En cette période douloureuse et inédite, la question lancinante des crédits immobiliers se pose. Nous avons appris en début de semaine que les banques françaises ont donné leur accord de principe pour autoriser les reports de remboursement des mensualités d'emprunt.
Réclamée par les courtiers, la mesure est sans aucun doute un soulagement pour les milliers d'emprunteurs dont les revenus vont diminuer en raison du chômage partiel ou de l'absence de rentrée d'argent.
En attendant que le dispositif soit détaillé, il est important de rappeler que les primes d'assurance emprunteur doivent être payées à la banque coûte que coûte pendant la durée du report.
Report de 6 mois des échéances de prêt
Les établissements bancaires français seraient prêts à accorder un report de paiement des mensualités de crédit à leurs clients. Comme en Italie où la mesure a été mise en place le 11 mars pour une durée de 18 mois pour tous les prêts immobiliers contractés jusqu'au 31 janvier, la France va prochainement mettre à l'arrêt les remboursements d'emprunt pour une durée de 6 mois.
À l'heure où s'écrivent ces lignes, nous ne savons pas si le dispositif s'appliquera à tous les emprunteurs ou seulement à ceux victimes de réelles difficultés financières.
Les courtiers, qui ont réclamé aux banques "de la clémence pour la période de crise du coronavirus et pendant le rebond qui suivra", souhaitent que toutes les personnes détentrices d’un crédit immobilier puissent en profiter sur simple demande.
Actuellement, un tiers des Français remboursent un prêt à l'habitat. La chute des revenus, consécutive à la mise en chômage partiel ou technique de dizaines de milliers de salariés et à l'absence de chiffre d'affaires pour un grand nombre de travailleurs indépendants, impose la solidarité bancaire, chacun pouvant être fragilisé financièrement par cette crise sanitaire sans précédent, due au Covid-19.
Que devient l'assurance de prêt en cas de report des mensualités ?
La plupart des contrats de prêt contiennent une clause autorisant le report des mensualités, le plus souvent sur 2 ou 3 mois, plus rarement jusqu'à 12 mois. La durée dépend de la négociation que vous avez pu engager avec votre conseiller bancaire au moment de la demande de prêt.
La situation actuelle oblige d'être plus généreux et de pousser le report à 6 mois, au moins dans l'immédiat. Le dispositif en préparation devrait s’appliquer à tous les contrats de prêt, indépendamment de la présence de la clause de report, c’est ce que réclament les courtiers dans leur courrier adressé au gouvernement.
Concrètement, le report signifie que les mensualités de remboursements sont suspendues sur la période définie, mais sur une partie uniquement : seul l'amortissement du capital est reporté (on parle de report partiel), accompagné, dans le cas de figure du report total, des intérêts d'emprunt. En clair, la prime de l'assurance emprunteur reste due.
Attention : le report n'est pas possible pour les prêts à taux zéro (PTZ), ni même la modularité, une option inscrite dans votre contrat de prêt qui permet d'ajuster ses échéances de 10% à 30% par mois.
Rester protégé tout au long de votre crédit
Pour quelle raison la cotisation d'assurance ne peut-elle être reportée au même titre que les intérêts et le capital ? L'assurance emprunteur a pour finalité de vous couvrir tout au long de votre prêt. Le report des remboursements ne signifie pas que le crédit s'interrompt, vous devez donc être protégé dans cet intervalle, car les sommes empruntées restent dues.
En cas de décès ou d'arrêt de travail pour maladie ou accident, vous êtes toujours couvert par vos garanties de l’assurance emprunteur, c'est-à-dire que l'assureur se substitue à vous pour payer les mensualités d'emprunt au prêteur. Quid du chômage partiel ? L'assurance de prêt n'est d'aucun secours, même si vous avez souscrit la garantie perte d'emploi, car celle-ci ne s'applique pas en cas de chômage partiel.
Attention : ne prenez pas le risque de ne plus payer votre assureur, car les garanties s'arrêtent en cas de cessation du paiement des cotisations conformément à l'article L.141-3 du Code des Assurances, entraînant de lourdes conséquences sur votre crédit.
Le report des mensualités implique de fait un allongement de la durée initiale. Votre assurance devra elle aussi se prolonger d'autant, vous paierez donc des cotisations d'assurance supplémentaires sur une durée égale au report.
C'est un coût additionnel inévitable, l'assurance devant, rappelons-le, vous protéger tout au long de votre prêt pour parer à tout sinistre couvert par les garanties. Quand le remboursement normal des échéances reprendra, l'assureur rédigera un avenant au contrat d'assurance qui formalisera les nouvelles conditions (durée, capital restant dû).
Le coût du report d’échéances
Cette facilité de paiement a un coût. Il est d’ailleurs plus juste de parler de suspension que de report, car la période durant laquelle les mensualités sont suspendues n’est pas égale à l’allongement. Si vous reportez vos échéances de 3 mois, 4 échéances supplémentaires seront nécessaires pour compléter le remboursement du crédit, ce qui génère un surcoût d’intérêts, auquel il faut ajouter les cotisations d’assurance additionnelles.
Le coût du report total (amortissement du capital + intérêts) dépend directement de la part d’intérêt dans l’échéance, elle-même liée au taux appliqué, à la durée de remboursement et au moment où s’effectue le report.
Cette option sera moins onéreuse si elle est réalisée en fin de crédit, quand la part des intérêts est la plus faible et que vous remboursez essentiellement le capital. Si votre budget le permet, privilégiez le report partiel au report total, et continuez à payer les intérêts et l’assurance pour minimiser l’impact financier d’une suspension des échéances.
Vous pouvez effectuer des simulations en ligne grâce au site calcamo : un outil qui calcule le coût d’un report d’échéances . Vous devez vous enregistrer pour accéder au simulateur, l’abonnement est gratuit pour 30 opérations de calcul sur une période de 30 jours.
Exemple :
Vous avez emprunté 200 000€ sur 15 ans au taux fixe de 1,05% (hors assurance) le 1er avril 2018. Vous souhaitez suspendre vos échéances durant 6 mois à compter du 1er mai 2020 (capital + intérêts). Bilan du report : 1 049,78€ d’intérêts supplémentaires et allongement du crédit de 7 mois.
Interrogez sans tarder votre conseiller bancaire si vous souhaitez bénéficier d'un report des échéances. Aucune banque n'a intérêt à laisser ses clients face à une situation d'impayés dans le contexte actuel. Il est en revanche peu probable que la souplesse concerne l'échéance d'avril, à moins que la banque ne considère votre demande comme urgente.