Le renchérissement du crédit immobilier ralentit le marché, un phénomène qui pourrait s’aggraver car la Banque Centrale Européenne n’exclut pas une nouvelle hausse de ses taux directeurs avant la fin de l’année. L’accès à propriété se resserre irrémédiablement, mais les vendeurs ont du mal à intégrer le fait que cette crise profonde nécessite de réviser ses prétentions pour lever certains blocages.
Ralentissement du marché immobilier
De Calais à Perpignan, de Brest à Nice, la tendance est la même : le marché immobilier tourne au ralenti, un constat vécu au plus près par les agences immobilières dont certaines ont déjà mis la clef sous la porte. Entre mai 2022 et avril 2023, près de 530 agences ont cessé leur activité ou ont été placées en redressement judiciaire, sur les quelque 43 000 unités que compte l’hexagone. Jamais depuis septembre 2016, on n’avait observé un tel niveau de défaillance.
Après l’euphorie à la sortie de la pandémie, le marché immobilier est en phase de retournement en 2023, entraînant dans sa chute agences immobilières, promoteurs, entreprises de construction, artisans et courtiers en crédit, les tout premiers acteurs de cette chaîne. Chez les courtiers, les défaillances ont bondi de près de 78% en un an à fin avril 2023, soit 142 sociétés de courtage qui ont baissé le rideau.
Dans un premier temps victimes du taux d’usure qui ne parvenait pas à s’adapter au contexte monétaire, les courtiers font aujourd’hui face à l’envolée du coût du crédit, mais également aux banques qui mettent tout en œuvre pour passer en direct afin de préserver leurs marges, sans aucune vergogne de rompre leur partenariat avec les intermédiaires, pourtant acteurs majeurs du crédit immobilier.
Accès au crédit immobilier : réservé aux profils premium
Depuis dix-huit mois, les taux d’intérêts n’ont cessé de grignoter des points de manière constante et régulière, en lien avec la dérive inflationniste. Le taux moyen sur 20 ans est ainsi passé de 1,20% en janvier 2022 (hors assurance de prêt immobilier et frais de garantie) à près de 3,90% en juillet 2023. Les valeurs ont plus que triplé, elles restent néanmoins propices à l’achat immobilier. On oublie que les taux historiquement bas entre fin 2016 et début 2022 constituaient une anomalie, ils ont toutefois dynamisé le marché comme jamais avec plus de 1 million de transactions enregistrées dans l’ancien sur les trois dernières années.
Il n’empêche, la capacité d’emprunt des ménages en prend un sérieux coup. Elle se contracte de près de 30% depuis début 2022. Pour obtenir son crédit, il faut afficher les meilleurs atouts :
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Stabilité professionnelle
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Revenus élevés
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Situation financière sans faille
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Apport personnel conséquent
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Épargne de précaution post-crédit suffisante
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Projet immobilier sain (vade retro les passoires thermiques !)
Les conditions pourraient encore se dégrader dans les prochaines semaines. Fin juin, la Banque Centrale Européenne a procédé à la neuvième hausse consécutive de ses taux directeurs depuis juillet 2022. Le taux de refinancement est passé de 0% à 4%, obligeant les banques de détail à ajuster leurs barèmes en conséquence. La BCE pourrait relever les taux ou opter pour le statu quo en septembre, tout en excluant la possibilité d’une baisse. Une stabilité de la situation monétaire serait le signal que la politique de resserrement du crédit a enfin un impact sur l’inflation, l’objectif étant de la ramener au plus près des 2%.
Vendeurs versus acheteurs
Les notaires prévoient environ 950 000 ventes en 2023, soit un repli assez net de 14%, ainsi qu’une baisse globale des prix. La hausse des taux d’intérêts, qui n’est pas terminée, commence tout juste à produire ses effets sur le marché. La baisse des prix oscille entre -1% et -2% entre les premiers semestres 2022 et 2023. Selon les réseaux d’agences immobilières, il faudrait que les prix s’érodent au moins de 10% pour relancer le marché, certains allant même jusqu’à 25%, soit presque l’équivalent de la baisse du pouvoir d’achat des acquéreurs.
Les vendeurs, ceux qui ne sont pas pressés de céder leur bien, tardent à diminuer leurs prétentions, refusant de rogner sur la plus-value éventuelle. Offre et demande ne se rencontrent plus, dans un contexte de pénurie de logements dans certaines zones. Résultat, les délais s’allongent, s’approchant des 3 mois, et le nombre de compromis a reculé de 21% partout en France entre janvier et mai 2023, avec des pics à 32% à Paris et à Lille.
Selon les notaires, c’est un marché de renouvellement qui domine, tenu essentiellement par des acheteurs potentiels qui doivent d’abord revendre un bien, ce qui les rend plus exigeants dans leur choix et tenaces sur les prix. À la question « faut-il vendre ou acheter en 2023 ? », l’immense majorité des notaires opte pour la vente dans un marché inévitablement orienté à la baisse depuis plus d’un an.