Les taux d'intérêt augmentent en ce mois de juillet. Rien de nouveau en période estivale si ce n'est que l'usure opère un sévère effet de blocage qui touche dorénavant les meilleurs profils d'emprunteur. Alors que les taux vont continuer leur progression compte tenu du contexte monétaire, une majorité de ménages vont être exclus de l'accession à la propriété, ce qui va renforcer la pression locative.
Hausse habituelle des taux d'emprunt en été
Sans surprise les taux d'intérêt sont tirés vers le haut alors que l'été s'installe. Durant les vacances estivales, les banques ont pour habitude de rehausser leurs barèmes de taux pour ralentir les demandes de financement dans une période où les effectifs largement réduits ne peuvent traiter les dossiers dans un délai normal.
La hausse des taux d’intérêt n'est pas soudaine, elle a commencé en janvier 2022 pour accélérer rapidement début mars avec le déclenchement de la guerre en Ukraine. Cette brutalité a pris de court les emprunteurs, habitués aux valeurs proches de 1% voire inférieures à ce seuil symbolique. Pour mémoire, les taux bruts ont atteint leur plancher historique en octobre 2021, à 1,03% toutes durées confondues selon les données mensuelles de l'Observatoire Crédit Logement (hors assurance et coût des sûretés).
À deux jours de la mi-juillet, le taux moyen sur la durée classique de 20 ans se situe autour de 1,80%. Plus aucune banque ne propose de taux à 1,70% sur cette maturité et pour une majorité de candidats, les taux frôlent ou sont supérieurs à 2%. Il faut s'attendre à de nouvelles hausses des taux d'emprunt avec la double progression de l'inflation et du rendement obligataire, et du relèvement des taux directeurs de la Banque Centrale dans quelques jours, ce qui va renchérir le loyer de l'argent pour les établissements prêteurs.
S'endetter à 2% reste performant, ce serait même un retour à la normale. On l’a vite oublié avec la lente décrue des taux ces trois dernières années. Et si l'on relativise avec le niveau de l'inflation (5,8% sur un an à fin juin 2022), on s'endette à bon compte. Encore faut-il pouvoir accéder au prêt bancaire.
Effet bloquant de l'usure
Pour le troisième trimestre 2022, la Banque de France a fixé le taux d'usure à 2,57% pour les prêts immobiliers d'une durée égale ou supérieure à 20 ans, contre 2,40% le trimestre précédent. Selon l'Observatoire Crédit Logement, plus de 65% des crédits octroyés en juin 2022 affichaient une durée comprise entre 20 et 25 ans. Ce seuil de l'usure concerne donc une majorité de candidats à l'emprunt.
Avec un taux nominal de 1,80%, a fortiori à 2%, la marge de manœuvre est bien fine pour intégrer tous les frais relatifs à l'obtention du crédit, notamment pour les primo-accédants, abonnés aux taux les moins performants sur les durées les plus longues en raison de revenus faibles et d'un apport personnel minime.
Si cette nouvelle hausse des taux n'est pas en soi pénalisante pour emprunter, elle se heurte de plein fouet au seuil de l'usure, totalement inadapté à cette situation. Rappelons que le taux d'usure sur la durée concernée renvoie au TAEG maximal que les banques ne doivent pas dépasser, taux global qui prend en compte les intérêts, la garantie (hypothèque ou caution), les frais de dossier et l'assurance prêt immobilier.
Jamais dans le passé l'usure n'avait opéré un tel blocage du crédit immobilier. Le courtier Pretto a estimé tout récemment que 20% des ménages finançables en 2021 ne le seraient plus aujourd'hui. Pour Meilleurtaux, ce sont près de 30% de dossiers qui sont aujourd’hui complètement non finançables. Seulement 59% respectent les critères d'endettement, contre 71% en janvier 2021.
Instaurée pour protéger les emprunteurs contre des taux bancaires excessifs, l'usure en crédit immobilier est devenue un facteur d'exclusion. Entre la hausse des taux, qui est le moindre des maux, le seuil de l'usure stagnant pour trois mois et les normes d'octroi qui limite le taux d'endettement à 35% des revenus nets, quel que soit le niveau de solvabilité de l'emprunteur, de moins en moins de ménages parviennent à concrétiser leur projet immobilier en 2022.
Si les pouvoirs publics ne réagissent pas rapidement en réformant la méthodologie de calcul de l'usure, le marché immobilier va être totalement et durablement bloqué. Empêchés d'acheter leur logement faute de crédit, les ménages vont devoir rester locataires, ce qui va exercer une pression sur la demande locative, et par extension sur les loyers. Une hausse des loyers que le gouvernement veut limiter à 3,5% maximum dès le 15 octobre prochain via son projet de loi sur le pouvoir d'achat.
Tout le monde sera perdant : les locataires qui ne peuvent plus lutter contre l'inflation en devenant propriétaires grâce aux vertus du crédit à taux fixe, et les bailleurs qui ne peuvent indexer les loyers sur l'inflation, ce qui, à terme, va déprimer l'investissement locatif.
Exemples de dossiers bloqués par l'usure
Pour illustrer l'effet pervers de l'usure, voici deux cas d'emprunteurs recalés malgré leur solvabilité.
Un célibataire de 30 ans gagnant 3 000€ nets par mois souhaite emprunteur 250 000€ sur 25 ans. La banque lui propose un taux à 2,05%, adossé à une assurance au taux de 0,25%. Les frais de dossier s'élèvent à 1 000€ et les frais de garantie à 2 500€. Le TAEG est de 2,63% et excède le taux d'usure (2,57%).
En décembre 2021, il aurait pu obtenir un taux d'intérêt à 1,70% et aurait décroché son emprunt avec un TAEG à 2,28%, sous le seuil de l'usure applicable à cette période (2,41%).
Un couple de quarantenaires, avec 3 500€ de salaires cumulés, souhaite emprunter 200 000€ sur 20 ans. Le taux d'intérêt est à 1,86%, avec une assurance emprunteur à 0,36% répartie à 50% sur chaque tête, soit les 100% minimum pour couvrir le prêt. Les frais de dossiers se montent à 700€ et la garantie coûte 2 100€. Le TAEG s'élève à 2,66%, quelques points au-delà de l'usure (2,57%).
Fin 2021, la banque aurait pu lui proposer un taux d'intérêt à 1,20% avec une quotité d'assurance à 50% pour l’un et 100% pour l’autre. Le TAEG aurait été de 2,34% et notre couple aurait pu financer son projet immobilier.