La course en avant des taux d’intérêt des crédits immobiliers se poursuit. Pour la première fois depuis début 2016, les taux débiteurs octroyés en octobre sont repassés au-dessus des 2% selon les dernières données de L’Observatoire Crédit Logement/CSA. Ils ont doublé en un an, signe d’un contexte monétaire perturbé. À cette hausse très nette qui va s'intensifier, s’ajoute le problème de l’usure, ces deux facteurs combinés engendrant une chute de la production des crédits.
Taux moyen supérieur à 2%
En octobre 2022, le taux moyen toutes durées confondues s’est établi à 2,05%, contre 1,88% le mois précédent (hors assurance emprunteur et coût des sûretés). La hausse est marquée, comparable à celle observée en juillet dernier. Ce taux est supérieur à celui constaté au premier trimestre 2016 (2,01%), période où s’est enclenchée la lente décrue des taux d’intérêts.
Voici le détail des taux par durée, en comparaison des valeurs observées depuis octobre 2020 :
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Taux sur 15 ans |
Taux sur 20 ans |
Taux sur 25 ans |
Taux moyen |
Octobre 2020 |
1,02% |
1,16% |
1,42% |
1,21% |
Décembre 2020 |
0,97% |
1,10% |
1,35% |
1,17% |
Octobre 2021 |
0,84% |
0,98% |
1,14% |
1,04% |
Décembre 2021 |
0,86% |
0,99% |
1,13% |
1,06% |
Octobre 2022 |
1,92% |
2,06% |
2,17% |
2,05% |
source Observatoire Crédit Logement/CSA
La progression des taux d’août et de septembre 2022 avait été bridée par la faible revalorisation des taux d’usure pour le troisième trimestre. La hausse du taux d’usure au 1er octobre a incité les banques à grignoter davantage de points et rehausser leurs barèmes, sans pour autant le faire en conséquence de l’évolution monétaire, toujours en raison du frein opéré par l’usure.
Le crédit immobilier n’est plus rentable
La profitabilité des nouveaux crédits, c’est-à-dire la marge que peuvent dégager les banques en prêtant aux particuliers, s’est rapidement détériorée depuis juillet 2022, suite à la décision de la Banque Centrale Européenne de relever ses taux directeurs pour tenter de juguler une inflation en roue libre. Le taux de refinancement, qui est le loyer de l’argent des banques commerciales auprès de l’institution européenne, est passé de 0% (jusqu’à juillet 2022) à 2% depuis le 27 octobre dernier.
On constate dans le tableau ci-dessus que le taux moyen sur 20 ans a plus que doublé depuis décembre 2021. Cette montée sans précédent oblige les emprunteurs à s’endetter sur des durées plus longues. En octobre 2022, la durée moyenne des prêts immobiliers était de 244 mois, contre 211 mois au premier trimestre 2016, à l’époque où les taux étaient de même niveau.
Selon les barèmes bancaires reçus par les courtiers, les taux de novembre 2022 sont proches de l’usure, oscillant entre 2,20% et 2,35% sur 20 ans, et entre 2,35% et 2,50% sur 25 ans. Sur ces maturités les plus courantes, le taux d’usure est fixé à 3,05% pour le dernier trimestre 2022. On pourrait avoir bientôt des taux à plus de 3%, la politique monétaire de la Banque Centrale Européenne devenant de moins en moins accommodante tant que l’inflation n’est pas revenue à un niveau conforme à la règle commune (2%). Il faut remonter en 2013 pour retrouver des coûts de refinancement similaires. À l’époque, les taux débiteurs des crédits immobiliers étaient autour de 3,50% et le taux d’usure supérieur à 5%.
Alors que le crédit immobilier aux particuliers est le produit d’appel des banques, aujourd’hui, il n’est plus rentable, ce qui incite certains établissements à fermer les vannes dans l’attente d’une réglementation des taux légaux maximum plus en phase avec le terrain.
L’usure bloque le marché immobilier
La hausse des taux d’emprunt ne serait pas problématique si elle ne mettait pas en lumière l’inadéquation des taux d’usure. En vertu d’une méthodologie de calcul incapable de prendre en compte une remontée brutale des taux d’intérêt, l’usure est sous le feu des critiques de la part des courtiers, également de celle des banques qui ont récemment émis l’idée pour accélérer la hausse de l’usure en 2023 de baser le calcul sur les offres de prêts et non sur les crédits réellement accordés.
Va-t-on vers une réforme des taux d’usure en 2023 ? Il serait légitime d’y croire, suite à la récente déclaration sur BFM Business du ministre du Logement Olivier Klein, qui s’est dit favorable à un calcul de l’usure sur une base plus courte.
Pour rappel, le ministre de l’Économie, sur proposition motivée de la Banque de France, dispose de moyens légaux pour mettre en place des mesures transitoires en matière d’usure en cas de variation exceptionnelle du coût des ressources des banques, et ce, sur une période pouvant aller jusqu’à huit mois consécutifs (article L.313-5 du code monétaire et financier et article L.314-8 du code de la consommation).
Obtenir son prêt immobilier en 2023 va relever d’un pari insurmontable si les autorités financières n’engagent pas une réforme de l’usure rapidement. Sur un an, la production de crédits immobiliers s’est contractée de 10,7% en termes de montant et de 12,9% en nombre de prêts.