En phase ascendante depuis le début de l'année 2022,les taux d'emprunt subissent une vive accélération ces dernières semaines, ce qui engendre une pression sur le marché immobilier. Les banques ajustent leurs barèmes à un rythme plus fréquent pour s'adapter au choc inflationniste consécutif à la guerre en Ukraine. Le contexte monétaire se durcit. Couplé à un taux d'usure trop faible pour cause de calcul inadapté au contexte, l'accès à l'emprunt immobilier devient de plus en plus difficile, obligeant les courtiers à rogner leurs marges pour aider leur clientèle à concrétiser leur projet.
Des taux d'intérêt toujours en hausse
Sans surprise, les taux bruts des crédits immobiliers poursuivent leur mouvement haussier en ce début mai. D’après les barèmes bancaires reçus par les courtiers, les taux moyens oscillent entre :
- 1,30% et 1,45% sur 15 ans
- 1,45% et 1,5%% sur 20 ans
- 1,65% et 1,70% sur 25 ans.
D'après les remontées des courtiers Artémis Courtage et Cafpi, les taux ont progressé de 10 points de base en mai par rapport à avril dernier. Depuis le début de l'année 2022, ils n'ont cessé de gagner des points, une évolution attendue, car ils n'avaient pas vocation à rester au plancher avec le retour de l'inflation, mais plus marquée qu'escomptée.
Pour mémoire, il était courant l’an passé de s’endetter sous la barre de 1% (hors assurance et coût des sûretés) sur la durée classique de 20 ans. Une faveur désormais disparue sauf aux très rares clients premium dotés de revenus très confortables et d’un apport personnel hors normes.
Si le premier trimestre 2022 affiche une performance dans la lignée de celle observée un an plus tôt (taux moyen toutes durées confondues à 1,12% au T1 2022 contre 1,12% au T1 2021), l'augmentation des taux s'est renforcée au fil des mois depuis janvier. Les valeurs restent pourtant encore attractives et très nettement inférieures au taux de l'inflation (4,8% sur un an à fin avril). Cela témoigne de l'effort des banques de préserver la demande en proposant des conditions favorables malgré un environnement économique et géopolitique qui ronge le moral et laisse bon nombre de projets immobiliers au rang de velléités.
Il convient de préciser que les banques continuent à bénéficier de conditions monétaires optimales : malgré la dérive inflationniste en zone euro, la Banque Centrale Européenne maintient toujours le taux de refinancement à 0% afin de soutenir la consommation et le crédit, mais il y a une forte probabilité qu’elle relève ses taux directeurs en juillet pour contrer l’inflation.
Un calcul de l'usure obsolète
Alors que le printemps est le premier temps fort de l'année pour le marché immobilier, force est de constater que les candidats à l'emprunt sont confrontés à un autre obstacle qui vient s'ajouter à la progression significative des taux d'intérêt : les taux de l'usure.
Calculés chaque trimestre par la Banque de France sur la base des taux effectifs moyens octroyés par les établissements de crédit le trimestre précédent, et augmentés d'un tiers, les taux légaux se révèlent un frein à l'accession en raison de cette méthode de calcul en décalage total avec la réalité du marché.
Depuis des années, les taux d'usure cristallisent la grogne des professionnels, à commencer par les courtiers qui ne cessent de tirer la sonnette d'alarme quant à l'obsolescence de cette méthodologie, génératrice du fameux effet ciseau : les candidats à l'emprunt sont pris en tenailles entre les taux d'usure au plancher et la remontée des taux d'intérêt, un phénomène qui se confirme actuellement.
Le taux légal sur 20 ans et plus est fixé à 2,40% pour ce deuxième trimestre, soit le taux le plus bas jamais observé, alors que depuis janvier 2022 le taux brut sur ces maturités a bondi de 50 points de base.
Forte progression des refus de prêt
Conséquence, les refus s'envolent. Selon le courtier Vousfinancer, ils auraient augmenté dans 75% de ses agences, et dans certaines, 20% des dossiers sont rejetés parce que le TAEG (Taux Annuel Effectif Global) outrepasse le taux maximum autorisé. Même constat chez un autre intermédiaire, Pretto, qui totalise 24% de demandes recalées en avril contre 4,3% l'an passé.
Chez Meilleurtaux, la question de l'usure oblige à réduire la marge voire à se passer de commission afin de permettre à la clientèle d'accéder au crédit immobilier. Des efforts commerciaux sans précédent que d'autres intermédiaires affirment pratiquer également.
Pour l'heure, la Banque de France est restée muette à toute réforme de l'usure, confortée dans sa position par plusieurs associations de consommateurs qui estiment le système actuel parfaitement dans son rôle de protection des emprunteurs. L'institution aurait toutefois lancé une consultation avec les acteurs de la banque pour avoir une vision claire de la situation et faire le point sur le mode de calcul de l'usure.