Les conditions d’accès au crédit immobilier n’ont cessé de se durcir depuis plus d’un an, en lien avec la remontée des taux d’intérêts, elle-même consécutive à la hausse du coût des ressources pour les banques. Les prévisions pour la rentrée de septembre ne sont guère optimistes. La capacité d’emprunt se réduit comme peau de chagrin et pourrait perdre jusqu’à 30% en deux ans d’ici début 2024, alors que les prix immobiliers ne baissent pas dans les mêmes proportions.
Taux de crédit immobilier toujours en hausse
Actuellement, on s’endette autour de 4% sur 20 ans (hors assurance emprunteur et coût des sûretés) et sur les durées les plus longues (25 ans), le taux excède sans mal les 4,5%. Avec un taux d’usure en août 2023 à 5,33% (ancre) pour les prêts de 20 ans et plus, la marge de manœuvre pour intégrer tous les autres frais liés à l’obtention du crédit peut être mince si l’emprunteur n’affiche pas un bon profil. Les taux de septembre 2023 accuseront une nouvelle hausse avant de s’approcher des 5% à l’horizon 2024.
La progression des taux du crédit immobilier est constante depuis janvier 2022 et la reprise de l’inflation. Les banques de détail sont soumises aux conditions monétaires, nettement moins favorables qu’il y a un an. Le 27 juillet dernier, la Banque Centrale Européenne a révisé à la hausse ses taux directeurs pour la neuvième fois en douze mois. Le taux de refinancement est ainsi passé de 0% à 4,25%, soit son plus haut niveau depuis 2011.
La BCE tente de juguler l’inflation en freinant le recours au crédit par un renchérissement du coût des ressources pour les banques commerciales. Une décision qui pèse lourdement sur l’activité immobilière : la production de crédits immobiliers est en chute libre (-46% au premier semestre en glissement annuel selon l’Observatoire Crédit Logement) et le nombre de transactions annuelles devrait repasser sous la barre du million, pour atteindre 950 000 en 2023, soit une baisse de 15% sur un an (prévisions des notaires).
Même si les taux devraient se stabiliser en 2024, il paraît peu probable qu’ils renouent avec les niveaux historiquement bas observés entre fin 2016 et début 2022. Le marché est en phase de normalisation, selon les termes de la Banque de France.
Chute de la capacité d’emprunt
Pour les ménages porteurs d’un projet immobilier, l’augmentation régulière des taux d’intérêts est lourde de conséquences. Si l’on regarde dans le rétroviseur, on mesure l’impact de ce mouvement haussier sur la capacité d’emprunt.
Avec un salaire de 3 000€ nets mensuels, sans autre crédit en cours, vous pouviez emprunter 215 267€ sur 20 ans en décembre 2021 (taux nominal à 1%), contre 163 372€ avec un taux à 4%. Si le taux passe à 4,50% à la rentrée, le montant empruntable descend à 156 485€ et avec un taux à 5% en janvier 2024, il dégringole à 150 010€.
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Taux nominal (hors assurance emprunteur) |
Montant empruntable |
Baisse de la capacité d’emprunt (depuis décembre 2021) |
Décembre 2021 |
1% |
215 267€ |
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Août 2023 |
4% |
163 372€ |
-24,10% |
Automne / hiver 2023 |
4,50% |
156 485€ |
-27,30% |
Janvier 2024 |
5% |
150 010€ |
-30,3% |
Faible correction de prix immobiliers
Malheureusement, les prix des logements ne baissent pas dans les mêmes proportions. D’habitude, une hausse marquée des taux d’intérêts engendre une correction des prix, même si elle intervient plus tard. En théorie, il faudrait une baisse des prix immobiliers de 20% pour compenser a minima la progression des taux à l’instant T.
Dans leur dernière note de conjoncture, les notaires de France prévoient une baisse des prix de 1% sur un an (sur la base des avant-contrats à fin juillet 2023). Une moyenne qui cache inévitablement des contrastes. En province, les prix pour les appartements anciens résistent et affichent même une évolution de +0,2%. Dans les agglomérations d’Angers, Saint-Étienne, Nantes, Lille, Dijon, Toulouse, Rouen et Strasbourg, les baisses seraient comprises entre -4% et -9% pour les maisons anciennes.
La contraction est également marquée en Île-de-France, avec -4,8% pour les appartements et -3,2% pour les maisons sur un an à fin juillet. À Paris, la baisse serait de 5%, et les projections font basculer le prix moyen du mètre sous les 10 000€ au cours du troisième trimestre.
La période des prix haussiers, alimentés par des taux d’intérêts anormalement bas, est révolue. Le durcissement des conditions d’emprunt pénalise les acquéreurs et écarte les primo-accédants dont les niveaux de revenus et de l’apport personnel sont insuffisants pour envisager un achat immobilier. On assiste bel et bien au retournement du marché en 2023, les vendeurs doivent baisser leurs prix pour que le déblocage puisse s’opérer.