Quand obtenir son crédit immobilier devient mission impossible, certains passent à la solution radicale : acheter comptant ! L’envolée des taux d’emprunt, couplée à la frilosité des banques et aux strictes règles d’octroi, resserre davantage chaque mois l’accès au prêt bancaire de ceux qui veulent acheter leur logement. Payer cash permet aussi de mieux négocier le prix : heureux d’être débarrassés de la problématique du crédit, les vendeurs n'hésitent pas à faire de belles ristournes. Qui sont ces heureux acheteurs ?
Crédits immobiliers en chute libre
De 1% en moyenne fin 2021, le taux de crédit immobilier sur 20 ans s’affiche désormais autour de 4% (hors assurance emprunteur et frais de garantie). Résultat, en l’espace de dix-huit, les ménages ont perdu plus de 20% de pouvoir d’achat immobilier sans que les salaires n’augmentent ni que les prix des logements ne soient corrigés à la baisse dans les mêmes proportions.
On assiste à un retournement du marché immobilier qui exclut d’abord les primo-accédants, freinés par le manque d’apport personnel et d’épargne de précaution. Les banques ont en effet renforcé leurs exigences : la mise de fonds initiale atteint au bas mot 20% du montant d’une opération immobilière, et l’épargne de précaution, nouveau critère pour emprunter en 2023, doit représenter au moins six mensualités du crédit.
Ceux qui souhaitent acheter plus grand et qui n’ont pas terminé de rembourser leur crédit ne peuvent pas compter sur la portabilité de prêt, une option pourtant prônée par la Fédération nationale de l’immobilier (Fnaim) qui permet de transférer les mêmes conditions financières au nouveau prêt. Quelqu’un qui s’endette à 1% depuis plusieurs années pourrait ainsi acquérir son nouveau logement à crédit au même taux préférentiel. Veto des banques qui refusent de perdre leurs marges en période de taux en progression constante et de contraintes monétaires durcies.
L’accès au crédit immobilier est par ailleurs strictement encadré par les règles du HCSF (Haut Conseil de Stabilité Financière) depuis deux ans et demi. Les banques doivent respecter deux limites qui leur sont imposées juridiquement :
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Le taux d’endettement ou taux d’effort est plafonné à 35% des revenus nets avant impôt, assurance de prêt immobilier incluse.
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La durée de remboursement ne peut excéder 25 ans, sauf exception (jusqu’à 27 ans dans le neuf – VEFA – ou dans l’ancien avec travaux de rénovation d’envergure dont le montant équivaut au moins à 25% du montant de l’opération).
Et pour enfoncer le clou, la France dispose d’une réglementation sur l’usure qui révèle son dysfonctionnement depuis que les taux s’envolent. La mensualisation du taux d’usure n’a pas l’objectif escompté ; elle permet tout juste de retarder quelque peu l’effet ciseau qui prend tôt ou tard en tenailles les candidats qui écopent des taux nominaux les moins performants.
Résultat, la production de crédits immobiliers plonge de près de 50% sur un an, les ventes chutent également mais dans une moindre mesure : entre 15% et 20%. Pourquoi un tel écart ? Une part de l’achat immobilier se fait aussi au comptant, sans recours au crédit bancaire.
Qui paie cash un bien immobilier en 2023 ?
Loïc Cantin, le président de la Fnaim, estime qu’entre 20% et 30% des acquéreurs paient cash leur logement, une proportion bien supérieure au pourcentage habituel qui se situe autour de 10%. Cela serait le signe de la dégradation du marché, caractérisée par la problématique de l’accès au crédit bancaire : le marché immobilier français s’oriente vers un marché d’exception où seuls les mieux lotis peuvent acheter.
Qui sont ces ménages en capacité d’acheter de l’immobilier sans recourir au crédit ? Principalement, des CSP+, des chefs d’entreprise ou des personnes ayant revendu un premier bien immobilier et disposant d’une épargne confortable. Pour la plupart, il s’agit de seniors sans enfant à charge qui disposent du montant de la revente de leur résidence principale leur permettant d’acquérir cash un bien plus petit et moins cher. Les riches acheteurs étrangers sont aussi revenus en force en Île-de-France où ils représentent désormais 11% des transactions. De manière plus marginale, certains primo-accédants ont pu booster leur apport personnel grâce à la famille.
Acheter comptant et vendre content
Payer cash permet d’éviter les affres du crédit et parmi eux, la souscription à l’assurance de prêt immobilier qui constitue un réel obstacle pour les emprunteurs seniors. L’âge est un paramètre central en matière de tarification d’assurance et se révèle un frein au-delà de 50 ans quand on souhaite emprunter, compte tenu de risques de santé statistiquement plus élevés.
Payer cash a aussi un autre avantage : être en position de force pour négocier le prix du bien. Le vendeur préfère signer le compromis avec un acheteur qui paiera comptant à un prix moins élevé plutôt qu’avec un autre au prix demandé mais qui n’est pas sûr d’obtenir son crédit.
On voit d’ailleurs apparaître un phénomène qui tend à se généraliser : l’attestation de financement exigée par les vendeurs en cette fin 2023. Pour éviter en vain de signer compromis sur compromis et remettre leur bien en vente à plusieurs reprises, de plus en plus de vendeurs demandent à l’acheteur potentiel de présenter ce document émis par une banque ou un courtier en crédit immobilier qui atteste de ses capacités d’emprunt.