La hausse des taux d’intérêts s’est poursuivie en décembre, ce qui provoque davantage de refus de prêt à cause de l’effet ciseau dû à la stagnation de l’usure. La situation est inédite, elle est surtout inquiétante pour toute une filière, du candidat à l’emprunt au courtier, en passant par les banques et le secteur du bâtiment. 2023 est vivement attendue, sous réserve qu’un changement de paradigme se réalise.
Crédit immobilier : deux fois plus cher en un an
La hausse des taux débiteurs est le sujet qui n’en finit pas d’agiter l’écosystème du crédit immobilier. En un an, les taux moyens sont passés de 1% à près de 2,50% (hors assurance emprunteur et coût des sûretés). Les valeurs ont plus que doublé et la situation ne devrait guère s’améliorer, puisque les courtiers en crédit pronostiquent des taux à plus de 3% pour bientôt.
Avec une mensualité de 1 000€ sur 20 ans (hors assurance emprunteur, garantie et frais de dossier), voici l’incidence de la remontée des taux sur la capacité d’emprunt :
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Décembre 2021 |
Décembre 2022 |
Avril 2023 |
Taux débiteur |
1% |
2,50% |
3,50% |
Montant empruntable |
217 441€ |
188 713€ |
172 425€ |
Les taux sont au plus haut depuis 7 ans et depuis le début des années 2000, jamais la progression n’a été aussi brutale que celle observée en 2022. Cette évolution est bien évidemment préjudiciable aux projets immobiliers. Le renchérissement du loyer de l’argent empêche les ménages plus modestes, d’autres réduisent leurs prétentions d’achat, mais beaucoup se retrouvent exclus par le taux d’usure, la vraie problématique de l’année 2022 comparativement au niveau des taux d’intérêts qui n'est pas, objectivement, de nature à freiner le marché.
Double sanction pour les emprunteurs
Pour rester dans les clous de l’endettement, les ménages sont obligés de diminuer le montant qu’ils souhaitent emprunter. La réglementation impose de ne pas dépasser un taux d’endettement de 35% des revenus nets, assurance emprunteur incluse, et ce, sans discernement de la notion de reste à vivre. La remontée des taux tire la capacité d’endettement vers le bas, mais le seuil des 35% n’est pas le seul critère qui ouvre l’accès au crédit.
Le TAEG (Taux Annuel Effectif Global), qui est le réel indicateur du coût final d’un prêt immobilier, ne doit pas outrepasser le taux d’usure sur la durée concernée. Pour le quatrième et dernier trimestre 2022, le taux maximum légal est fixé par la Banque de France à 3,05% pour les prêts de 20 ans et plus, et à 3,03% pour les maturités plus courtes.
Les banques sont elles aussi contraintes par l’usure qui les bloque dans leurs désirs d’ajuster leurs barèmes en conséquence de l’évolution monétaire. Les taux d’emprunt seraient alors plus élevés qu’ils ne le sont actuellement si l’usure suivait la progression naturelle des taux d’intérêt. Résultat, les banques ferment le robinet du crédit en attendant de pouvoir distribuer des financements à des conditions qui leur permettent de dégager une marge.
Aujourd’hui, une vente sur dix échoue à cause d’un refus de prêt et pour la plupart des recalés, le taux d’usure en est la raison.
Réformer l’usure en urgence
Malheureusement, les changements pour 2023 en immobilier n’incluent pas une quelconque réforme de l’usure. La Banque de France va continuer à calculer les taux d’usure à un rythme trimestriel malgré les appels incessants des courtiers, des banques et plus récemment des notaires à réviser un système dysfonctionnel qui, au lieu de protéger les emprunteurs de pratiques bancaires abusives, les privent de l’accession à la propriété indépendamment de tout critère de solvabilité.
Les nouveaux taux d’usure seront mis en place à partir du 1er janvier 2023. Dans l’hypothèse la plus favorable, le taux d’usure pour les prêts de 20 ans et plus devrait être légèrement au-dessus de 3,50%, une revalorisation qui pourrait entrouvrir l’accès au crédit quelque temps, avant une nouvelle remontée des taux d’intérêt.