Hausse des taux d'intérêt en 2022 : est-ce vraiment un retour à la normale ?
Les taux des crédits immobiliers remontent vivement depuis le début de l'année, un mouvement induit par l'évolution du contexte monétaire. Après des années au plancher, les taux ne retrouveraient-ils pas des valeurs dans la norme ? C'est ce qu'affirme le gouverneur de la Banque de France, nullement inquiet pour le financement immobilier, malgré une usure inadaptée.
Hausse marquée des taux d'intérêt
Il n'a pas échappé aux ménages porteurs d'un projet immobilier que les taux d'intérêt ont fortement augmenté depuis janvier 2022 et notamment ces toutes dernières semaines. Sur la durée classique de 20 ans, on s'endette actuellement en moyenne à 1,60% (hors coût assurance prêt immobilier et sûretés), contre 1% en décembre 2021. À l'époque, les meilleurs profils pouvaient emprunter sous cette barre symbolique et décrocher un taux exceptionnel de 0,70%. C’est bel et bien du passé.
Les taux n'avaient pas vocation à rester au plancher, d'aucuns s'attendaient à une remontée inévitable en raison de l'évolution de l'inflation fin 2021, mais l'accélération a surpris tout le monde. Elle résulte du changement brutal du contexte monétaire à cause de la guerre en Ukraine qui entraîne une dérive inflationniste et une progression marquée du taux auquel la France emprunte sur les marchés obligataires.
Résultat, emprunter pour financer un projet immobilier coûte désormais plus cher qu'il y a six mois. Si l'on se réfère aux données de l'Observatoire Crédit Logement/CSA, le taux moyen accordé en mai 2022 s'affichait à 1,38%, contre 1,28% en avril. Les valeurs ont pris 28 points de base supplémentaires en trois mois et retrouvent le niveau établi au premier trimestre 2019. En ce mois de juin 2022, nombreuses sont les banques à pratiquer un taux brut de 2% sur 20 ans, ce qui ne s'était plus vu depuis 2017.
Des taux d'intérêt dans la norme
Si vive soit-elle, la hausse des taux des crédits immobiliers reste pourtant bien en-deçà de celle de l'inflation, qui est passé de 1,6% en 2021 à 5,2% à fin mai sur un an, et de celle du rendement obligataire sur 10 ans, indice utilisé par les banques pour déterminer les taux d'emprunt. Le taux de la dette française sur 10 ans (OAT 10 ans) évoluait en territoire négatif jusqu'en septembre 2021, avant de remonter graduellement pour dépasser désormais les 2%.
Une situation que cherche à dédramatiser le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau. Interrogé par le média BFM Business, il estime que la remontée des taux permet de "revenir à des taux normaux", soit autour de 2% voire plus, ce que pratiquent déjà certaines banques. Selon lui, on aurait oublié que le crédit immobilier s'affiche habituellement à des taux de l'ordre de 2% à 3%, des valeurs qui n'ont "pas empêché l'immobilier de bien se financer".
C'est sans compter avec l'usure.
Hausse des taux d'intérêt et usure trop basse
Les emprunteurs s'endettent donc sous le seuil de l'inflation, ce qui semble une bonne nouvelle si ce n'était le blocage opéré par l'usure. Les taux maxima légaux sont calculés sur la base des taux effectifs moyens pratiqués le trimestre précédent, et augmentés d'un tiers, ce qui engendre un décalage de trois mois avec les valeurs actuelles. Comment faire entrer dans le TAEG (Taux Annuel Effectif Global) tous les frais liés à l'obtention du crédit (garantie, frais de dossier, assurance emprunteur) quand le taux d'intérêt proposé par la banque est à quelques points de l'usure ?
Au deuxième trimestre 2022, le taux d'usure pour les prêts immobiliers d'une durée égale ou supérieure à 20 ans est de 2,40%, soit le niveau le plus bas jamais atteint. Si vous empruntez à 2%, la marge est bien courte (40 points) pour intégrer tous les autres frais, notamment l’assurance de prêt devenue plus chère depuis l’entrée en vigueur de la loi Lemoine 2022.
Le barème de l'usure change à compter du 1er juillet. Les taux seront mathématiquement en hausse étant donné la remontée violente des taux d'emprunt. Cela ne résout pas la problématique du calcul obsolète de l'usure, que tous les acteurs du crédit appellent à réformer.