Réuni jeudi 17 septembre, le Haut Conseil de Stabilité Financière confirme l'encadrement plus strict de l'octroi de crédits immobiliers aux particuliers qu'il avait édicté en décembre dernier. Les professionnels de l'immobilier s'inquiètent de cette décision qui va conforter l'exclusion de certains ménages, déjà actée depuis janvier 2020. Bon nombre de courtiers souhaitent que le reste à vivre redevienne un indicateur central dans l'octroi d'un financement immobilier.
Pas de relâchement des conditions d'octroi
Instance chargée d'exercer la surveillance du système financier, le Haut Conseil de Stabilité Financière (HCSF) réitère sa position s'agissant de la distribution des crédits à l'habitat. Lors de sa vingt-sixième réunion jeudi 17 septembre, il a décidé de maintenir sa recommandation de prudence en matière de prêt immobilier datée du 20 décembre dernier. Craignant l'emballement de la production de crédits, l'entité, placée sous l'égide du ministère de l'Économie et des Finances, avait demandé aux établissements bancaires de ne plus prêter au-delà de 25 ans et de limiter le ratio d'effort à 33% des revenus, dans le but de "prévenir une dynamique excessive de l'endettement des ménages".
Plus question depuis janvier 2020 d'ouvrir en grand les vannes du crédit et de distribuer à tout va des financements immobiliers hors de ce cadre. Le régulateur reprochait aux banques de faire preuve d'un trop grand laxisme vis-à-vis des ménages emprunteurs, accordant des prêts à un taux d'endettement parfois supérieur à 35%. Une légère flexibilité est toutefois permise : les banques peuvent s'affranchir des règles à hauteur de 15% de leur production trimestrielle à destination des emprunteurs primo-accédants et de ceux qui acquièrent leur résidence principale.
Dans son communiqué de presse, le HCSF indique que "le marché immobilier et la production de crédit se sont redressés au cours des derniers mois après la baisse mécanique enregistrée pendant le confinement". Et d'ajouter que les taux d'intérêt sur les crédits immobiliers sont toujours à leur niveau proche de leur plus bas historique. Il faut comprendre en creux que la faiblesse des taux maintient le crédit à flot en portant la demande. Une source proche du HCSF a laissé entendre qu'"à ce stade de l'appréciation il n'y a pas de difficulté significative associée à cette recommandation". Le retour des banques sur la mise en œuvre de la recommandation sera recueillie prochainement par l'Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution, ce qui donnera matière au HCSF pour établir une première analyse en fin d'année.
Des conditions d'octroi facteurs d'exclusion
Cette réunion tant attendue déçoit les professionnels de l'immobilier qui réclamaient déjà en janvier un assouplissement provisoire de ces recommandations. Ils redoutent que leurs effets, aggravés par la crise économique, pénalisent certains ménages, à commencer par les primo-accédants. Dotés de peu d'apport personnel, quand celui-ci ne fait pas totalement défaut, ceux qui achètent pour la première fois un bien immobilier sont généralement des jeunes actifs, souvent à revenus modestes, abonnés aux durées les plus longues pour contenir leur endettement mensuel.
Sur le terrain, les courtiers observent un nombre croissant de dossiers de crédit refusés. À fin août, le taux d'exclusion atteignait 10,7%, contre 6,6% à fin mai, et 5,5% en moyenne sur l'année 2019. Et parmi ces recalés, 37% étaient des primo-accédants. Les investisseurs immobiliers sont eux aussi à la peine avec les nouvelles règles d'octroi : souvent détenteurs d'un premier crédit sur leur résidence principale, ils pouvaient encore en 2019 outrepasser le seuil des 33% grâce à leurs revenus locatifs.
Reconsidérer le reste à vivre
Certains courtiers auraient souhaité que la marge de flexibilité passe de 15% à 30%, mais surtout, ils sont nombreux à réclamer une prise en compte du reste à vivre, indicateur de l'équilibre financier d'un ménage emprunteur aussi pertinent, si ce n'est plus, que le taux d'endettement. À aucun moment dans sa recommandation, le HCSF ne mentionne le reste à vivre, qui est pourtant une variable centrale dans la décision de la banque d'accorder ou non le financement. Fixer sans nuance le taux d'endettement à 33% a effectivement peu de sens quand on compare un ménage avec 2 000€ nets par mois à un autre disposant de revenus très confortables.
Ne nous leurrons pas, les banques adoptent d'elles-mêmes des mesures de précaution qui vont au-delà des recommandations du HCSF. L'apport personnel est redevenu une condition sine qua non. Ces dernières semaines, les établissements bancaires semblent donner la priorité aux dossiers qui mettent sur la table plus de 10% d'apport, au-delà de respecter les critères du HCSF. Selon les données de l'Observatoire Crédit Logement, le niveau de l'apport personnel s'est élevé très rapidement depuis fin 2019, augmentant de 9,5% en glissement annuel, alors qu'il s'était contracté de 5,2% en 2019. Entrées sur le marché immobilier en 2019 grâce à un taux d'apport personnel particulièrement bas, les clientèles jeunes et/ou modestes sont aujourd'hui en net retrait.