Les taux d'intérêt remontent nettement depuis mars 2022. Dû à plusieurs facteurs, ce phénomène inédit diminue le pouvoir d'achat immobilier et vient se heurter aux taux d'usure.
Une situation monétaire perturbée
Depuis janvier 2022, les taux d'intérêt ont commencé leur mouvement haussier, doucement jusqu'en mars, puis de manière accélérée avec le déclenchement de la guerre en Ukraine et l'envolée de l'inflation directement liée à ce conflit qui crée une crise énergétique sans précédent. Début 2022, il était encore possible de s'endetter autour de 1% sur 20 ans (hors coût assurance prêt immobilier et coût des sûretés) ; actuellement, le taux sur cette maturité excède le plus souvent les 2%. Un loyer de l'argent qui double en l'espace de quelques mois, du jamais vu !
Finie l'ère de l'argent facile. Les institutions monétaires mettent le holà. Face à la dérive inflationniste, la Banque Centrale Européenne prend une décision radicale en relevant ses taux directeurs de 50 points de base fin juillet dernier, mouvement suivi d'une nouvelle hausse des taux de la BCE en septembre 2022 de 75 points. Le taux auquel se refinancent les banques commerciales auprès de la BCE est ainsi passé de 0% à 1,25% en quelques semaines, son plus haut niveau depuis 10 ans. Le but : réduire la masse monétaire en circulation en ralentissant la consommation et ainsi freiner l'inflation.
Autre facteur délétère pour le coût de l'argent, le bond inscrit par l'OAT 10 ans. La dette française à 10 ans sur les marchés obligataires se situe actuellement autour de 2,70%, son plus haut niveau depuis juin 2012 (2,72%). En 2020 et sur une partie de l’année 2021, elle évoluait en zone négative. Or, le rendement de l'OAT 10 ans est aussi le taux auquel les banques empruntent à long terme sur le marché interbancaire.
Résultat, elles répercutent les conséquences de l'évolution monétaire sur leurs barèmes de taux aux particuliers pour préserver leurs marges sur ce produit d'appel qu'est le prêt immobilier. Elles sont toutefois bridées par l'usure qui impose des taux maximum au-delà desquels prêter est interdit.
Révision de l'usure au 1er octobre 2022
La bonne nouvelle est la nette hausse des taux d'usure au 1er octobre 2022. Selon l'annonce de la Banque de France mercredi 28 septembre, les taux maximum légaux vont être relevés de manière significative pour le dernier trimestre 2022. Même si leur publication au Journal Officiel intervient le 30 de ce mois, on connaît d'ores et déjà les taux d'usure pour les durées les plus courantes :
- 3,03% au lieu de 2,60% pour les prêts d'une durée comprise en 10 et moins de 20 ans
- 3,05% au lieu de 2,57% pour les prêts de 20 ans et plus.
Pour rappel, le taux d’usure correspond au TAEG (Taux Annuel Effectif Global) maximal à ne pas dépasser pour l’octroi d’un prêt immobilier. Ce taux agrège tous les coûts relatifs au crédit :
- les intérêts exprimés par le taux débiteur
- les frais de dossier
- la garantie (hypothèque, privilège du prêteur de deniers ou caution bancaire)
- les éventuelles commissions de courtage
- l’assurance emprunteur qui pèse en moyenne 30% du coût global.
Avec cet ultime relèvement de l’usure, sera-t-il plus facile d'emprunter ? La question est légitime, puisque cela fait des semaines que ça coince ! Près de 50% des demandes de financement sont recalées à cause de l'usure depuis juillet 2022. Les courtiers dénoncent une crise du crédit dont les premières victimes sont les ménages pourtant solvables.
Les taux d'intérêt ont malheureusement continué leur progression en octobre face à l'évolution à la hausse de l'OAT 10 ans. Indexés sur cet indicateur, les taux débiteurs proposés par les banques risquent de renchérir le coût du crédit et de rétrécir une nouvelle fois la fenêtre de tir, non pas en raison de leur niveau, mais de leur décalage avec celui de l'usure.
Malgré la grogne des courtiers et leurs appels à engager urgemment une réforme de l'usure, la BdF persiste et signe, indiquant qu'un relèvement exceptionnel des taux de l'usure n'est "ni souhaitable ni nécessaire".