Les taux d'usure continuent de bloquer l'accès au marché immobilier en raison de leur niveau trop faible par rapport aux taux d'emprunt du moment. Malgré les appels récurrents des courtiers pour une réforme de la méthode de calcul, la Banque de France campe sur ses positions, estimant que la situation est en train de se normaliser. Pourtant, sur le terrain, les refus explosent.
Taux d'usure inadaptés
Le taux d'usure est le taux maximal que les banques ne doivent pas dépasser lors de l'octroi d'un crédit immobilier. Calculés chaque trimestre par la Banque de France sur la base des TAEG moyens accordés et augmentés d'un tiers, les taux d'usure ne reflètent pas la réalité des taux d'emprunt depuis plusieurs mois. En cause, le décalage qui ne tient pas compte de la progression continue des taux d'intérêt.
Rappelons que le coût d'un crédit immobilier n'est pas réduit aux seuls intérêts ; sont pris en compte dans le TAEG (Taux Annuel Effectif Global) :
- les frais de dossier
- les frais de garantie (hypothèque ou caution bancaire)
- les éventuelles commissions de courtage
- l'expertise du bien immobilier
- les primes d'assurance emprunteur.
Chaque mois, voire chaque semaine, les taux d'emprunt sont ajustés au rythme de l'évolution de l'OAT 10 ans (emprunt obligataire de l'État sur 10 ans) et du contexte monétaire défini par les banques centrales. Immuables pour trois mois, les taux d'usure sont devenus facteurs de blocage du crédit immobilier en cette période de remontée constante de taux d'intérêt. Se produit le redouté effet ciseau qui prend en tenailles les ménages déjà contraints par les normes d'octroi.
Pour mémoire, la distribution du crédit immobilier est normalisée depuis deux ans, en vertu des règles imposées aux prêteurs par le Haut Conseil de Stabilité Financière sous peine de sanctions :
- taux d'endettement limité à 35% des revenus nets, assurance emprunteur incluse
- durée de remboursement limitée à 25 ans, avec une tolérance jusqu'à 27 ans pour les primo-accédants de leur résidence principale.
De la conjonction de tous ces facteurs il résulte un accès au crédit immobilier toujours bloqué. Les courtiers observent un nombre de refus préoccupant. Depuis juin, près de 50% des demandes de financement sont recalées en raison d'un TAEG outrepassant l'usure. Même les ménages solvables doivent aujourd'hui renoncer à leur rêve d'accession à la propriété.
Normalisation de la production de crédit immobilier
Pour l'heure, la Banque de France (BdF) nie l'impact des taux d'usure sur le marché immobilier et préfère rappeler sa mission d'intérêt général et le caractère protecteur des taux maximum légaux.
L'institution souligne que les taux d'usure sont fixés pour "protéger les ménages qui empruntent, et pas les intérêts des courtiers ou des prêteurs". Selon elle, l'éventuel effet d'éviction mis en avant par les intermédiaires n'existait pas avant juin. Il sera temps fin septembre de s'en préoccuper.
Dans une note publiée début septembre, la BdF a indiqué que "la production de crédits à l'habitat commence à se normaliser progressivement", et qu'elle reste même "au-delà des moyennes mensuelles de ces dernières années". En juillet, l'encours de crédits immobiliers a poursuivi sa croissance (+6,4% sur un an, après +6,6% en juin et +6,8% en mai). Malgré la remontée sensible des taux d'intérêt des nouveaux crédits, les taux moyens restent inférieurs au taux de l'OAT 10 ans et significativement en-deçà du taux d'usure sur la catégorie principale, à savoir les prêts immobiliers d'une durée de 20 ans et plus.
La BdF estime que la poursuite de la hausse des taux d'emprunt moyens va normaliser graduellement la production mensuelle des crédits à l'habitat, maintenant le taux de croissance annuelle de l'encours de crédits à plus de 6%. Plutôt que reconnaître la dégradation de l'activité, la BdF préfère parler de normalisation et mettre en exergue la protection des emprunteurs contre le surendettement grâce au bornage opéré par les taux d'usure.
Les solutions pour rester sous l'usure
Les professionnels du crédit réclament une réforme de l'usure depuis longtemps. La situation actuelle rend leur requête d'autant plus urgente. Bercy temporise et explique qu'il revient aux banques de faire des efforts, notamment en révisant les frais sur le crédit et en pratiquant des taux d'intérêt plus compétitifs. Quand bien même elles y concéderaient, ce ne serait pas suffisant étant donné la marge minime entre les taux d'emprunt et le taux d'usure.
Certains courtiers proposent de sortir l'assurance emprunteur du TAEG, une option que la BdF juge inadaptée. Deuxième poste de dépenses après les intérêts, l'assurance de prêt immobilier représente en moyenne 30% du coût global d'un crédit, mais bien plus pour les profils à risques comme les seniors, les personnes exerçant une profession à risques et celles avec un passif de santé. Le coût de l'assurance étant déterminé par des paramètres individuels, il serait équitable de l’évincer du taux d'usure qui, lui, est le même pour tous indépendamment des risques incarnés par l'emprunteur.
En attendant un relèvement mathématique des taux d'usure au 1er octobre, chaque candidat à l'emprunt peut faire jouer la concurrence et solliciter les services d'un courtier d’assurance prêt immobilier pour trouver une formule adaptée à son profil, jusqu'à trois fois moins chère que l'assurance proposée par sa banque, et minimiser ainsi le poids de l'assurance dans son TAEG.