En passe d'être définitivement adoptée par le Parlement ce jeudi, la loi Lemoine prévoit de supprimer le questionnaire médical lors de la souscription à l'assurance de prêt immobilier. Cette mesure va faciliter l'accès à la propriété à des milliers de personnes touchées par la maladie qui, à cause de leur historique de santé, ne peuvent pas, jusqu’à présent, être couvertes sans payer des surprimes exorbitantes. Quelles sont les conditions pour éviter la sélection médicale ? Qui va en profiter ?
Réforme de l'assurance emprunteur
C'est aujourd'hui que le Sénat se prononce en deuxième lecture sur la proposition de loi Lemoine qui réforme en profondeur l'accès à l'assurance prêt immobilier. Le texte prévoit la possibilité de résilier le contrat d'assurance à tout moment et sans frais, sans devoir respecter de date butoir comme l'impose aujourd'hui la réglementation. Il supprime également le questionnaire de santé, document à remplir obligatoirement pour toute demande de souscription, et raccourcit le délai du droit à l'oubli pour les anciens malades du cancer, qui passera dorénavant de 10 à 5 ans.
Il y a deux jours, les députés ont validé à l'unanimité les dispositions prévues dans la PPL. Il reste une ultime marche à franchir pour une adoption définitive, sachant qu'en cas d'obstruction du Sénat le gouvernement, qui soutient le texte, a le pouvoir de laisser le dernier mot à l'Assemblée Nationale.
La résiliation à tout moment entrera en vigueur le 1er juin 2022 pour les contrats nouvellement souscrits et à partir du 1er septembre pour les contrats déjà signés. C'est également au 1er juin de cette année que les assureurs ne pourront plus imposer le questionnaire médical sous certaines conditions.
Fin du questionnaire de santé : quel intérêt ?
Lors d'une demande de souscription à l'assurance de prêt immobilier, vous remplissez un questionnaire qui va renseigner l'assureur, qu’il s’agisse de votre banque ou d’un prestataire externe, sur les risques éventuels que vous incarnez. Une étape qui peut sembler intrusive mais nécessaire à l'assureur pour appréhender le risque et appliquer une tarification adaptée.
Ce document contient de multiples questions sur votre historique de santé : vous avez obligation de déclarer toute maladie grave dont vous avez souffert ou dont vous souffrez, ainsi que tout traitement en cours, faute de quoi vous ne pourrez pas être indemnisé si vous n'êtes plus en mesure de rembourser le crédit suite à un arrêt de travail en lien avec une pathologie ancienne ou existante non déclarée. Pire, en cas de décès prématuré, vos héritiers auront la lourde charge de rembourser à la banque les sommes restant dues. En présence de risques aggravés, mais aussi quand les sommes empruntées sont élevées, le médecin-conseil de l'assureur va exiger des examens complémentaires pour affiner sa réponse.
Par le questionnaire de santé, l'assureur procède à une sélection de ses clients pour ajuster la tarification en fonction du niveau de risques. S’il y a des risques accrus de santé, il va :
- appliquer des surprimes,
- imposer des exclusions de garantie (la maladie n'est pas couverte),
- voire refuser d'assurer, ce qui va bloquer l'accès au crédit immobilier.
Les surprimes touchent toutes les garanties (décès/PTIA, incapacité et invalidité) et peuvent atteindre 400% par rapport au tarif standard pour les personnes atteintes de mucoviscidose qui relèvent de la convention Aeras (s'Assurer et emprunter avec un risque aggravé de santé) sous certaines conditions.
Dans le meilleur des cas, les surprimes se situent entre 50% et 100%, un surcoût parfois insurmontable car il vient renchérir le coût global du crédit et peut entraîner le TAEG (taux Annuel Effectif Global) au-delà du seuil de l'usure sur la durée d'emprunt concernée.
Par ce court énoncé, on comprend tout l'avantage de passer au travers de la sélection médicale. Très prochainement, les personnes malades ou anciennement malades ne seront plus frappées de la double peine : être touchées par la maladie et ne pas pouvoir, à cause de cet état, concrétiser un projet immobilier.
