Sur fond d'accès au crédit entravé et de hausse des prix immobiliers, certains acheteurs jettent leur dévolu sur les passoires thermiques, ces logements énergivores cloués au pilori par la loi Climat. Qui sont ces ménages, prêts à se lancer dans des travaux de rénovation, pour rendre leur acquisition plus verte ?
Qu'est-ce qu'une passoire thermique ?
L'expression s'est largement répandue depuis la loi Climat du 22 août 2021 "portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets". Cette loi est la traduction par le législateur de la convention citoyenne pour le climat organisée en 2020 ; elle concerne de nombreux domaines, tels les transports, la publicité, l'emploi et l'énergie, ainsi que l'immobilier et le logement.
En la matière, elle a pour objectif d'accélérer la rénovation des logements pour atteindre la neutralité carbone d'ici 2050. Gros émetteur de gaz à effets de serre (un tiers des émissions annuelles en France), le bâtiment doit devenir plus vertueux : l'ambition est de permettre à tous les Français de vivre dans des logements décents où ils n'ont pas froid l'hiver et pas chaud l'été, et d'atteindre un parc de logements de niveau basse consommation à moyenne à l'horizon 2050.
Sont stigmatisés les propriétaires bailleurs de logements énergivores, dits passoires thermiques, soit les biens classés F ou G sur l'échelle du DPE (Diagnostic de Performance Énergétique) qui affichent des dépenses énergétiques élevées à cause d'un défaut d'isolation thermique et qui manquent souvent de confort pour leurs occupants. Selon le ministère de la Transition écologique, il y aurait environ 5 millions de passoires thermiques. Bien plus d'après l'Observatoire National de la Rénovation Energétique (ONRE) qui les estime à environ 7,2 millions.
En finir avec les passoires thermiques
La loi Climat compte bien les éradiquer par diverses mesures mises en place progressivement :
- gel des loyers depuis le 24 août 2022 pour les classes F et G
- interdiction de location pour la classe G en janvier 2025
- interdiction de location pour la classe F en janvier 2028
- interdiction de location pour la classe E en janvier 2034.
Ce n'est pas tout ! L'information sur ce type de logements va se renforcer. Les habitations énergivores mises en vente (maisons individuelles et immeubles d'habitation appartenant à un seul propriétaire) doivent faire l'objet d'un audit énergétique à partir de :
- avril 2023 pour les classes F et G (au lieu du 1er septembre 2022 comme prévu initialement)
- janvier 2025 pour la classe E
- janvier 2034 pour la classe D.
L'audit énergétique est une analyse plus complète que le DPE car il définit au moins deux scénarios de travaux pour améliorer l'efficacité énergétique. Il coûte donc plus cher. Les annonces de vente des passoires thermiques doivent en outre mentionner "logements à consommation énergétique excessive", suivie de la lettre énergie.
Face au durcissement de la réglementation, bon nombre de propriétaires optent pour la vente de leur bien plutôt que de se lancer dans des travaux d’envergure qui peuvent représenter au bas mot une enveloppe de 50 000€ pour une rénovation performante. Malgré MaPrimRénov', les bonus qui vont avec et la tva à taux réduit, les aides publiques sont insuffisantes pour laisser un reste à charge supportable pour certains ménages. La demande est-elle au rendez-vous pour ce type de logements ?
Primo-accédant, profil-type de l'acheteur de passoire énergétique
L'avantage d'acquérir un logement mal classé est la décote potentielle. La dépréciation moyenne est de 13% entre un logement classé F ou G et un autre étiquetté A ou B, mais elle va jusqu'à 17% pour les maisons (étude SeLoger/Meilleursagents). Dans un marché caractérisé par des prix en constante progression malgré la crise du crédit, où emprunter sur 25 ans ne suffit plus à compenser cette hausse, l'immobilier ancien mal classé intéresse les acheteurs avec des budgets réduits ou insuffisants pour acquérir le premier choix ou dans le neuf.
Et l'offre ne manque pas. Selon Meilleursagents, la mise en vente de ce type de logements a bondi de plus de 8% en 2021 par rapport à 2020, et l'année 2022 devrait montrer une forte progression de cette tendance avec la mise en œuvre de la loi Climat et la dérive inflationniste. Il est clair que l'envolée des prix de l'énergie modifie le regard sur ces logements énergivores et accélère la transformation du marché.
Selon l'agence immobilière Hosman, présente dans les plus grandes villes de France, un tiers des acheteurs des logements classés F ou G sont des jeunes actifs de moins de 30 ans, sans enfant. Et parmi eux, 60% de primo-accédants.
Pénalisés par l'exigence d'apport personnel, ils peuvent acquérir des logements plus abordables et diminuer le recours au crédit, ils ont aussi le temps et l'énergie nécessaires pour entreprendre des travaux de rénovation. Et comme la plupart d'entre eux n'envisagent pas de louer leur acquisition, ils échappent à la réglementation sur les passoires thermiques.