Quand l'immobilier va, tout va, dit l'adage. S'il est évidemment trop tôt pour évaluer les performances du marché 2022, force est de constater que l'activité à la mi-mai est soumise à des contraintes qui freinent l'accès au crédit, à commencer par la remontée brutale des taux d'intérêt. L'évolution tant attendue est pourtant l'entrée en lice le 1er juin prochain de la loi Lemoine, réforme majeure de l'assurance emprunteur.
Accès au crédit plus difficile
Face à des risques de surchauffe du crédit immobilier, susceptibles d'entraîner les ménages vers le surendettement, les autorités financières ont décidé de réguler la distribution des prêts en édictant des règles d'octroi dès janvier 2020.
Depuis plus de deux ans, les banques doivent appliquer les consignes quant au plafonnement du taux d'endettement et à la limite de la durée de remboursement, consignes qui sont devenues des normes juridiquement opposables à compter de janvier 2022 :
- le taux d'effort ou taux d'endettement ne doit pas outrepasser 35% des revenus nets de l'emprunteur (avant impôt et assurance de prêt incluse) ;
- la durée de remboursement est limitée à 25 ans, à l'exception des achats dans le neuf ou nécessitant des travaux d’envergure, avec jouissance du bien postérieure au déblocage des fonds, où la durée peut aller jusqu'à 27 ans.
Une certaine souplesse est accordée pour les crédits à destination des primo-accédants et des acquéreurs de leur résidence principale. Les établissements peuvent déroger aux règles à la marge à hauteur de 20% de leur production trimestrielle.
Avec ces normes d'octroi, le régulateur cherche à brider l'accès au crédit pour éviter les dérives observées dans le passé, comme des crédits avec un taux d'endettement supérieur à 40% et des durées très longues pouvant aller jusqu'à 35 ans.
Cette réglementation drastique du crédit à l'habitat exclut les candidats les plus fragiles, et oblige les autres à renforcer la qualité de leur dossier. L'exigence d'apport personnel est rehaussée. Il faut désormais autour de 20% du montant de l'opération pour intéresser les banques, un niveau souvent trop élevé pour les jeunes actifs sans épargne qui débutent dans la vie professionnelle.
Finis également les crédits investisseurs sans mise initiale : les futurs loyers escomptés, qui pouvaient auparavant justifier un dossier sans apport, se sont plus comptabilisés en déduction de la mensualité, mais viennent grossir les revenus, ce qui relève le taux d'endettement.
Des taux en forte hausse
À ce contexte structurel s'ajoute un contexte conjoncturel : la remontée des taux d'intérêt depuis le début de l'année 2022. Après deux millésimes au plancher, les taux sont repartis à la hausse et dans des proportions inattendues. La faute à la guerre en Ukraine qui fait peser une lourde menace sur les conditions monétaires, en poussant le curseur de l'inflation et le rendement des emprunts obligataires.
Résultat, les taux ont bondi de 50 points de base en quatre mois et s'ils restent encore bien inférieurs au taux de l'inflation, et donc favorables aux emprunteurs, ils constituent néanmoins un obstacle car ils heurtent au niveau de l'usure resté au plancher.
C'est en avril que les taux ont le plus rapidement augmenté, alors que le barème de l'usure reste inchangé pour le trimestre. Ce décalage avec la réalité du terrain est générateur du fameux effet ciseau, ce qui entraîne davantage de refus de prêts bancaires. Même solvables, de plus en plus de candidats à l'emprunt se voient recalés pour cause de TAEG (Taux Annuel Effectif Global) au-delà du taux légal maximum.
Sur la durée classique de 20 ans, le taux du marché oscille actuellement entre 1,50% et 1,60%, pour une usure fixée à 2,40% sur cette maturité. Pour obtenir le TAEG, le taux nominal doit encore être complété par les frais annexes liés à l'octroi du crédit : garantie, frais de dossier, rémunération éventuelle du courtier, assurance emprunteur. L'équation est donc difficilement tenable si le taux brut augmente de quelques points ou que le coût de l'assurance de prêt est élevé en raison du profil de l'emprunteur.
Les taux s'emballent, l'usure stagne (au moins jusqu'au 30 juin) et les refus de prêts s'envolent. Les courtiers voient de plus en plus de dossiers bloqués, obligeant les candidats à reporter leur projet d'achat immobilier. Depuis le début de l'année, les ventes de logements ont chuté de 17%.
Libéralisation de l'assurance de prêt immobilier
Bonne nouvelle dans cet environnement morose, la loi Lemoine sur l'assurance emprunteur entre en application le 1er juin prochain. À compter de cette date, tout nouvel emprunteur pourra résilier son assurance de prêt immobilier à tout moment, et sans frais, et la substituer par un contrat alternatif librement choisi à garanties au moins équivalentes. Cette disposition s'appliquera à toute personne déjà détentrice d'un crédit immobilier à compter du 1er septembre 2022.
Plus besoin de s'appuyer sur la loi Hamon ni sur l'amendement Bourquin pour changer d'assurance en cours de prêt. Plus aucune condition d'engagement n'est exigée, désormais à tout moment, quelle que soit l'antériorité du prêt, vous allez pouvoir faire des économies sur le coût de l'assurance de prêt immobilier. À niveau de garanties équivalent, un contrat souscrit auprès d'un assureur concurrent de la banque coûte entre deux et trois fois moins cher que le contrat groupe du prêteur.
Autre avancée majeure introduite par la loi Lemoine, la suppression de la sélection médicale pour les prêts de moins de 200 000€ dont le remboursement est prévu avant les 60 ans de l'emprunteur. Les personnes éligibles n'auront plus de questionnaire de santé à remplir à compter du 1er juin 2022. Ce droit va faciliter l'accès à l'assurance et au crédit aux personnes présentant des risques aggravés de santé, ainsi qu’aux emprunteurs seniors qui paient leur contrat le prix fort en raison de leur âge.
La loi Lemoine prévoit également la réduction du droit à l'oubli pour les anciens malades du cancer de 10 à 5 ans. Cette disposition concerne aussi les personnes ayant été atteintes d'une hépatite C.