Le Parlement a adopté la loi Lemoine le 17 février dernier. Une révolution pour l'assurance emprunteur, une couverture imposée par la banque dans le cadre d'un financement immobilier. Différents dispositifs vont se mettre en place au cours de cette année, dont la résiliation à tout moment des contrats. Voici les différentes mesures contenues dans cette réforme essentielle, ainsi que les dates de leur mise en œuvre.
Une loi fondamentale pour les droits des emprunteurs
Votée à l'unanimité par les parlementaires à la mi-février, la loi Lemoine réforme en profondeur l'assurance de prêt immobilier, élément incontournable pour tout candidat qui souhaite financer l'achat de son logement. Aujourd'hui, 88% des parts de marché reviennent aux banques, en première position pour imposer leur produit maison, la plupart du temps plus cher que les offres proposées par les assureurs alternatifs. Une anomalie que le législateur a tenté de corriger à plusieurs reprises.
Malgré une longue décennie de réglementations censées libéraliser le marché (loi Lagarde, loi Hamon et amendement Bourquin), les emprunteurs peinent non seulement à choisir d'entrée de jeu l'assurance de leur choix, mais ont les plus grandes difficultés à en changer en cours de prêt. L'effectivité du droit au changement d'assurance prêt immobilier reste très limitée et réservée à un public initié, et relève en pratique d'un vrai chemin de croix.
Très bientôt, la procédure de résiliation/substitution sera facilitée. La loi Lemoine contient d'autres mesures en faveur du droit des emprunteurs, en faisant évoluer les règles existantes sur l'accès à l'assurance des personnes malades. En voici le calendrier.
À partir du 1er juin 2022
Résiliation à tout moment
Les emprunteurs n'auront plus à respecter de date butoir pour changer de contrat d'assurance en cours de prêt. Tous les contrats souscrits à compter du 1er juin prochain pourront être résiliés à tout moment et sans frais.
S'il est plutôt aisé de changer de formule durant la première année du crédit (loi Hamon), la résiliation devant intervenir au plus tard 15 jours avant la date d'anniversaire de l'offre de prêt, il en est tout autre au-delà de ces douze premiers mois. La substitution annuelle est autorisée, mais les emprunteurs doivent s'appuyer sur la date d'échéance conformément à l'amendement Bourquin qui impose de résilier dans un délai de deux mois. Cette date pose problème, souvent parce qu'elle n'est pas connue de l'emprunteur, et que la banque joue de son imprécision pour dissuader le client de changer.
La loi Lemoine supprime toute contrainte temporelle, tout en imposant aux banques d'informer chaque année leurs clients de leur droit de résiliation à tout moment sur tout support durable. Les autres obligations données aux banques sont détaillées plus bas.
Fin du questionnaire de santé
L'autre avancée majeure contenue dans la loi Lemoine est la suppression de la sélection médicale sous certaines conditions. L'emprunteur n'aura pas à remplir de questionnaire de santé ni à se soumettre à aucun examen de santé si :
- le montant de l'emprunt n'excède pas 200 000€ ;
- le prêt est remboursé avant son 60ème anniversaire.
Ce plafond s'applique par assuré, un couple peut donc s'endetter à hauteur de 400 000€ sous réserve que la quotité assurée par tête n'excède pas 200 000€. Le législateur veut prévenir une éventuelle utilisation abusive du dispositif conduisant un même emprunteur à souscrire plusieurs assurances pour des montants en-deçà de 200 000€.
Les personnes malades ou anciennement malades n'auront plus à subir de surprimes, ni d'exclusions de garanties, voire de refus d'assurance en raison de leur historique de santé. La suppression du questionnaire de santé met par ailleurs fin au contentieux abondant en matière de fausses déclarations sur l'état de santé.
Délai raccourci du droit à l'oubli
La convention Aeras (s'Assurer et emprunter avec un risque aggravé de santé) agit pour une prise en compte des avancées thérapeutiques afin de faciliter l'accès à l'assurance et au crédit aux personnes touchées par la maladie. Ce dispositif opposable aux banques et aux assureurs a consacré le droit à l'oubli, qui se traduit par l'absence d'obligation de déclarer à l'assureur une pathologie cancéreuse selon l'âge auquel la maladie a été diagnostiquée :
- avant 21 ans, le droit à l'oubli s'applique 5 ans après la fin du protocole et sans rechute ;
- après 21 ans, il s'applique 10 ans après la fin du protocole et sans rechute.
La loi Lemoine ne fait plus aucune distinction d'âge et fixe à 5 ans le délai pour bénéficier du droit à l'oubli. La mesure est étendue à l'hépatite virale C, seule maladie chronique éligible au droit à l'oubli. Le texte accorde un délai de 3 mois aux signataires de la convention Aeras pour engager des négociations sur une possible extension du droit à l'oubli à d'autres pathologies.
Information du coût à 8 ans
Le texte intègre une disposition qui avait été recommandée par le Comité Consultatif du Secteur Financier. Dorénavant, les banques et les assureurs devront indiquer aux emprunteurs le coût de l'assurance sur une durée de 8 ans, laquelle correspond peu ou prou à la durée de détention moyenne d'un crédit immobilier.
Ceci permettra au candidat à l'emprunt immobilier de mieux comparer les offres d'assurance et de faire le tri en fonction de l'horizon de détention du bien qu'il s'est donné. Les assurances calculées sur le capital initial sont généralement plus intéressantes si le crédit est remboursé avant 8 ou 10 ans (revente du bien et remboursement anticipé du crédit), tandis que les formules dégressives sont les meilleures pour les prêts qui vont à leur terme.
À partir du 1er septembre 2022
Les contrats d'assurance déjà souscrits devront attendre le 1er septembre pour bénéficier de la résiliation à tout moment.
Avenant au contrat
Quelle que soit l’antériorité du contrat concerné par la demande de substitution, lorsque le prêteur accepte la demande de résiliation, il doit modifier le contrat de crédit par avenant, afin de mentionner le nouveau TAEG (Taux Annuel Effectif Global). L'avenant est produit dans un délai de 10 jours ouvrés à compter de la réception de la demande de substitution.
Exhaustivité des motifs de refus
Pour assurer l'effectivité de ce nouveau droit accordé à tous les emprunteurs, la loi prévoit un renforcement de l'obligation de motiver les décisions de refus de substitution. Le prêteur devra préciser de manière exhaustive les raisons d'un éventuel refus. Le but est d'éviter les refus sommaires qui empêchent de rendre effectif le droit au changement d'assurance de prêt et obligent l'emprunteur à réitérer sa demande, souvent en vain, ou à renoncer.
Les refus portent généralement sur la date de résiliation ou/et l'équivalence de niveau de garanties que l'emprunteur n'aurait pas respectées. La loi Lemoine évacue le premier écueil et renforce l'information du consommateur en obligeant le prêteur à détailler les raisons pour lesquelles la demande est rejetée.
Tout manquement à ces obligations d'information est passible d'une amende administrative de 3 000€ (personne physique) ou de 15 000€ (personne morale).
En facilitant le changement d'assurance emprunteur, la loi Lemoine va permettre aux emprunteurs de réaliser des économies plus que substantielles.
Le comparateur Magnolia.fr a calculé qu'un couple de trentenaires empruntant 250 000€ sur 25 ans réduit de plus de 30 000€ le coût de son assurance en substituant l'assurance bancaire par une offre alternative au bout de 3 ans.