Quand l'immobilier va, tout va ! Le contexte impose d'appliquer la négation à cette formule célèbre. Traditionnellement considéré comme un baromètre de la conjoncture, le secteur immobilier subit de plein fouet la crise sanitaire sans précédent qui oblige au confinement et stoppe quasiment toute l'activité économique du pays. État des lieux.
Coup de frein sur la production de crédits immobiliers
Le marché du crédit est sur pause le temps de l'épidémie de Covid-19. La demande de financement est à l'arrêt, les priorités sont uniquement d'ordre sanitaire, les ménages devant observer les règles de confinement qui interdisent tout déplacement non essentiel. Quand bien même certains auraient envie de se lancer dans un projet immobilier, ils ne pourraient pas le concrétiser. Visites de logement impossibles, agences immobilières et études notariales fermées, seule la recherche en ligne est possible et permet, il est vrai, de peaufiner son projet en attendant des jours plus favorables.
Les banques traitent toujours les demandes déposées ces dernières semaines, avec un allongement inévitable de la procédure compte tenu du manque de personnel, mais elles n'acceptent aucun nouveau dossier de financement. Elles traitent aussi et surtout les demandes de report d'échéances qui arrivent en pagaille depuis la mise au chômage partiel ou économique de dizaines de milliers de salariés.
L'ironie voudrait qu'on rappelle les consignés édictées par les autorités financières fin décembre 2019. Si elles voulaient limiter l'octroi des crédits immobiliers, elles n'auraient pu trouver meilleur vecteur que ce virus dévastateur pour l'homme et pour tous les pans de l'économie mondiale. Après une année 2019 extatique avec plus d'un million de transactions et une production de crédits record, le Haut Conseil de Sécurité Financière, appuyé par la Banque de France, imposait aux établissements dès janvier 2020 de revenir à des pratiques d'octroi plus saines : durée de remboursement plafonnée à 25 ans, taux d'endettement strictement limité à 33%. Les régulateurs voulaient un apaisement du marché pour éviter tout endettement excessif des ménages, un vœu pieux qui risque malheureusement de se heurter aux réalités de la crise sanitaire.
Polémique entre les notaires et les agences immobilières
Les premiers ferment leur office, les secondes dénoncent la fin d'un service public, monopole des notaires. Le 19 mars dernier, Jean-Marc Torrolion, président de la Fnaim (Fédération nationale de l'immobilier) adressait un courrier au ministre chargé du Logement Julien Denormandie, mettant en cause les notaires qui mettaient temporairement fin à leur mission d'authentification des actes. Bien mal lui en a pris. Choqué, le SNPI (Syndicat National des Professionnels Immobiliers) a fait savoir dans un communiqué de presse qu'il "se désolidarise totalement des propos tenus par le président de la Fnaim", rappelant que "les notaires, comme l'ensemble des professions accueillant du public et dont l'activité n'est pas indispensable au fonctionnement vital du pays, appliquent les mesures de confinement". De son côté, le Conseil Supérieur du Notariat a estimé que la polémique "n'a pas sa place dans la crise actuelle". Son président a néanmoins envoyé un courrier au ministre pour dénoncer l'attitude de la Fnaim à l'encontre des notaires. Depuis le 18 mars, les études notariales ont adapté leurs services pour ne plus accueillir de public tout en continuant leur activité : télétravail, signature par procuration ou électronique, visioconférence entre acheteurs et vendeurs. La consigne est de reporter toute procédure quand cela est possible.
Le BTP dans le viseur du gouvernement
Comment éteindre l'incendie provoqué par le discours violent de la ministre du Travail Muriel Pénicaud ? Sur l'antenne de LCI, elle s'en prenait aux entreprises du bâtiments, se disant "scandalisée" par le manque de "civisme" de celles qui mettaient leurs chantiers à l’arrêt. Elle les accusait de "défaitisme" et s'attirait dans la foulée la colère du président de la Fédération française du bâtiment Jacques Chanut, outragé par ces déclarations. Entre la volonté légitime des ouvriers de se protéger en restant chez eux, le maintien des approvisionnements et d'une activité dans le respect des règles de sécurité, et le dispositif de chômage partiel que l’Etat rechigne à accorder à la filière, la confusion règne. Jacques Chanut réclame "écoute et respect de nos gouvernants" dont les injonctions contradictoires n'ont pas permis pour le moment d'apaiser les esprits. Malgré un accord entre le gouvernement et le secteur du bâtiment, il estime que les conditions de sécurité des salariés ne sont pas réunies. Un guide des bonnes pratiques qui recense tous les gestes barrière professionnels pour éviter les contaminations est en préparation, mais le nombre de tâches différentes sur un chantier est tel que la reprise de l'activité ne pourra se faire avant plusieurs semaines.