Le confinement en place depuis mi-mars paralyse l'économie du pays, notamment le marché immobilier qui se retrouve quasiment à l'arrêt. Les transactions sont suspendues, les agences immobilières et les études notariales sont fermées jusqu'à nouvel ordre, tout se fait à distance via le net quand l'opération est possible. Les banques se concentrent sur les services urgents, et n'octroient plus de nouveaux crédits aux particuliers. Les paramètres monétaires continuent pourtant leur évolution. Les taux des crédits à l'habitat affichent toujours des valeurs au plancher, mais peu peuvent en profiter. Certains pronostiquent déjà une sortie de crise douloureuse pour le secteur.
Le crédit au compte-gouttes
Les banques font partie de ces domaines autorisés à maintenir leur activité durant cette période difficile qui impose de rester chez soi pour éviter la propagation du Covid-19 et sortir le plus rapidement possible de cette crise sanitaire. Elles ont fait savoir à leur clientèle qu'elles limitent leurs services compte tenu du manque d'effectif et de la réduction des horaires d'ouverture, et recommandent de privilégier les contacts dématérialisés pour le suivi des opérations (téléphone ou plateforme en ligne). Elles se concentrent sur le financement aux entreprises et le traitement des demandes de report ou de modulation exprimées par les emprunteurs fragilisés financièrement. Ce confinement marque un coup d'arrêt brutal sur le marché immobilier, après un début d'année difficile en raison d'une plus forte sélectivité imposée aux banques par les autorités financières. Seuls les emprunteurs qui ont déposé leur demande de financement avant la mise en place des restrictions peuvent espérer décrocher leur prêt immobilier, avec un retard inévitable. Leurs dossiers sont gérés par ordre chronologique. Les autres devront attendre la sortie de crise pour relancer leur projet.
La difficile finalisation des transactions
Actuellement, les visites physiques des logements sont impossibles et les signatures d'actes authentiques de vente ou d'avant-contrats empêchées par la fermeture des offices des notaires au public jusqu'à nouvel ordre. Le décret du 16 mars dernier interdit en effet la venue des clients au sein des offices, mais la continuité du service notarial est assurée. Si le notaire dispose de toutes les pièces nécessaires, il peut envoyer à son client une demande de procuration par voie électronique avec signatures sécurisées, pour réaliser l'acte authentique de vente (AAE ou Acte Authentique Électronique) ou signer un avant-contrat. Mais pour les dossiers incomplets, les notaires se heurtent à la fermeture des services publics, les services de mairie notamment, auprès desquels ils doivent récupérer les documents destinés à assurer la sécurité juridique des actes de vente. Alors que 15 000 actes sont signés chaque jour en temps normal, on en dénombre désormais seulement 2 000.
Dans ce contexte inédit, les opérations sont ajournées et les rétractations sur les compromis de vente sont en nette hausse. Bon nombre de personnes ayant signé un compromis de vente juste avant les mesures de confinement se sont rétractées dans le délai légal de 10 jours. Dans l'impossibilité de joindre leur conseiller bancaire et/ou par crainte de l'avenir, elles ont préféré renoncer à leur projet immobilier. Pour éviter cette extrémité, les notaires contactent leurs clients (vendeurs et acheteurs) pour obtenir conventionnellement un allongement des délais, permettant ainsi la conclusion des affaires une fois le pays sorti de la crise. Il est possible de prolonger la condition suspensive au-delà des 60 jours habituels si les deux parties se mettent d’accord.
Stagnation des taux de crédit
En attendant, les taux d'emprunt sont toujours affichés. Selon les barèmes bancaires reçus par les courtiers, les valeurs stagnent en ce début avril.
Peu d'ajustements ces dernières semaines, quelques variations à la marge de 5 à 10 points de base selon les établissements et la durée.
Sur 20 ans, on s'endette actuellement autour de 1,30% (hors assurance), un taux identique à celui de janvier 2020.
Cela semble quelque peu ironique d'évoquer les taux, alors que les banques n'accordent plus de nouveaux crédits à l'habitat. Le niveau des taux d'emprunt témoigne à l'instant T de la politique monétaire de la zone euro. En réponse à la crise sanitaire qui oblige les États à s'endetter massivement pour financer les mesures de soutien à l'économie, la Banque Centrale Européenne (BCE) a annoncé mi-mars un plan colossal de rachat d'actifs de 750 milliards d'euros d'ici décembre 2020. Ce programme est destiné à garantir la solvabilité des États pour leur permettre d'emprunter à des taux bas. Les effets de cette décision n’ont pas tardé : le 27 mars, l’OAT 10 ans, c’est-à-dire le taux phare auquel emprunte l’État français et indirectement indice de référence pour la fixation des taux de crédit immobilier, est repassé sous la barre de 0% ; il titrait -0,04% le 31 mars. Il reste loin de son minima observé en août dernier (-0,442%). En parallèle, l'institution communautaire a maintenu le taux de refinancement à 0% et le taux de dépôt à -0,50% pour inciter les banques à prêter aux entreprises et aux particuliers.
Vers une baisse inévitable des prix immobiliers
L'immobilier est bel et bien rattrapé par le coronavirus. Certains experts anticipent une chute très nette du nombre de transactions. Après une année 2019 euphorique avec plus d'un million de ventes dans l'ancien, le chiffre de 700 000 unités est avancé par le site MeilleursAgents, soit une contraction de 30%. Les notaires prévoient d'ores et déjà une correction des prix de 10% à 15% cette année. La chute des prix fait consensus auprès des professionnels, dans des proportions aujourd'hui inconnues, puisque la période de confinement peut se prolonger. Même si la pierre est une valeur refuge, l'immobilier est fortement dépendant de la corrélation entre la solvabilité des ménages et la valeur des biens. Dans les zones très tendues comme Paris, il est probable que les prix se rétractent mollement et retrouvent en quelques mois les niveaux d'avant. La priorité est ailleurs, on peut cependant souhaiter que le pouvoir d'achat des ménages ne souffre pas au point d'empêcher une reprise rapide de l'activité immobilière.