De nombreux emprunteurs sont ou vont être confrontés à des difficultés de remboursement de leur crédit immobilier en raison d'une baisse de leurs revenus. Pour ne pas être doublement pénalisés financièrement, les experts leur conseillent de négocier une modulation des mensualités plutôt que d'opter pour un report.
Le report des mensualités est trop coûteux
Actuellement plus de 2,2 millions de salariés sont au chômage partiel ou technique. Les principaux secteurs concernés sont l'industrie, le tourisme, la restauration, l'hébergement, la construction et le commerce non alimentaire. Le gouvernement a voulu faciliter le chômage partiel afin d'éviter les licenciements et de permettre aux entreprises de redémarrer rapidement avec toutes leurs compétences une fois le pays sorti de cette crise sanitaire. Pour des centaines de milliers de personnes qui détiennent un prêt à l'habitat, se pose la question du remboursement de la dette auprès du prêteur. La baisse de leurs revenus augmente leur taux d'endettement et met en péril l'équilibre de leur budget. La plupart des enseignes bancaires proposent à leurs clients en difficultés le report des échéances afin de palier dans l'immédiat à cette chute du pouvoir d'achat. La banque qui autorise cette facilité ne fait pas un cadeau, car le report est une opération coûteuse pour l'emprunteur. Notre rédaction l'a évoqué dans des articles précédents : le report des mensualités, qui peut s'étaler d’un à douze mois, va très nettement renchérir le coût du crédit. La version "partielle" qui implique une suspension du capital, les intérêts étant toujours dus, est moins pénalisante pour l'emprunteur que la version "totale" qui prévoit un report et des intérêts et du capital. Dans les deux cas, l'assurance reste due. Le problème est que les banques, dans leur écrasante majorité, pratiquent le report total : l'intégralité des mensualités est reportée en fin de prêt.
Le temps du report total, les intérêts qui ne sont pas payés s'ajoutent au capital restant dû, et augmente ainsi mathématiquement le montant de l'amortissement et par capillarité, celui des intérêts. Comme le résume un courtier en crédit, les intérêts génèrent des intérêts. Un report de 6 mois peut allonger l'emprunt de 8 mois pour compenser les intérêts non remboursés dans l'intervalle. L'opération se révèle plus chère en début de remboursement du prêt, quand les mensualités sont principalement constituées des intérêts.
Il faut aussi rappeler que le report est accordé après le premier ou le deuxième anniversaire du prêt ; les tout nouveaux emprunteurs n'y ont pas accès, sauf arrangement avec leur banque. Étant donné le contexte exceptionnel, on peut supposer qu’un prêteur fera montre de souplesse pour éviter un défaut de paiement qui engendrera moultes complications administratives. Autre précision, le report doit être distingué du différé de remboursement qui intervient uniquement au début du prêt, une opération généralement mise en place dans le cadre d'un financement d'un bien neuf, d'une construction ou de l'achat d'un logement en VEFA.
La modulation des mensualités
Alternative moins onéreuse pour l'emprunteur, la modulation des échéances est une solution prévue dans la plupart des contrats de prêt.
Elle consiste à réduire ou augmenter les mensualités entre 10% et 30% sur une période de 12 à 24 mois, permettant ainsi d'anticiper un éventuel coup dur ou au contraire, réduire le coût du crédit en cas de rentrée d'argent. Les crédits modulables étant devenus la norme depuis plusieurs années, les emprunteurs confrontés à une période financièrement délicate peuvent activer cette option pour obtenir immédiatement un gain de pouvoir d'achat, ou plutôt un abaissement de leur taux d'endettement mécaniquement surélevé en raison de la chute de leurs revenus. La modulation obéit à certaines contraintes. Vérifiez la clause de votre contrat de prêt. Généralement l'opération est possible à la date d'anniversaire de votre crédit et une fois par an.
Comme le report, la modulation des mensualités va augmenter la durée initiale du crédit et engendrer un surcoût dû aux intérêts et aux primes d'assurance additionnels. En fonction de la durée restante, l’une ou l’autre opération est plus ou moins intéressante pour l’emprunteur. Quel que soit la formule envisagée, la banque facturera de plus des frais d’avenant au contrat.
Exemple :
Un emprunteur a contracté en avril 2017 un prêt immobilier de 200 000€ au taux fixe de 2%, assorti d'une assurance au taux de 0,36%. Le coût total de son prêt est de 57 224€ dont 14 400€ d'assurance (60€ par mois).
- Report des mensualités
La banque l’autorise à reporter ses échéances de 6 mois à compter du 1er mai 2020. Durant 6 mois, il paiera uniquement ses primes d'assurance soit un total de 360€. Selon les simulations, le crédit est allongé de 9 mois et génèrera un surcoût de 3 530€ (dont 540€ d'assurance).
- Modulation des mensualités
Son contrat de prêt lui permet de moduler ses échéances. En rallongeant la durée de remboursement de 9 mois, pour faire un parallèle avec le report, la mensualité passe de 1 012€ (hors assurance) à 976€ (hors assurance).
Coût total du crédit avec modulation (nouvelle durée restante 212 mois) : 59 220€ dont 14 940€ d’assurance
En revanche, si le prêt est modulé sur la durée maximum autorisée, c’est-à-dire en allongeant le remboursement de 24 mois, la mensualité passe de 1 012€ (hors assurance) à 922€ (hors assurance).
Coût total du crédit avec modulation (nouvelle durée restante 227 mois) : 62 561€ dont 15 840€ d’assurance
On voit bien dans cet exemple que le coût de l’opération est d’autant plus élevé que la durée de remboursement s’allonge. En diminuant la mensualité de 54€ (976 – 922), la durée augmente de 15 mois, assortie d’un surcoût de 2 441€ (+900€ d’assurance). Dans le cas présent, la solution du report qui consiste à allonger la durée initiale de 9 mois sera moins onéreuse que la modulation avec un allongement de 24 mois.
On peut remarquer qu’une renégociation du taux d’intérêts serait nettement plus profitable à l’emprunteur. La banque accepte de réviser le taux et de l’abaisser de 2% à 1,15%. Notre emprunteur en profite pour changer de contrat d’assurance. La formule déléguée est au taux de 0,18%.
Capital restant dû : 174 130€
Mensualité : 944,33€ (+ 30€ assurance)
Coût du prêt sur la durée restante (203 mois) : 23 659€ (dont 6 090€ d’assurance).