Malgré les appels appuyés des acteurs de l’immobilier pour assouplir les règles d’octroi des crédits à l’habitat, le taux d’endettement restera plafonné à 35% en 2023. Le ministre de l’Économie Bruno Le Maire refuse catégoriquement de rehausser le taux d’effort quelques semaines après avoir convenu être inquiet que la norme puisse devenir un obstacle à l’accès au crédit de ménages pourtant parfaitement solvables. La crise du logement, future bombe à retardement ?
Taux d’endettement : 35% maximum assurance emprunteur comprise
Sur les ondes de RMC lundi dernier, le patron de Bercy Bruno Le Maire a opposé une fin de non-recevoir aux professionnels de l’immobilier désireux d’assouplir les normes d’octroi HCSF des crédits immobiliers en place depuis janvier 2021. Le taux d’endettement ne sera pas modifié et reste plafonné à 35% des revenus nets de l’emprunteur, avant impôts et assurance de prêt incluse.
Le ministre de l’Économie a indiqué ne pas vouloir « régler la crise du logement en endettant les Français de manière déraisonnable ». Cela serait, selon lui, « une mauvaise option », créant « de l’instabilité et des risques financiers ». Un mois plus tôt, le même se disait attentif aux remontées du terrain, souhaitant que « la norme ne devienne pas un obstacle à l’accès au crédit, donc à la propriété, de ménages pourtant solvables ».
Alors que les banques se disent prêtes à assouplir les critères d’octroi, l’exécutif fait preuve d’aveuglement en refusant de voir que le taux d’endettement n’a pas la même portée en fonction du niveau de ressources du ménage emprunteur.
Les autorités financières font fausse route en oubliant une notion fondamentale en matière de distribution de crédit immobilier : le reste à vivre, c’est-à-dire la somme dont dispose le ménage emprunteur pour assumer les dépenses du quotidien et vivre décemment, une fois qu’il a remboursé sa ou ses mensualités de crédit. Cet indicateur n’a pas le même sens si l’on gagne le Smic ou si l’on dispose de revenus élevés. Certains ménages peuvent dépasser les 35% d’endettement sans mettre en péril l’équilibre budgétaire, notamment les investisseurs en locatif, souvent propriétaires de leur logement, dont les revenus sont complétés par les loyers.
La voie à des dérogations
Bruno Le Maire n’a cependant pas fermé les discussions, évoquant la possibilité d’assouplir la marge de dérogation offerte aux banques. Selon la dernière décision du Haut Conseil de Stabilité Financière de septembre 2021, celles-ci peuvent s’affranchir des règles d’octroi à hauteur de 20% de leur production trimestrielle de crédits immobiliers. Au moins 80% de cette souplesse doit être réservée aux acquéreurs de leur résidence principale avec au moins 30% de cette flexibilité maximale destinée aux primo-accédants. Les 20% restants sont libres d’utilisation.
Le ministre a annoncé que « des souplesses pourraient être envisagées sur la règle des 20% de dérogations offertes aux banques ». Si jamais il y a décontraction de la norme, elle sera du côté de la marge de flexibilité, en aucun cas sur le volet du taux d’endettement ni même de la durée de remboursement qui reste limitée à 25 ans, sauf exception dans le neuf ou dans l’ancien avec travaux de rénovation d’envergure où elle peut s’étendre jusqu’à 27 ans.
Crise du logement : la bombe à retardement
La prise de paroles de Bruno Le Maire intervient le jour-même où les professionnels, dans une lettre ouverte à Emmanuel Macron, rappellent leur profond désarroi face à une crise de l’immobilier qui va ratisser large en devenant une crise du logement et une crise sociale. Les présidents des principales fédérations patronales de la construction et de l’immobilier (Fnaim, FFB, Pôle Habitat, FPI, Unis) martèlent que « l’heure n’est plus au constats, aux atermoiements ni aux hésitations », se demandant quand l’État prendra « la véritable mesure du risque de bombe économique, sociale et sociétale que représente la crise de pouvoir habiter à laquelle font face nos concitoyens ».
La production de crédits immobiliers a chuté de 40% en avril 2023, mais ce n’est qu’un des chiffres choc de la crise de l’immobilier 2023. Les acteurs du monde du logement ne cachent pas leur impatience face à une situation qui se dégrade au fil des mois. Jamais le nombre de ménages en attente d’un logement social n’a été aussi élevé (près de 2,5 millions).
Mardi 9 mai dernier, le Comité National de Refondation pour le logement était censé présenter ses conclusions mais la restitution a été reportée au 5 juin prochain. L’exaspération est montée d’un cran quand Emmanuel Macron, dans une interview au journal Le Monde du 10 mai, a appelé à une nouvelle conférence des parties pour répondre à la crise du logement, critiquant au passage « un système de sur-dépenses publiques pour de l’inefficacité collective ».
L’urgence est là. Le gouvernement a-t-il oublié que l’immobilier est une manne pour les comptes publics, rapportant chaque année quelque 80 milliards d’euros de recettes fiscales, dont environ 17% issus des frais de mutation ou frais de notaires ? Ne faudrait-il pas laisser les banques reprendre leur métier et financer les projets immobiliers des ménages qui ont la capacité de rembourser, comme elles l’ont toujours fait avant l’entrée en application des normes d’octroi, en tenant compte notamment du reste à vivre ? Rappelons que le défaut de paiement des crédits immobiliers est minime en France, et que les dossiers de surendettement sont principalement constitués de dettes à la consommation.