La semaine dernière, l'Autorité européenne des assurances a émis un avertissement aux assureurs et aux banques dans le cadre de la vente conjointe des produits d'assurance et de crédit. En ligne de mire, les politiques tarifaires des bancassureurs, qui génèrent des commissions très élevées sur fond de conflits d'intérêts. Pour un meilleur rapport qualité/prix, allez voir du côté des alternatifs !
Les marges élevées des bancassureurs
Le sujet n'est pas nouveau mais peu connu du grand public. Les bancassureurs ont la mainmise sur l'assurance emprunteur et cette position dominante les encourage à pratiquer des tarifs élevés, voire indécents, qui leur permettent d'engranger des profits faramineux sur ce produit adossé à la distribution du crédit immobilier. Ce qui est nouveau est la mise en garde du régulateur européen sur une pratique monopolistique abusive.
L'EIOPA, qui est l'autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles, a adressé tout récemment un avertissement aux assureurs et aux banques à propos de ces "mauvaises politiques tarifaires visant à maximiser les profits". Le régulateur européen dénonce la part importante des primes brutes payées par les consommateurs employée à la rémunération des banques, alors que les prestations versées sont équivalentes à 30% du montant. L'assurance de prêt immobilier génère entre 30% et 70% de commissions pour les banques.
La plupart des banques distributrices de crédits immobiliers possèdent leur filiale d'assurance, ce qui leur permet de placer leur produit maison, ou ont des liens commerciaux avec des assureurs. Cette situation entraîne des conflits d'intérêts préjudiciables au consommateur, dernier maillon d'une chaîne de commissionnement.
L'assurance emprunteur ou le libre choix bafoué
La réglementation autorise le libre choix du contrat d'assurance emprunteur et interdit la vente liée de l'assurance et du crédit. Cela n'empêche pas le marché d'être phagocyté à près de 85% par les bancassureurs. En raison des pratiques commerciales évoquées plus haut, le principe de libre choix, c'est-à-dire préférer un contrat d'assurance externe et concurrent à celui proposé par la banque prêteuse, est remis en cause.
On rappelle qu'en France le cadre réglementaire en matière d'assurance emprunteur s'est étoffé en plus d'une décennie. Après la loi Lagarde de 2010 qui a inscrit dans le marbre la délégation d'assurance prêt immobilier, sont entrées en vigueur la loi Hamon et la loi Bourquin assurance emprunteur sur le changement de contrat en cours de prêt, respectivement en 2014 et 2018. Pour autant, les parts de marché des bancassureurs n'ont pas bougé d'un iota et il a fallu que le législateur remettre le métier sur l'ouvrage pour bousculer ce statu quo. Avec l'entrée en lice de la loi Lemoine 2022, on est en droit d'espérer une application effective du droit au libre choix, sans entrave de la part des banques.
Depuis le 1er septembre, tout emprunteur peut changer d'assurance de prêt immobilier à tout moment et sans frais, et ce, dès le lendemain de la signature de l'offre de prêt. Plus besoin d'attendre une date d'échéance pour substituer le contrat par une formule moins chère à garanties équivalentes. L'engouement du côté des emprunteurs est d'ailleurs au rendez-vous : chez le courtier Magnolia.fr, les demandes de changement ont bondi de plus de 200% depuis début septembre.
Davantage de contrôles ?
Les bancassureurs sont donc invités à changer de braquet et à se conformer à la réglementation s'agissant des produits d'assurance emprunteur. L'EIOPA les enjoint à respecter les principes réglementaires fondamentaux énoncés dans la directive sur la distribution d'assurances (DDA), "y compris en matière d'exigences de surveillance et de gouvernance des produits". Il leur est demandé de prendre les mesures nécessaires pour résoudre les problèmes de rémunération élevée et de prévenir les conflits d'intérêts.
Un vœu pieu, alors que le crédit immobilier est peu rémunérateur dans un contexte de taux bas. Seule l'assurance permet de compenser le manque à gagner quand les taux débiteurs, à défaut d'être toujours au plancher, sont bien loin du niveau qu'ils devraient atteindre s'ils étaient ajustés en conséquence de la situation monétaire (inflation au plus haut, hausse de taux de la BCE en septembre 2022 et forte augmentation du rendement des obligations d'État). Les banques sont bloquées par les taux d'usure, qui sont, du côté français, les plus faibles d'Europe. L'issue à cette impasse des taux d’usure viendra peut-être des banques elles-mêmes qui ont lancé l'idée pour accélérer la hausse de l'usure en 2023 de prendre en compte les offres de prêt et non les crédits signés.
L'EIOPA laisse aux instances locales de régulation le soin d'effectuer les contrôles. En France, ce pouvoir revient à l'Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR), organe de supervision de la banque et de l'assurance intégré à la Banque de France. Ces dernières années, l'ACPR n'a émis que des avertissements ou des recommandations à l'encontre des banques indélicates, alors qu'elle a le pouvoir d'infliger des sanctions. L'avenir nous dira si les bancassureurs vont rectifier le tir sous cette pression... plutôt molle.