Jusqu’au début 2022, les taux de crédit immobilier affichaient des valeurs historiquement basses. Le contexte monétaire a mis fin à l’argent facile. Désormais on s’endette à plus de 4% sur 20 ans, ce qui affecte grandement le pouvoir d’achat immobilier des ménages. Faut-il s’attendre à pire pour la fin de l’année et le début de 2024 ?
Des taux multipliés par 4 depuis début 2022
Si l’on regarde dans le rétroviseur, on observe que les taux d’intérêts du crédit immobilier oscillaient entre 1,55% et 1,05% (hors assurance emprunteur et coût des sûretés) entre le deuxième trimestre 2017 et fin 2021. Des niveaux historiquement bas qui ont permis de soutenir le marché immobilier. La remontée de l’inflation, en lien avec le déclenchement de la guerre en Ukraine, a mis un terme à cette période bénie pour les emprunteurs qui pouvaient financer leur projet immobilier à moindre coût.
Selon l’Observatoire Crédit Logement/CSA qui fait référence en matière d’activité du crédit immobilier, le taux moyen sur 20 ans s’affichait à 0,99% en décembre 2021 ; en septembre 2023, il titrait 4,04%. La hausse opérée durant l’année 2023 a été deux fois plus forte qu’en 2022, avec 163 points additionnels pour le taux moyen toutes durées confondues contre 84 points.
En octobre, les taux restent orientés à la hausse et excèdent les 4% sur les durées à partir de 20 ans. Le taux moyen sur 20 ans s’affiche désormais autour de 4,30% pour un bon dossier, les profils moins bien dotés en revenus, apport personnel et épargne de précaution écopant de valeurs au-delà de 4,50%.
Pouvoir d’achat immobilier en chute libre
Par ce grand écart, on mesure la dégradation du pouvoir d’achat immobilier. Un ménage gagnant 4 000€ par mois pouvait emprunter 287 022€ sur 20 ans en décembre 2021 (taux nominal à 1%, hors différents frais de garantie et autres frais annexes). Aujourd’hui, ce ménage avec le même niveau de ressources peut emprunter moins de 215 000€ sur 20 ans. Le pouvoir d’achat immobilier s’est contracté de plus de 33% en moins de deux ans.
Le renchérissement du crédit immobilier plombe la production. Au troisième trimestre 2023 en année glissante, le nombre de prêts régresse de 40,7% sur le marché de l’ancien et de 42,3% sur le marché du neuf. Les ménages qui peuvent encore emprunter doivent faire des concessions sur leur projet pour rester dans les clous de l’endettement, car les prix immobiliers 2023 ne subissent une correction suffisante pour compenser la hausse des taux et maintenir le pouvoir d’achat.
Rappelons que les règles du HCSF fixe le taux d’endettement à 35% des revenus nets (assurance emprunteur comprise) et la limite de la durée de remboursement à 25 ans (sauf exception dans le neuf où elle peut aller jusqu’à 27 ans). Et contrairement aux espérances de toute une filière, le taux d’endettement maximum ne sera pas bientôt assoupli, les autorités financières ayant mis leur veto à un relèvement du taux d’effort, même quand le reste à vivre est largement suffisant. La crise immobilière 2023 ou le déni du gouvernement !
Les conditions de prêt immobilier pour fin 2023 et début 2024
Faut-il s’attendre à de nouvelles hausses de taux dans les semaines à venir ? Fin septembre dernier, le taux de refinancement de la Banque Centrale Européenne a été relevé pour la dixième fois depuis juillet 2022, ce qui le porte à 4,50%. Les banques sont obligées d’ajuster leurs barèmes de taux aux conditions monétaires, afin de marger sur la production. Selon les experts, le taux nominal moyen toutes durées confondues, hors frais et assurance, devrait atteindre 4,10% à la fin de l’année 2023. Le seuil des 5% que beaucoup craignent et anticipent ne sera pas atteint en fin d’année, ni même jamais selon l’Observatoire Crédit Logement.
Pourquoi ce relatif optimisme ? Le principal taux de refinancement de la BCE devrait refluer en 2024, ce qui permettra aux banques de proposer des taux d’emprunt plus compétitifs. Mais la correction sera lente. Les taux devraient continuer leur progression au cours de premiers mois de l’année 2024, avant d’entamer une légère inflexion.
Dernier élément : on ne sait pas si la Banque de France va maintenir la révision mensuelle du taux d’usure. En place depuis février 2023 pour une durée provisoire jusqu’en janvier 2024, la mensualisation du taux maximum légal a facilité un accroissement des taux en permettant aux établissements de crédit de répondre plus rapidement aux contraintes monétaires et de renouer avec une certaine profitabilité sur les nouveaux financements ; elle a aussi permis de retarder l’effet ciseau consécutive à l’envolée des taux. Tant que la situation monétaire n’est pas stabilisée, la revalorisation de l’usure doit rester mensuelle.