Révélée par le magazine Capital, l’information témoigne du malaise qui s’est emparé du marché immobilier ces derniers mois : près d’un compromis de vente sur dix est voué à l’échec car l’acheteur n’a pu obtenir son crédit bancaire. Le site d’annonces immobilières PAP observe l’amplification de ce phénomène en cette fin 2022, qui a pour cause principale le problème de l’usure.
Échec de la vente immobilière
Leader de l’annonce immobilière, le site PAP.fr s’est rendu compte d’un fait étrange qui s’est intensifié au fil des mois : des annonces de bien à vendre sont publiées, retirées puis à nouveau publiées quelques semaines après. Le phénomène des biens intermittents n’est pas nouveau mais en 2022 il prend de l’ampleur.
En novembre, près de 10% des annonces de vente publiées sur la plateforme étaient concernés par ce mouvement aller-retour, contre 2% il y a un an, le taux habituel ces dix dernières années.
Pour comprendre ce phénomène, revenons sur les étapes d’une vente immobilière :
- la publication de l’annonce
- les visites
- l’offre d’achat
- la signature du compromis de vente
- l’acte définitif chez le notaire.
Quand l’acheteur potentiel signe le compromis de vente, il bénéficie d’un délai de rétractation de 10 jours durant lequel il peut renoncer sans justification et sans avoir à payer d’indemnité au vendeur, tout en récupérant ses 10% correspondant au dépôt de garantie.
L’achat immobilier se faisant à crédit dans l’immense majorité des cas, le compromis de vente contient une clause suspensive de crédit : si l’acheteur n’obtient pas le financement bancaire, la vente est annulée sur présentation d’une attestation de refus de prêt. Le dépôt de garantie lui est restitué si le refus intervient dans le délai mentionné dans l’avant-contrat, soit 21 jours ; au-delà de la date butoir, le vendeur est en droit de conserver les 10%. La mention liée à l’obtention du prêt immobilier est la seule clause suspensive obligatoire dans un compromis de vente, toutes les autres étant facultatives.
Quand le compromis de vente est signé, le vendeur retire logiquement l’annonce du site. En cas d’échec de la transaction, il remet son bien sur le marché et republie l’annonce. Le compromis de vente peut contenir d’autres clauses suspensives, la plus courante étant celle selon laquelle l’acheteur ne pourra s’engager que s’il réussit au préalable à vendre son propre bien.
Taux d’usure : cause majeure des refus de prêt immobilier
Le site PAP observe ainsi depuis un an une recrudescence des annonces qui font le va-et-vient et en enquêtant auprès des vendeurs et des acheteurs, il s’est aperçu que près de 10% des acheteurs se sont rétractés suite à un refus de prêt, soit le même pourcentage que les annonces intermittentes.
En creusant plus encore les recherches, le site révèle que tous les profils d’emprunteurs sont touchés par un refus de prêt, mais dans des proportions diverses :
- 51% de salariés du privé en CDI
- 21% de salariés privé en CDD
- 15% de salariés du public
- 8% de retraités.
Et pour la majorité d’entre eux (61%), le taux d’usure est incriminé. Voici donc une nouvelle fois mise en exergue la problématique de l’usure, à la source du blocage du marché immobilier.
Cela fait des mois que les courtiers alertent les pouvoirs publics sur l’inadéquation des taux d’usure à la réalité du terrain, soutenus plus tardivement par les banques qui ne prêtent plus ou presque, et plus récemment par les notaires eux-mêmes, qui dénoncent « un goulet d’étranglement » sur le crédit immobilier en sous-régime.
D’autres explications entraînant la rétractation de l’acquéreur sont avancées :
- le taux d’endettement trop élevé (30,5%)
- la situation personnelle de l’emprunteur (21,7%)
- le Diagnostic de Performance Énergétique, qui compte aussi pour obtenir son prêt (3,3%).
2022 restera une année hors normes au regard de l’évolution radicale des conditions d’emprunt. La remontée brutale des taux d’intérêts a mis en lumière l’obsolescence et le dysfonctionnement d’un dispositif réglementaire censé protéger les ménages contre des pratiques bancaires abusives. Calculés sur une base trimestrielle, en net décalage avec les taux du marché qui évoluent à vitesse grand V, les taux d’usure ne sont plus des régulateurs du crédit immobilier mais des freins à l’accession à la propriété. Bientôt une réforme de l’usure ? Tous la réclament, sauf la Banque de France qui campe sur ses positions et pense que le marché va se normaliser au fil de la progression des taux d’intérêts.
D’aucuns se demandent, à raison, s’il faut attendre 2023 pour emprunter. Aujourd’hui comme demain, le seul levier efficace pour maintenir son TAEG sous l’usure est de déléguer l’assurance emprunteur. Le premier des avantages de la délégation d’assurance de prêt en 2022 n’est pas tant de faire des économies que d’obtenir son crédit immobilier, un constat qui vaudra aussi pour 2023.