Jeudi 21 juillet, la Banque Centrale Européenne (BCE) a augmenté ses taux directeurs de 0,5 point, une première en dix ans. Cette mesure doit permettre de juguler l'envolée de l'inflation et aura des incidences sur l'épargne, mais aussi sur les crédits immobiliers. Alors que l'accès au financement immobilier s'est nettement resserré depuis mars 2022, la situation pour les candidats à l'emprunt va devenir de plus en plus compliquée avec la stagnation de l'usure.
Pourquoi la BCE augmente-elle ses taux directeurs ?
Avant de répondre à la question, définissons ce qu'est un taux directeur. Pour mener à bien leur politique monétaire et réguler l'activité économique de leur pays, les banques centrales utilisent des taux directeurs qui sont des taux d'intérêt à court terme. Le principal outil de cette politique monétaire est le taux de refinancement qui représente le taux auquel empruntent les banques commerciales, qui prêtent ensuite aux entreprises et aux particuliers.
Quand le taux de "refi" est faible, la demande est stimulée car les consommateurs peuvent s'endetter à moindre coût. C'était le cas depuis 2016, époque où les taux d'emprunt immobilier ont commencé leur lente décrue pour atteindre leur plancher en octobre 2021 (1,03% hors assurance prêt immobilier et coût des sûretés selon les chiffres de l’Observatoire Crédit Logement). À l'inverse, quand le taux de "refi" augmente, la demande de crédit se contracte.
La Banque Centrale Européenne s'est fixée comme objectif de maintenir l'inflation sous la barre des 2%, afin de contrôler la stabilité des prix dans la zone euro. Depuis 2016, l'inflation est faible voire quasi nulle, ce qui a permis de soutenir la consommation, notamment durant ces deux dernières années de crise sanitaire. Mais fin 2021, l'inflation redémarre avec la reprise économique post-Covid et accélère sa progression avec la guerre en Ukraine qui entraîne des pénuries sur l'énergie et les denrées alimentaires.
Résultat, l'inflation en zone euro atteint un nouveau record en juin, à 8,6% sur un an, et dans 9 pays de l'UE, elle excède les 10%. La France fait mieux, avec un taux à 5,8%, mais très loin de la cible des 2% fixée par la BCE.
En relevant son taux de refinancement de 0% à 0,50%, la BCE espère enrayer cette inflation galopante. Par le renchérissement du loyer de l'argent, la consommation va logiquement diminuer, ce qui doit tirer les prix vers le bas. En parallèle, le taux de rémunération des dépôts, à savoir les liquidités bancaires qui ne sont pas distribuées en crédit, passe de -0,50% à 0%.
L'impact financier pour les ménages de cet ajustement de la politique monétaire européenne est bien évidemment différent selon qu'on se place du côté de l'épargnant ou de l'emprunteur.
Forte hausse des taux des crédits immobiliers
Par les épargnants, la hausse des taux directeurs est plutôt une bonne nouvelle, puisque les produits de placement comme l'assurance vie, les Sicav ou les livrets réglementés vont mécaniquement augmenter. Une bonne nouvelle à relativiser car la rémunération reste négative si on la compare à l'inflation. Le Livret A rapportera bientôt 2%, mais avec une inflation à 5,8%, le pouvoir d'achat recule de près de 4 points : en taux réel, l’épargne placée sur votre Livret A perd 3,8% !
L'ajustement de la politique monétaire a aussi un impact sur les crédits immobiliers. Les banques se financent via les marchés boursiers, mais surtout auprès de la BCE. Si elles empruntent à un taux plus élevé, elles répercutent cette hausse sur les taux d'intérêt octroyés aux entreprises et aux particuliers.
D'ici la fin de l'année, les taux bruts des crédits immobiliers pourraient atteindre les 3%. Sur la durée classique de 20 ans, le taux moyen oscille actuellement entre 1,85% et 2%. Ceux qui ont emprunté à moins de 1% l'an dernier sont vernis, car ils ont bénéficié de conditions historiquement faibles qu'il est peu probable de retrouver avant très longtemps.
Crédit immobilier : l'étau se resserre avec l'usure
Pour les candidats à l'emprunt immobilier, la situation devient problématique. Confrontés aux conditions d'octroi imposées par le Haut Conseil de Stabilité Financière (limite du taux d'endettement à 35% des revenus nets et de la durée de remboursement à 25 ans), ils font face à la remontée des taux d'emprunt ces derniers mois, facteur d'exclusion en raison de l'effet ciseau provoqué par le niveau trop bas des taux d'usure.
Ce blocage est dû à une méthode de calcul de l'usure en décalage avec les taux du moment. Même en phase de remontée des taux d'intérêt, les taux légaux maximum, fixés chaque trimestre par la Banque de France, restent figés pour trois mois, sans possibilité d'ajustement pour faciliter l'accès à l'emprunt et éviter une crise du crédit, comme celle qui se produit actuellement.
On voit désormais de nombreux ménages solvables, dont le taux d'endettement respecte la limite réglementaire, empêchés de devenir propriétaires car le TAEG excède l'usure sur la durée concernée. Pour mémoire, le TAEG agrège tous les frais liés à l'obtention du financement immobilier, les intérêts, mais aussi les frais de dossier, la garantie et l'assurance emprunteur.
Réclamée avec force par les courtiers et même les banques, la réforme de l'usure n'est malheureusement pas à l'agenda des pouvoirs publics.