs restent propices à l'achat immobilier. Au premier trimestre 2016, le taux moyen toutes durées confondues s'établissait à 2,1% dans un marché florissant. Le niveau des taux n’est pas en cause dans la dégradation du marché immobilier. Les taux actuels restent très largement inférieurs à l'inflation (5,8% en août sur un an) ; le taux réel est donc négatif, mais la logique mathématique se heurte au problème de l'usure.
Le blocage opéré par l'usure
La réglementation impose aux banques de ne pas dépasser les taux maximum légaux lors de l'octroi des crédits immobiliers. Pour les prêts d'une durée de 20 ans ou plus, le taux d'usure est fixé à 2,57% pour ce troisième trimestre 2022, un seuil trop faible pour intégrer dans le TAEG (Taux Annuel Effectif Global), en plus des intérêts, tous les frais relatifs à l'obtention du crédit :
- frais de dossier
- garantie (hypothèque, privilège du prêteur de deniers ou caution bancaire)
- expertise du bien immobilier
- éventuelle commission du courtier
- primes d'assurance emprunteur.
L’impasse des taux d’usure en 2022, en raison d’une méthode de calcul inadaptée au contexte actuel, génère toujours plus de refus, soit près de 50% de demandes de crédit recalées depuis juillet dernier. Les banques ne peuvent pas prêter à perte et sont obligées d'ajuster leurs barèmes de taux, même si l'usure limite la manœuvre. La seule solution au problème de l’usure passe aujourd’hui par le levier assurance emprunteur : en déléguant l’assurance, l’emprunteur peut réduire son coût par trois par rapport au contrat proposé par sa banque.
Il faut patienter jusqu'au 1er octobre pour voir l'usure augmenter. Selon les établissements de crédit, cette progression pourrait aller de 10 à 40 points. Dans l'hypothèse la plus favorable, le taux d'usure pour les prêts de 20 ans et plus s'établirait autour de 3%, ce qui offrait une latitude à de nombreux dossiers aujourd’hui recalés pour décrocher le graal.