C’est peu dire que l’accès au crédit immobilier est compliqué en cette année 2023, freiné par la hausse vertigineuse des taux d’intérêts, alors que la correction des prix des logements se fait attendre. Fin mai 2023, la production de crédits à l'habitat avait chuté de près de 40% en glissement annuel. Face à cette crise de l’immobilier, le gouvernement n’en modifie pas pour autant les règles d’octroi des financements bancaires, mais accorde une souplesse supplémentaire à l’investissement locatif. Une mesure qui aura une bien faible portée selon les professionnels.
Pas de changement des règles d’octroi du crédit immobilier
À l’issue de sa trente-septième séance tenue le mardi 13 juin 2023, le Haut Conseil de Stabilité Financière (HCSF) a entériné la norme en matière de distribution des crédits immobiliers. Les règles d’octroi imposées aux banques depuis janvier 2022 demeurent inchangées :
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Le taux d’endettement ou taux d’effort reste plafonné à 35% des revenus nets de l’emprunteur, avant impôt, assurance de prêt immobilier comprise.
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La durée de remboursement reste limitée à 25 ans (jusqu’à 27 ans pour un achat dans le neuf ou dans l’ancien avec travaux représentant au moins 25% du montant de l’opération).
Pas de coup de pouce à l’égard des emprunteurs, alors que les banques se disaient prêtes à assouplir les critères d’octroi pour fluidifier l’accès au crédit immobilier, bloqué par la progression rapide et constante des taux d’intérêts et le relatif dysfonctionnement de l’usure. Le ministre de l’Économie et des Finances Bruno Le Maire avait pourtant déclaré il y a deux mois être inquiet que la norme ne devienne pas un obstacle à l’accès au crédit, même pour les emprunteurs solvables. Sans surprise, le régulateur refuse de modifier ces normes contraignantes, afin de « contribuer de façon structurelle à la sûreté du crédit immobilier ».
Marge élargie pour l’investissement locatif
La seule concession offerte aux banques est l’élargissement de la marge de flexibilité pour octroyer des prêts hors normes. Jusqu’à présent, les banques pouvaient s’affranchir des règles à hauteur de 20% de leur production trimestrielle et dans le cadre de cette marge, en accorder 80% à destination du financement de la primo-accession et de l’achat de la résidence principale. Pour les 20% restants, les banques pouvaient prêter à qui elles voulaient selon leurs propres critères, soit 4% de leur production totale de prêts immobiliers.
La marge de flexibilité reste à 20%, mais le HCSF procède à un ajustement technique en rehaussant la part hors financement résidence principale et primo-accession à 30% au lieu de 20%, ce qui correspond à 6% de la production totale. Sont directement concernés les investisseurs en locatif, premiers pénalisés par les règles du HCSF.
Les investisseurs qui remboursent déjà un crédit sur leur résidence principale souffrent de la règle des 35% d’endettement maximum, d’autant que le régulateur interdit le calcul différentiel du taux d’endettement, plus favorable que la méthode classique. L’ajustement proposé par le HCSF devrait toutefois les avantager, mais les courtiers estiment que cette mesure cosmétique ne permettra pas de redresser la production de crédits.
Selon les chiffres de la Banque de France, les banques utilisent à peine 14% de la marge de flexibilité et seulement 3% de la production totale est accordée hors normes à des investisseurs. Le système ne fonctionne pas car il serait trop contraignant.
Prolongation de la mensualisation du taux d’usure
Le HCSF a par ailleurs décidé de prolonger la révision mensuelle du taux d’usure jusqu’au 1er janvier 2024, alors que la mesure devait cesser le 1er juillet prochain. Historiquement définis tous les trimestres sur la base des TAEG moyens (Taux Annuel Effectif Global) pratiqués par les banques, augmentés d’un tiers, les taux d’usure sont modifiés chaque mois depuis février 2023, sous la pression des courtiers et des professionnels du crédit.
Incapable de suivre la progression des taux d’intérêts, l’usure était devenue un facteur de blocage par l’effet ciseau. Sa mensualisation a pour seule vertu de retarder cet effet ciseau. Pour les prêts de 20 ans et plus, le taux d'usure est supérieur à 5% pour juillet 2023, une première depuis 2012 et signe que les taux d'intérêts ont fortement progressé ces dernières semaines.
L’accès au prêt immobilier restera compliqué pour un très grand nombre de candidats dans la seconde partie de l’année 2023, à commencer par les jeunes primo-accédants, trop justes en matière d’apport personnel et d’épargne de précaution post-crédit. On assiste à une explosion de l'apport personnel en 2023, qui représente environ 35% du montant d'une opération. Le pouvoir d’achat immobilier des Français s’est contracté d’environ 20% depuis janvier 2020 sous l’impulsion de la hausse des taux d’emprunt, à ce jour non compensée par la baisse des prix immobiliers.