La loi Lemoine relative à l’assurance de prêt immobilier a été adoptée par le Parlement il y a tout juste un an. Voici l’occasion pour la députée qui lui a donné son nom de faire le point sur cette réforme essentielle pour le pouvoir d’achat des ménages emprunteurs. Elle reconnaît toutefois que certains aspects de cette nouvelle réglementation sont perfectibles.
Changement d’assurance emprunteur
Portée par la députée Patricia Lemoine, la loi n°2022-270 adoptée le 28 février 2022 vise un accès plus juste, plus simple et plus transparent au marché de l’assurance emprunteur. Jusqu’à présent sous la férule des banques, l’assurance de prêt immobilier est un produit contraint pour l’emprunteur, qu’il a enfin la possibilité de pouvoir changer à tout moment.
La libéralisation du marché permet désormais aux emprunteurs d’exercer pleinement leur droit au libre choix du contrat inscrit dans le marbre depuis septembre 2010 (loi Lagarde assurance emprunteur). Puisqu’il est difficile de souscrire une assurance autre que celle du prêteur lors de la demande de financement, la loi Lemoine remet les compteurs à zéro en donnant l’opportunité de changer en cours de prêt, quand on le souhaite, sans frais, et sans aucun engagement minimum de souscription. C’est une première dans le monde de l’assurance où la substitution nécessite au moins une année de souscription, à l’instar de l’assurance habitation ou de la mutuelle santé.
Des milliers d’euros d’économie
La possibilité de changer d’assurance de prêt immobilier à tout moment a été offerte aux nouveaux emprunteurs dès le 1er juin 2022, avant d’être élargie à tous au 1er septembre dernier. L’objectif premier de la loi Lemoine était de rendre du pouvoir d’achat aux ménages. Bingo ! Vous pouvez réaliser jusqu’à 25 000€ d’économie avec la loi Lemoine. Cette mesure qui ne coûte rien aux finances publiques offre la chance de diminuer immédiatement son endettement mensuel en moyenne de 50€, ce qui totalise des milliers d’euros en fin de prêt.
Nouvelles obligations des banques
En supprimant toute date d’échéance pour faire une demande de changement et en renforçant les obligations des banques, la Loi Lemoine réussit là où ont échoué les dispositifs précédents (loi Hamon et l’amendement Bourquin). Sous peine d’amende administrative pouvant aller jusqu’à 15 000€, le prêteur doit formuler sa réponse à une demande de substitution d’assurance dans les 10 jours ouvrés et motiver tout refus de manière exhaustive par écrit sur un document unique. L’accompagnement d’un courtier en assurance de prêt immobilier reste vivement recommandé pour faciliter le processus et décrocher le contrat le mieux adapté au meilleur tarif.
Patricia Lemoine reconnaît que certaines banques continuent leurs pratiques dilatoires et dépassent le délai de réponse. Elle exprime une tolérance jusqu’à 15 jours, mais au-delà, la loi serait allègrement enfreinte. Un constat en-dessous des remontées de terrain : les courtiers spécialisés observent que les délais sont en moyenne de 26 jours.
Suppression du questionnaire de santé
La deuxième mesure phare de la loi Lemoine est la suppression du questionnaire de santé pour les prêts de moins de 200 000€ remboursés avant le 60ème anniversaire de l’emprunteur. Elle a été imposée par les sénateurs en contrepartie du changement d’assurance à tout moment et vise à faciliter l’accès au crédit immobilier aux personnes stigmatisées par leur passif de santé.
Ce que craignait les courtiers et les assureurs alternatifs a bel et bien eu lieu : un meilleur accès à l’assurance de prêt mais des tarifs en hausse. La fin de la sélection médicale interdit aux assureurs de rechercher toute donnée relative à la santé de l’emprunteur, ce qui les empêche d’appliquer une tarification au risque et les oblige à mutualiser sur le segment concerné. Certains assureurs ont ainsi augmenté leurs tarifs dans une fourchette allant de 5% à 20% pour les prêts de moins de 200 000€, d’autres ont fait le choix de rester compétitifs grâce à la progression de leur volume d’affaires généré par le changement d’assurance.
Pratique contraire à l’esprit de la loi
Pour les emprunteurs dont le prêt est proche des 200 000€, il n’est pas rare qu’on leur demande de rehausser à la marge le montant emprunté pour souscrire une assurance avec questionnaire de santé et bénéficier de facto de tarifs plus avantageux. Patricia Lemoine souhaite que cette pratique contraire à l’esprit de la loi soit évaluée par les autorités de régulation (Comité Consultatif du Secteur Financier), car elle induit que les assureurs ne veulent couvrir que les « bons risques ».
Toujours peu d’assurance déléguée pour les nouveaux prêts
La loi Lemoine ne modifie guère les rapports de force entre les bancassureurs et les alternatifs quand il s’agit de souscrire une assurance en amont d’une demande de prêt immobilier. Il est toujours difficile pour l’emprunteur de faire valoir le libre choix du contrat d’assurance en première intention, par manque de temps, mais surtout pour cause de pression de la banque. Pour accorder le financement, cette dernière impose son package qui contient et l’assurance emprunteur et l’assurance habitation. Dans la majorité des situations, l’offre d’assurance de prêt est plus chère que celle proposée par la concurrence, ce qui va au détriment de l’intérêt de l’emprunteur.
Au moment de l’adoption de la loi Lemoine, 88% des contrats d’assurance crédit immobilier étaient captés par les banques. Il faudra attendre la prochaine évaluation du CCSF pour savoir si la loi Lemoine a ouvert davantage les vannes de la concurrence et permis aux emprunteurs d’accéder sans entrave à des contrats compétitifs.