Les porteurs d’un projet immobilier se heurtent à la progression constante des taux d’intérêts. Emprunter actuellement est devenu une gageure pour une majorité de ménages qui auraient pu il y a moins de deux ans devenir propriétaires de leur logement. La solvabilité s’effrite et les prix immobiliers baissent trop doucement et de manière inégale pour compenser le renchérissement du crédit. Rester locataire est malheureusement la seule voie, ce qui engendre une forte tension sur le marché locatif dans de nombreuses zones.
Taux à leur niveau de 2008
Depuis début 2022, les taux d’intérêts poursuivent leur inexorable remontée sous l’effet de l’inflation générée par le contexte géopolitique. Alors que les ménages français pouvaient espérer emprunter à des taux à peine supérieurs à 1% il y a moins de deux ans, on s’endette désormais à plus de 4% sur la durée de vingt ans, hors assurance de prêt immobilier.
Ce tableau illustre le mouvement rapide et brutal des taux d’emprunt depuis leur niveau de l’été 2020 (source Observatoire Crédit Logement) :
Prêts à taux fixe |
Taux moyens toutes durées confondues en % |
Sur 15 ans |
Sur 20 ans |
Sur 25 ans |
Juillet 2020 |
1,24 |
1,03 |
1,21 |
1,27 |
Décembre 2020 |
1,17 |
0,97 |
1,10 |
1,35 |
Juillet 2021 |
1,05 |
0,87 |
0,98 |
1,18 |
Décembre 2021 |
1,06 |
0,86 |
0,99 |
1,13 |
Juillet 2022 |
1,70 |
1,57 |
1,69 |
1,79 |
Décembre 2022 |
2,35 |
2,14 |
2,30 |
2,42 |
Juillet 2022 |
3,61 |
3,52 |
3,73 |
3,89 |
Sur la durée de remboursement la plus longue autorisée, soit 25 ans, certaines banques proposent déjà des taux à 5%. Avec un taux d’usure à 5,56%, il paraît illusoire d’intégrer tous les autres frais imposés pour l’octroi du financement bancaire, à savoir les frais de dossier, la garantie (hypothèque ou caution), les primes d’assurance emprunteur et les éventuelles autres dépenses annexes.
Le crédit immobilier est plus cher en septembre 2023 et les taux ne devraient pas arrêter là leur course folle ; ils pourraient atteindre les 5% sur 20 ans d’ici la fin 2023. Il est difficile de prédire leur évolution en 2024. La politique de resserrement monétaire entamé par la Banque Centrale Européenne en juillet 2022 afin de juguler l’inflation a eu pour effet de réduire les marges des banques de détail qui empruntaient auprès de l’institution communautaire au taux de 0% il y a quatorze mois, contre 4,25% actuellement. Certains établissements ont décidé d’arrêter de prêter tant qu’ils n’auront renoué avec une profitabilité décente sur les nouveaux crédits.
Achat de sa résidence principale : mission impossible
Résultat, selon les chiffres de la Banque de France, la production de crédits immobiliers chute de 45% en un an et tombe à son niveau le plus bas depuis 2014. La demande reste pourtant forte mais elle n’est pas finançable. Les candidats à l’achat immobilier se heurtent aussi aux règles du HCSF qui fixent des limites juridiquement imposées aux banques :
-
Le taux d’endettement est plafonné à 35% des revenus nets, avant impôt et assurance emprunteur comprise.
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La durée de remboursement ne peut excéder 25 ans, voire 27 ans en cas d’achat en VEFA ou dans l’ancien avec travaux de rénovation représentant au moins 25% du montant de l’opération.
Pour rester dans les clous, il faut plus que jamais répondre aux exigences. Retrouvez les 4 points clefs pour un dossier en béton en 2023. Au-delà des critères habituels de solvabilité (emploi en CDI dans un secteur préservé, revenus élevés), cela se traduit par un renforcement de l’apport personnel qui atteint désormais au minimum 20% du montant du projet et de l’épargne de précaution, nouveau critère pour emprunter en 2023.
Face à l’envolée des coûts du quotidien (carburant, alimentation, etc.), les banques veulent s’assurer que l’emprunteur est en capacité de surmonter un éventuel coup dur et qu’il peut, s’il s’agit d’un bien ancien avec un DPE défectueux, financer les travaux visant l’amélioration énergétique de son logement. Il faut compter une épargne résiduelle équivalente à six mensualités pour espérer décrocher son crédit, en plus de la mise de fonds initiale. Souvent jeunes et sans épargne suffisante, les primo-accédants sont les premiers exclus de l’accès au crédit.
Tension sur le marché locatif
Face à la progression des taux, il convient aussi penser à l’aide des prêts immobiliers complémentaires. Les primo-accédants sont éligibles au PTZ, ce prêt sans intérêts qui permet de financer jusqu’à 40% du montant de l’opération, mais les banques arrêtent de traiter les demandes comportant un PTZ dès la fin octobre, et au plus tard à la mi- novembre.
Les vendeurs doivent baisser leurs prétentions, mais si une correction est d'ores et déjà amorcée, elle ne pourra jamais compenser la baisse du pouvoir d’achat immobilier due à la hausse du coût du crédit. D’autant que dans certaines zones tendues, les vendeurs potentiels, propriétaires d’un bien de qualité, tergiversent et maintiennent les prix à des niveaux élevés car ils ne sont pas pressés de céder leur logement.
La question d’acheter est vite tranchée pour bon nombre de foyers, obligés de rester locataires faute de ne pouvoir décrocher le financement bancaire de leur projet. La France subit une grave crise du logement qui pourrait évoluer en crise sociale. Le marché locatif est sous haute tension, marqué par une forte hausse de la demande, générée par les difficultés d’accès au crédit et une baisse concomitante de l’offre. Le phénomène de tension locative touche les grandes métropoles, mais aussi les villes moyennes où l’on observe un tiers d’annonces en moins pour près de 30% de demandes en plus (chiffres Fnaim).