Quelles sont les règles ?
Pour passer au travers du tamis qu'est le questionnaire de santé, il faudra remplir deux conditions cumulatives :
- emprunter moins de 200 000€
- rembourser le prêt immobilier avant son 60ème anniversaire.
Un amendement déposé par le gouvernement et adopté mardi par les députés stipule que le plafond de 200 000€ s'entend par assuré et sur la totalité de l'encours de crédit. Le but de cette décision est d'éviter qu’un même emprunteur ne multiplie les contrats d'assurance pour des montants couverts inférieurs à 200 000€.
Les couples pourront emprunter une somme totale inférieure à 400 000€ si la quotité assurée sur chaque tête n'excède pas 200 000€, soit une répartition de 50/50. Attention : cet équilibre signifie que l'assureur ne remboursera que la moitié des mensualités ou du capital restant dû en cas de sinistre.
Qui est concerné ?
Selon les estimations des professionnels du crédit, ces seuils rendent éligible à la fin du questionnaire de santé la moitié des candidats à l'emprunt, et par défaut les jeunes de moins de 35 ans en raison d’une durée de remboursement réglementaire plafonnée à 25 ans, et les personnes jusqu’à 40 ans en prenant en compte une durée moyenne d’emprunt de 20 ans.
Sous réserve de respecter les règles précitées, les personnes dont l'état de santé ne permet pas d'être assurées à des conditions standard sont les premières concernées. Chez les courtiers en assurance de prêt, les cancers peuvent représenter jusqu'à un quart des maladies déclarées. Au chapitre des risques aggravés, figurent aussi en bonne place les pathologies psychiques, les affections respiratoires et cardiovasculaires.
Les personnes porteuses du VIH sont elles aussi stigmatisées par la maladie et se voient exclues de l'assurance et du crédit si elles ne remplissent pas les conditions d'acceptation de la convention Aeras. La grille de référence plafonne à 100% la surprime sur la garantie décès/PTIA, idem sur la garantie invalidité spécifique, sous réserve d'une charge virale inférieure au plafond passé deux ans après le diagnostic. Si l'emprunt n'excède pas 200 000€ et est remboursé avant les 60 ans, ces personnes, qu'elles soient ou non éligibles au dispositif conventionnel, n'auront plus à déclarer leur maladie dans le questionnaire de santé.
Les fumeurs sont également gagnants, eux qui paient un surcoût d'un quart ou d'un tiers du tarif standard appliqué à un non-fumeur du même âge. La question du tabagisme est systématiquement posée et cherche à connaître la consommation journalière. Jusqu'à présent, seules les personnes n'ayant pas fumé une seule cigarette (y compris cigarette électronique) au cours des deux dernières années sont considérées comme non-fumeuses aux yeux des assureurs.
Le surpoids, a fortiori l'obésité, sont facteurs de risques aggravés et pénalisent les candidats à l'emprunt immobilier. La valeur de l’IMC (Indice de Masse Corporelle) va indiquer à l’assureur si vous êtes hors normes et donc susceptible de développer des pathologies en raison d’un poids excessif. La réponse assurantielle se traduit généralement par des surprimes sur les garanties décès/PTIA et par un refus sur la garantie ITT qui intervient en cas d'arrêt de travail. Or l'absence de la garantie ITT est le plus souvent synonyme de refus de prêt.
Emprunt avec risque aggravé : changez d'assurance !
Si votre assurance de prêt est surfacturée pour raisons de santé, vous allez pouvoir rectifier le tir grâce à la loi Lemoine. À compter du 1er septembre 2022, vous pourrez résilier votre contrat d'assurance à tout moment et donc changer d'assurance prêt immobilier pour en souscrire une nouvelle, moins chère et mieux adaptée, et si votre encours de crédit ne dépasse pas le plafond des 200 000€ et que votre prêt arrive à son terme avant votre 60ème anniversaire, la souscription à une nouvelle assurance échappera à l’étape discriminante du questionnaire de santé.
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