Les vacances sont terminées et l'été n'a permis aucune amélioration sur le front du crédit immobilier. Au contraire, la situation s'est détériorée, pénalisant davantage de candidats à l'emprunt. En cause, toujours et encore, les taux d'usure, ces taux maximum autorisés qui restent en place jusqu'à fin septembre avant leur prochain ajustement. Les refus explosent et les courtiers continuent leur pression sur les autorités financières pour que soit engagée de manière urgente une réforme de cette règle légale.
Taux d'usure : le blocage perdure
Le sujet agite la sphère immobilière depuis plus de six mois. Les taux d'usure empêchent les ménages d'emprunter, car ils ne reflètent pas la réalité du marché. Alors qu'ils ont été relevés de 15 à 20 points de base au 1er juillet dernier, ces augmentations se révèlent bien insuffisantes pour permettre l'accès au crédit immobilier.
Crédits immobiliers | Taux d'usure T2 2022 | TAEG pratiqués au T2 2022 | Taux d'usure applicables au T3 2022 |
Prêts à taux fixe d'une durée inférieure à 10 ans | 2,51% | 1,95% | 2,60% |
Prêts à taux fixe d'une durée comprise entre 10 ans et moins de 20 ans | 2,43% | 1,95% | 2,60% |
Prêts à taux fixe d'une durée de 20 ans et plus | 2,40% | 1,93% | 2,57% |
Prêts à taux variable | 2,32% | 1,84% | 2,45% |
Prêts relais | 2,87% | 2,24% | 2,99% |
Calculés chaque fin de trimestre par la Banque de France sur la base des TAEG moyens des crédits accordés par les établissements financiers, et augmentés d'un tiers, les taux d'usure correspondent au taux maximal qu'une banque peut appliquer lors de l'octroi d'un prêt immobilier, après prise en compte de tous les frais annexes dont la garantie (hypothèque ou caution bancaire) et l'assurance emprunteur. En place pour trois mois, ils n'évoluent pas une fois fixés, contrairement aux taux d'intérêt en perpétuelle fluctuation.
L'usure ne tient pas compte des données réelles du marché et sa mise à jour trimestrielle affiche un temps de retard par rapport aux taux d'emprunt qui progressent très vite, notamment depuis l'évolution très nette du contexte monétaire consécutive au déclenchement de la guerre en Ukraine. Aujourd'hui il devient difficile d'obtenir une offre de prêt sous la barre des 2%, alors qu'on pouvait s'endetter en-dessous de 1% fin 2021. Dans l'intervalle, le taux d'usure n'a pas bénéficié de la même expansion : à 2,57% actuellement, le taux d'usure pour les prêts d'une durée de 20 ans et plus titrait 2,41% au quatrième trimestre 2021.
La marge pour intégrer tous les frais relatifs à l'octroi du crédit s'est réduite comme peau de chagrin et les premières victimes sont les primo-accédants, généralement des jeunes actifs avec des moyens limités et un apport personnel quasi inexistant, et les séniors qui paient le prix fort leur assurance emprunteur en raison des risques accrus de santé.
Près de 50% de dossiers refusés
"On va vers une génération de non-propriétaires", tels sont les termes alarmants d'Henry Buzy-Cazeau, président de l'Institut du management des services immobiliers (Imsi). Rendu difficilement abordable dans certaines zones, en particulier autour des grandes agglomérations où les prix ont continué leur progression entamée avec la crise sanitaire, l'immobilier devient un rêve inaccessible pour une majorité de primo-accédants. Au-delà de la remontée des taux de crédit immobilier, ils doivent faire face à ce renchérissement des biens, ce qui réduit automatiquement le nombre de ménages en capacité d'emprunter.
Ce n'est pas tout ! Les dossiers solvables sont désormais empêchés par la règle légale du taux d'usure. Ce garde-fou, censé protéger l'emprunteur d'une éventuelle pratique abusive de la banque, est devenu un facteur de blocage du marché, et ce, depuis le début de l'année.
Selon les courtiers, près d'un dossier sur deux est actuellement recalé, le segment de la primo-accession cristallisant tout particulièrement l'inquiétude des professionnels. Les ménages qui souhaitent acquérir un logement pour la première fois représentent d'habitude 60% des ventes dans l'immobilier ancien. Avec ce fatal alignement des planètes (hausse des prix immobiliers, remontée des taux d'intérêt et taux d'usure stagnants), les primo-accédants ne vont plus totaliser que 40% des acquisitions.
La colère des courtiers ne désenfle pas, mais ne suscite aucune velléité de réforme de la part des autorités financières. Olivier Lendrevie, président de Cafpi, juge que "la situation actuelle est absurde" et estime que cette "réglementation mal paramétrée" empêche de saisir les dernières opportunités, alors qu'emprunter à moins de 2% devient une rareté.
En attendant les prochains taux d'usure au 1er octobre 2022, le seul levier efficace pour réduire le TAEG et passer sous le taux d'usure est la délégation d’assurance prêt immobilier. Les contrats alternatifs sont jusqu'à trois fois moins chers que les assurances groupe bancaires.