La mensualisation du taux d’usure est une mesure provisoire censée faciliter l’accès au crédit immobilier, mais elle a un effet pervers en permettant aux banques d’adapter plus rapidement leurs barèmes de taux. Résultat, les taux d’emprunt augmentent de nouveau en mai 2023 et s’approchent dangereusement du seuil des 4%. Pour autant, le crédit immobilier n’est pas rémunérateur, et certaines banques ont tout simplement arrêté de prêter en attendant une stabilisation du contexte monétaire.
Taux en mai 2023 : au-delà de 3,50%
Pour le énième mois, les taux d’intérêts affichent des valeurs en hausse. En fonction des durées et des établissements bancaires, ils augmentent de 10 à 25 points de base en mai 2023 par rapport au mois précédent qui avait déjà accusé une progression du même ordre.
Dans le détail, les taux moyens pour le mois de mai se situent dans les fourchettes suivantes (hors assurance prêt immobilier et coût des sûretés) :
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sur 15 ans : entre 3,20% et 3,45%
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sur 20 ans : entre 3,30% et 3,65%
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sur 25 ans : entre 3,45% et 3,80%
Cette nouvelle hausse s’explique par la mensualisation du taux d’usure qui permet aux banques d’adapter leurs barèmes de taux plus rapidement. Avant février 2023, les taux d’usure étaient révisés chaque trimestre et dans un contexte monétaire en évolution constante, ce rythme était trop lent pour que les banques puissent afficher des taux en cohérence avec le coût des ressources (taux de refinancement de la BCE, taux des marchés obligataires).
Des taux à 4% sont attendus pour l’été 2023, ils risquent fort d’aller au-delà si les conditions monétaires continuent de se dégrader.
Mensualisation de l’usure : effet mitigé
Mesure provisoire décidée par la Banque de France qui court jusqu’au 1er juillet prochain, la révision mensuelle des taux d’usure ouvre une fenêtre de tir en début de mois, qui se referme très vite face à la progression incessante des taux d’emprunt.
Pour mai 2023, le taux d’usure est supérieur à 4,50% sur les durées de 20 ans et plus, 4,52% exactement, soit 28 points de plus qu’en avril dernier. Est-ce suffisant pour accéder au crédit immobilier ?
C’est bien compliqué pour les primo-accédants, abonnés aux taux les moins performants et aux durées d’emprunt les plus longues. Un jeune couple de moins de 31 ans qui gagne 3 000€ par mois obtient un taux bien supérieur à 3,50% sur 20 ans, et ce taux atteint généralement les 4% sur 25 ans. Comment intégrer tous les autres frais relatifs à l’obtention du crédit (frais de dossier, garantie, assurance emprunteur, etc.) quand la marge entre le taux brut et le taux d’usure se réduit comme peau de chagrin ?
Les professionnels estiment qu’il faut environ 100 à 120 points d’écart entre le taux d’intérêts et le taux d’usure pour contenir tous les frais annexes. On est loin du compte pour les jeunes accédants, peu dotés apport personnel et en épargne de précaution post-crédit pour bénéficier d’une offre de crédit avantageuse leur permettant de maintenir le TAEG (Taux Annuel Effectif Global) sous le seuil de l’usure.
On voit ici l’aberration du système de l’usure qui applique aveuglément un taux maximum légal identique quelle que soit la durée de remboursement à partir de 20 ans.
L’accès au crédit est bloqué en 2023 pour les ménages aisés, qui, comme les autres candidats, n’échappent pas aux normes d’octroi du HCSF. En limitant le taux d’endettement à 35% des revenus nets, assurance emprunteur comprise, le régulateur met sur le même plan un ménage modeste et un autre doté de revenus confortables : la notion de reste à vivre doit être prise en compte, un endettement à 35% des revenus n’ayant pas la même incidence pour un profil au Smic ou à 10 000 par mois.
Les seuls à pouvoir concrétiser leur projet immobilier sont les secundo-accédants, ceux qui revendent un premier bien pour en acheter un deuxième et peuvent ainsi minimiser le recours à l’emprunt.
Production de crédits immobiliers à l’arrêt
Selon l’Observatoire Crédit Logement/CSA, la production de crédits immobiliers chute de 30,6% en montant et de 29,2% en nombre de prêts sur un an. En trimestre glissant, le couperet est plus sévère avec un repli de 41,2% et de 40,6% respectivement.
Ces chiffres annonciateurs d’une catastrophe imminente indiquent que les banques sont de plus en plus réticentes à financer les projets immobiliers, même si la demande reste forte. Certains établissements ont carrément fermé les vannes, comme Axa Banque qui a arrêté de prêter depuis le 7 avril dernier, car le crédit immobilier n’est plus rentable à cause de la forte hausse des coûts de refinancement, plus rapide que celle de l’usure.
Les professionnels du crédit espèrent un retour à la normale à partir du troisième trimestre, si tant est que le coût de la ressource se stabilise. En attendant, nombreux sont ceux à réclamer un assouplissement des règles d’octroi du HCSF en 2023, une mesure qui a l’assentiment du ministère de l’Économie mais à laquelle la Banque de France oppose un veto catégorique... pour le moment.