Le marché immobilier 2022 a souffert de la vive remontée des taux d’emprunt et du blocage opéré par les taux d’usure. Bon nombre de projets immobiliers ont été entravés par ces deux facteurs conjugués, mais les ménages français, qu’ils soient nouveaux emprunteurs ou déjà détenteurs d’un crédit, peuvent désormais bénéficier d’une avancée réglementaire majeure en matière d’assurance de prêt grâce à la loi Lemoine.
Changement d’assurance emprunteur à tout moment
Adoptée en février 2022, la loi Lemoine pour un accès plus juste, plus simple et plus transparent au marché de l’assurance emprunteur est entrée en application dès le 1er juin dernier.
Les trois adjectifs ont leur importance :
- plus juste : historiquement, le marché de l’assurance de prêt immobilier est verrouillé par les banques qui en détiennent 87% des cotisations annuelles, alors que les offres proposées par la concurrence peuvent être jusqu’à quatre fois moins chères.
- plus simple : changer d’assurance de prêt immobilier s’appuyait jusqu’alors sur les lois Hamon et Bourquin, ce dernier dispositif obligeant à respecter une date d’échéance que l’emprunteur ignorait le plus souvent.
- plus transparent : les obligations d’information des banques sont renforcées en matière de droit au changement et de coût de l’assurance.
La mesure centrale de la Loi Lemoine prévoit le changement d’assurance de prêt immobilier à tout moment. Dès le 1er juin 2022, les nouveaux emprunteurs ont pu bénéficier de ce droit, devenu applicable à tous, quelle que soit l’antériorité du contrat, à partir du 1er septembre dernier.
L’engouement est au rendez-vous. Chez le courtier Magnolia.fr, on constate un boom du changement d’assurance de prêt immobilier. Les demandes de changement en cours de prêt ont bondi de 300% dès septembre, et représentent désormais 80% des dossiers en délégation. Les foyers français se ruent sur cette mesure pouvoir d’achat qui ne coûte rien aux finances publiques.
Le changement d’assurance emprunteur ne rencontrerait pas un tel succès si les économies n’étaient pas significatives. Le gain potentiel par emprunteur est entre 100 et 200€ par mois, et sur la durée restante du crédit, l’économie moyenne se situe autour de 10 000€.
Renforcement de l’information en assurance de prêt immobilier
L’information est l’oxygène du marché de l’assurance emprunteur. La loi Lemoine impose désormais aux banques deux nouvelles obligations :
- le coût de l’assurance sur 8 ans : la construction de la prime pouvant être à taux constant ou à taux variable, le coût, s’il est identique sur la durée prévue, peut être très différent en cours de prêt. Au bout de 8 à 10 ans, qui est la durée moyenne de remboursement d’un prêt immobilier en France, une prime en pourcentage du capital restant dû à âge atteint est supérieure à celle assise sur le capital restant dû ou capital initial. Si la première méthode de calcul est cohérente avec le profil de risque de l’emprunteur, elle renchérit le coût de l’assurance pour les personnes qui soldent leur crédit avant le terme, en cas de revente du bien par exemple.
- l’information annuelle de l’emprunteur de son droit de résiliation à tout moment sur tout support papier ou sur tout support durable, et des modalités de résiliation et des différents délais de notification et d’information qu’il doit respecter.
Les banques sont passibles d’une amende administrative de 15 000€ en cas de manquements à ces obligations constatés par l’autorité compétente.
Meilleure inclusion des emprunteurs à risque de santé
Le changement de contrat à tout moment a été arraché de haute lutte par les députés à l’origine du texte de loi, en premier chef Patricia Lemoine. Les sénateurs estimaient que les dispositifs en place (lois Hamon et Bourquin) étaient suffisants, même si la délégation, en intention initiale comme en cours de prêt, stagnait pour le moins, en dépit du droit au libre choix du contrat depuis septembre 2010 (loi Lagarde assurance emprunteur). La contrepartie demandée a été d’élargir l’accès à l’assurance de prêt immobilier aux personnes pénalisées par un passif de santé.
La loi Lemoine contient deux mesures inclusives :
- la suppression du questionnaire de santé pour les crédits immobiliers de moins de 200 000€ par emprunteur sous réserve que le terme intervient avant le 60ème anniversaire ;
- le renforcement du droit à l’oubli : la banque ne peut recueillir aucune information médicale relatives à une pathologie cancéreuse et à l’hépatite virale C passé un délai de 5 ans après la fin du protocole thérapeutique.
Il était prévu que des négociations sur la possibilité d’appliquer le droit à l’oubli à d’autres pathologies soient engagées par les signataires de la convention Aeras (s’Assurer et emprunteur avec un risque aggravé de santé), dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la loi Lemoine, et que la grille de référence évolue elle aussi. L’amélioration se traduit par le passage de l’infection VIH de la partie 2 à la partie 1 de la grille de référence, ce qui correspond à :
- une absence de surprime et d’exclusion de garantie ;
- la suppression du critère de début de traitement après janvier 2005 ;
- le raccourcissement de deux à un an de la durée d’observation des réponses au traitement ;
- la disparition des questions concernant l’usage du tabac et le dosage de la cotinine urinaire.
Le plafond de prêt immobilier pour bénéficier de la convention Aeras est par ailleurs passé de 320 000€ à 420 000€ par emprunteur.
L’effet boomerang de la loi Lemoine
Le revers de la médaille de ces dispositifs qui mettent fin à une discrimination due aux risques de santé est le renchérissement des tarifs d’assurance de prêt immobilier. Certes, on observe un meilleur accès à l’assurance mais des tarifs an hausse. La réforme portée par la loi Lemoine fait monter les prix de manière variable selon le portefeuille de l’assureur.
Les courtiers constatent une hausse comprise entre 10% et 30% pour les emprunts où la sélection médicale est interdite. Faute de pouvoir individualiser les risques, les assureurs, au premier rang desquels les alternatifs, habituellement bien moins chers que les bancassureurs, se voient obligés de mutualiser sur le segment concerné. Avec des marges jusqu’à 70%, les banques disposent d’une latitude bien plus large pour ajuster leurs tarifs face aux contraintes réglementaires.