Vif sujet de crispation depuis des mois, les taux d'usure des crédits immobiliers seront bien relevés à partir du 1er octobre 2022, en application de la règle actuelle de calcul. Pas sûr que l'ajustement soit suffisant pour rouvrir l'accès au crédit. Les espoirs de ceux qui réclament une réforme en profondeur sont douchés. Premiers observateurs de la déception des ménages, les courtiers vont continuer d'alerter les autorités sur le désastre annoncé du marché immobilier.
Relèvement du taux d'usure pour le dernier trimestre 2022
Dans une interview au média RTL vendredi 16 septembre, le gouverneur de la Banque de France (BdF), François Villeroy de Galhau, campe sur ses positions, annonçant que la prochaine révision des taux d'usure au 1er octobre se fera "en appliquant les règles existantes, qui vont conduire à un relèvement bien proportionné de ce taux plafond". Dont acte !
En dépit des appels constants des courtiers, et même plus récemment des banques, les autorités financières refusent d'accorder un coup de pouce sur l'usure, déniant les affirmations portées par certains professionnels d'un taux de refus de 45%. Le problème de l'usure n'en est pas un aux yeux de la BdF et de Bercy. Les autorités financières ne souhaitent nullement remettre en cause une méthode de calcul, pourtant totalement inadaptée au contexte actuel.
Le taux d'usure est calculé chaque trimestre par la BdF sur la base des TAEG moyens accordés au trimestre précédent, et augmentés d'un tiers. Ce taux légal correspond au taux maximum que les banques ne doivent pas dépasser lorsqu'elles distribuent un crédit ; il intègre les intérêts d'emprunt (taux nominal), les frais de dossier et les éventuelles commissions de courtage, ainsi que la garantie obligatoire (hypothèque, privilège du prêteur de deniers ou caution) et le coût assurance prêt immobilier.
Crédit immobilier à la peine
Ce n'est pas le niveau des taux d'emprunt qui est incriminé, à 2% voire 3% sur 20 ans, le crédit immobilier reste bon marché. Mais la méthodologie employée pour définir l'usure n'absorbe pas en temps réel la remontée continue des taux d'intérêt depuis mars, et la nouvelle hausse de septembre 2022 n'a fait qu'enfoncer le clou.
Actuellement, il est impossible d'obtenir un prêt sous la barre des 2% (taux brut). Avec un taux d'usure à 2,57% pour les prêts d'une durée de 20 ans ou plus, la marge est bien mince pour intégrer tous les frais annexes, à commencer par l'assurance emprunteur, deuxième coût après les intérêts. En moyenne, l'assurance pèse 30% du coût global d'un prêt immobilier, bien plus pour les seniors et les profils à risques pour raisons médicales ou professionnelles.
Résultat, près d'une demande sur deux est actuellement recalée, un constat énoncé haut et fort par les courtiers, également par les banques qui voient leurs volumes de crédits chuter. Certaines d'entre elles ont tout simplement décidé d'arrêter de distribuer des prêts à l'habitat tant que l'usure ne sera pas décemment remontée. Bienvenue en absurdistan où le crédit immobilier est bon marché mais inaccessible. L’utilité du courtier en crédit immobilier est plus que jamais d’actualité, même si les efforts déployés touchent de moins en moins leur but. Emprunter sur 25 ans ne suffit plus à conjurer tous les obstacles dressés : hausse des prix des logements, progression constante des taux d’intérêt, exigence d’apport personnel et usure trop basse.
Les professionnels gardaient pourtant espoir qu'une réforme de l'usure voie le jour. Des discussions avaient été engagées durant l'été avec le ministère de l'Économie, laissant entendre qu'une modification de la règle mathématique était possible. Il n'en sera rien. C'est le statu quo. Les emprunteurs ne sont pas prêts de sortir de l’impasse des taux d’usure.
François Villeroy de Galhau estime que le relèvement automatique des taux d'usure au 1er octobre "permettra de régler les cas d'accès plus difficiles au crédit immobilier qu'il y a pu y avoir ces dernières semaines". Avec une pointe d'ironie, on pourrait noter dans ces propos une reconnaissance a posteriori et à demi-mot que l'accès au crédit s'est bel et bien durci.