Elle n'est pas encore terminée, mais 2023 restera comme un piètre millésime pour le marché immobilier : les transactions sont en berne à cause des difficultés d’accès au crédit, de prix qui mollissent peu et d’une politique de soutien inexistante, ce qui contribue à tendre dangereusement le marché du locatif. L’année 2024 s’annonce-t-elle plus favorable à l’achat immobilier ?
Marché immobilier bloqué en 2023
Les nuages noirs ont assombri l’activité immobilière de cette année. Alors qu’elle arrive bientôt à son terme, 2023 restera dans les annales comme une période de retournement du marché, marquée par la conjonction de plusieurs facteurs :
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La forte hausse des taux d’intérêts : de 1,20% début 2022 (hors assurance de prêt et autres frais de garantie), le taux moyen sur 20 ans atteint désormais 4,35%. Cette progression phénoménale est la conséquence de la dérive inflationniste, contre laquelle la Banque Centrale Européenne (BCE) tente de lutter en durcissant drastiquement sa politique monétaire. Elle a relevé à dix reprises ses taux directeurs depuis juillet 2022. Les banques de détail se refinancent actuellement auprès de l’institution communautaire à 4,50%, contre 0% entre 2016 et juillet 2022.
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Le dysfonctionnement de l’usure : le remontée brutale des taux d’emprunt a révélé l’inadaptabilité du taux d’usure, calculé à un rythme trimestriel trop lent pour être suffisamment réactif à l’évolution des conditions monétaires. Même si la Banque de France (BdF) le mensualise depuis février 2023 pour une durée provisoire jusqu’en janvier 2024, la mesure a de maigres effets tardifs.
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Les règles du HCSF (Haut Conseil de Stabilité Financière) : édictées fin 2019 en pleine période de taux au plancher, les consignes, devenues normes imposées juridiquement, limitent le taux d’endettement à 35% des revenus nets (assurance emprunteur comprise) et la durée de remboursement à 25 ans, et se sont transformées un frein à l’accès au crédit immobilier. Le critère central de l’endettement excessif est le reste à vivre et non le taux d’endettement. Appliquée à l’aveugle, la norme qui dicte aux banques qui est éligible au crédit exclut aujourd’hui des ménages pourtant solvables.
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La faible correction des prix immobiliers : ils sont orientés à la baisse, phénomène logique quand les taux d’emprunt remontent significativement, mais pas suffisamment pour compenser le renchérissement du coût du crédit. Selon les projections de notaires de France, la baisse serait de -3% sur un an en novembre 2023 (-3,2% pour les maisons anciennes et -2,7% pour les appartements anciens).
Dans leur dernière note de conjoncture, les notaires chiffrent à 995 000 le nombre de transactions dans l’immobilier ancien à fin août 2023 en cumul sur les douze derniers mois, soit un repli très net de 16,6% sur un an. La contraction du marché s’est accentuée progressivement : -3% à fin juillet 2022, -6% en janvier 2023, pour passer sous les -10% depuis avril 2023. L’année 2023 devrait se terminer aux alentours de 900 000 ventes (1,1 million en 2022).
Côté production de crédits immobiliers, c’est le marasme : -44,2% en niveau annuel glissant à fin octobre 2023, et -43,5% pour le nombre de prêts accordés (chiffres Observatoire Crédit Logement/CSA). Et pourtant, le crédit immobilier en France serait le moins cher d’Europe en 2023, dixit la Banque de France qui refuse de voir dans la crise de l’immobilier et du logement autre chose qu’une normalisation.
Résultat, les ménages qui sont en capacité d’acheter mais qui ne peuvent accéder au crédit bancaire pour les raisons évoquées plus haut restent locataires, ce qui génère de vives tensions sur le marché locatif dans la plupart des grandes villes, en particulier dans les villes étudiantes où l’offre ne peut combler la demande.
Meilleur accès au crédit immobilier en 2024
Restons optimiste ! On assiste sans doute au début de la fin de la hausse des taux de crédit immobilier. Le marché 2023 s’est contracté sous l’effet de la politique monétaire de la BCE dans son objectif dogmatique de ramener l’inflation à 2% à moyen terme. Il semblerait que les taux d’intérêts directeurs aient atteint leur maximum, la BCE ayant décidé un statu quo lors de sa dernière réunion d’octobre.
L’inflation ralentit en effet, mais reste loin de sa cible. Les taux directeurs ne devraient pas baisser prochainement et demeurer à des niveaux élevés pendant plusieurs mois. On peut donc tabler sur une certaine stabilité des taux d’emprunt et on voit déjà des signes d’ouverture du côté des banques, qui deviennent plus souples fin 2023. Elles se remettent à faire leur métier, prêter pour financer des projets, le crédit étant redevenu rentable. Peu ont augmenté leurs taux en novembre, et pour les prochains mois, la référence devrait se situer autour de 4,50% maximum sur 25 ans.
Le marché immobilier s’oriente vers une baisse des prix en 2024. Bon nombre de vendeurs qui ont préféré camper sur leurs prétentions en 2023, quittes à rater la vente, sont désormais plus ouverts aux négociations, car pressés par le temps pour financer d’autres projets ou se séparer d’une passoire thermique qui ne répond plus aux normes environnementales.
On constate déjà un sursaut sur ce segment. Toujours selon les notaires, la part des logements classés F et G dans les ventes globales est passée de 11% au deuxième trimestre 2021 à 18% au deuxième trimestre 2023. Avec une décote moyenne de 15%, les passoires thermiques sont plus accessibles que les logements bien isolés, ce qui permet de compenser peu ou prou la hausse du coût du crédit. Certaines banques accordent même des remises de taux aux emprunteurs qui acquièrent et s’engagent à rénover un bien énergivore.
Politique du logement au rabais
Le marché immobilier 2024 pourrait bénéficier de conditions plus favorables pour un meilleur accès au crédit, mais la politique de l’État en matière de logement manque cruellement d’ambition. Dispositif essentiel pour les primo-accédants dont les revenus ne suffisent plus aujourd’hui à envisager un achat, le Prêt à Taux Zéro (PTZ) est prolongé jusqu’à fin 2027, mais son champ d’application est loin de satisfaire les acteurs du bâtiment.
La maison individuelle neuve ne sera plus éligible au PTZ version 2024, qui sera réservé aux logements neufs collectifs dans les zones tendues et aux logements anciens nécessitant des travaux dans le reste du territoire. Malgré l’augmentation de la quotité pour les ménages les plus modestes (50% au lieu de 40% du montant de l’opération), le clap de fin pour la maison individuelle et le durcissement des critères géographiques réduiront le nombre de PTZ à 40 000 en 2024, contre 65 000 en 2022 (127 000 en 2017).